Françaix (Jean)
Pianiste et compositeur français (Le Mans 1912 – Paris 1997).
Son père, Alfred Françaix, était directeur du conservatoire du Mans et sa mère dirigeait une chorale. Il est donc élevé dans la musique et, très précoce, signe sa première œuvre pour piano (Pour Jacqueline) à l'âge de neuf ans. 1921 est l'année de la mort de Saint-Saëns. Très ému, l'enfant rassure son père en affirmant qu'il remplacera le maître disparu ! Il commence à travailler la composition avec Nadia Boulanger en 1922. Puis il entre au Conservatoire de Paris (1926) dans la classe de piano d'Isidore Philipp. Il obtient son premier prix en 1930 et s'engage dans la carrière d'accompagnateur à travers la France. Mais l'essentiel de son activité est la composition, où il révèle une sûreté d'écriture qu'il met au service d'un style très personnel. En 1932, âgé de vingt ans, il présente une Symphonie qui provoque une tempête de protestations (Françaix la retirera de son catalogue). Puis, avec une facilité déconcertante, avec beaucoup de grâce, d'élégance, souvent de l'humour et toujours une grande maîtrise technique, il écrit des pages de musique instrumentale, symphonique, concertante (dont un Concerto pour piano de 1936, peut-être son œuvre la mieux connue), des mélodies, de nombreux ballets toujours fort bien accueillis et dont certains sont représentés à l'Opéra de Paris. Il aborde le théâtre lyrique avec une œuvre comique pour ténor, basse et petit orchestre, le Diable boiteux, créée chez la princesse de Polignac en 1938. Dans ce domaine, son œuvre maîtresse reste la Princesse de Clèves (Rouen, 1965). Dans sa musique de chambre, les mouvements sont souvent très courts, pétillants de vitalité, d'une écriture brillante qui prise les tempos rapides (Trio à cordes, 1933). Il a signé plusieurs musiques de film, collaborant notamment avec Sacha Guitry (Si Versailles m'était conté, 1953).
France (des origines au XIVe siècle)
C'est en territoire français, près des Pyrénées (grotte des Trois-Frères, près de Saint-Girons, dans l'Ariège), que se trouve le plus ancien témoignage connu de l'histoire de la musique : un dessin paléolithique (environ 150 siècles avant J.-C.) gravé dans le roc et représentant un sorcier dansant derrière des rennes en jouant de l'arc musical. La préhistoire celtique de l'époque gauloise n'a guère laissé de documents musicaux, encore qu'il n'est guère concevable que les cérémonies druidiques ou les coutumes païennes dont les vestiges ont longtemps subsisté n'aient été solidaires de traditions musicales. Un recueil de chants bretons, le Barzaz-Breiz, publié au XIXe siècle par Hersart de la Villemarqué, a passé quelque temps pour en avoir recueilli la tradition, mais son authenticité est très contestée. Les historiens carolingiens font encore mention de coutumes musicales très anciennes, comportant notamment des chants et des danses marqués de frappements de mains, dans des occasions saisonnières (solstices) ou sociales (mariages, funérailles, danses dans les cimetières, etc.), que l'Église a tantôt combattus, tantôt transformés et assimilés.
La conquête romaine semble avoir implanté, dans les régions les plus assimilées (Provence gallo-romaine, villes romanisées), une civilisation musicale gréco-romaine dont subsistent quelques vestiges (mosaïques, sarcophages), mais ce n'est qu'avec la christianisation progressive qui s'étend à partir du IIIe siècle qu'apparaissent des traces vraiment identifiables d'une activité musicale, centrée presque exclusivement sur la Cour et sur l'Église. La première vague d'édification du corpus grégorien (du Ve au IXe s.), si elle distingue mal les particularismes, n'en inclut pas moins la Gaule d'abord, les royaumes francs ensuite, dans l'aire centrale de sa création. Les musiciens sont toujours anonymes, mais parmi les auteurs de textes, des noms surgissent parfois : Venance Fortunat, auteur du Vexilla Regis, fut évêque de Poitiers au VIe siècle ; plus tard, Théodulfe, auteur du Gloria laus, sera évêque d'Orléans, et l'on a souvent attribué à saint Bernard de Clairvaux le très célèbre Salve regina. Le roi de France Robert II dit le Pieux (fin Xe s.) passe pour avoir composé des poèmes liturgiques, parmi lesquels l'antienne O constantia martyrum, que la malignité publique releva avec ironie en y décelant une allusion autobiographique à son épouse Constance, dotée paraît-il d'un fort mauvais caractère.
C'est avec le partage de l'empire de Charlemagne qui résulta du traité de Verdun en 843 que naît l'idée, qui ne s'effacera plus désormais, d'une « nation » française. Elle restera assez longtemps diluée à travers les réseaux complexes des liens mouvants entre rois de France et seigneurs féodaux, mais elle trouvera son ciment dans une langue qui reste commune, malgré les particularismes des deux groupes, langues d'oc au sud, d'oïl au nord. Si l'on excepte l'épisode des « trouveurs », la musique ne semble pas s'en être trouvée affectée, et d'une manière de plus en plus précise se dégagera l'idée d'une « musique française » que la fin du Moyen Âge trouvera solidement implantée.
La renaissance carolingienne portait sur la musique tout autant que sur les lettres et les arts. Conscient du ciment d'unité morale et politique que constitue l'unité liturgique, l'empereur attachait une grande importance au développement d'un chant de qualité unifié par un retour aux traditions romaines. Il y travailla par l'envoi de missions et par la création d'écoles, dont celle de Metz devint l'une des plus célèbres. Autour de lui se créa dans le nord de la France un vaste mouvement de réflexion sur la musique, grâce auquel celle-ci perdit son aspect antérieur d'expression spontanée et irraisonnée pour devenir un art conscient et réfléchi, ouvert comme tel à toutes les extensions et évolutions. Hucbald, abbé de Saint-Amand (v. 840-930), auteur d'un important De harmonica institutione, eut une telle renommée qu'on lui attribua longtemps à peu près tous les traités de son époque, et en particulier celui qui, sous le nom bizarre de Musica Enchiriadis (musique « de » ou « du » manuel) devait révolutionner la conception musicale en y incluant pour la première fois la notion de simultanéité des sons (polyphonie) ; son véritable auteur est un certain Ogier qui fut peut-être l'un des abbés de Laon. Origine analogue pour un traité anonyme habituellement copié à la suite du précédent sous le nom de Alia musica (« autre » traité de musique), et qui, avec hardiesse et maladresse, s'essaie à rationaliser la théorie musicale par les nombres. C'est également Ogier qui, en mélangeant mal à propos la théorie grecque transmise par Boèce et les 8 tons du plain-chant, a créé le mythe tenace de la filiation gréco-latine des modes grégoriens, auxquels il donnait à tort les noms topiques grecs (dorien, phrygien, etc.) qui leur sont malencontreusement restés.
Les inventions du IXe siècle
Les trois grandes inventions qui, à partir du IXe siècle, ont rendu possible l'extraordinaire développement ultérieur de l'art musical la polyphonie, les tropes, la notation sont probablement nées sur le sol français, ou du moins y ont laissé leurs premières traces décelables. Nous avons déjà mentionné la polyphonie. Les tropes, principe de composition libre à partir du modèle grégorien, viennent de l'abbaye de Jumièges, d'où ils seront transportés en Suisse, à l'abbaye de Saint-Gall qui leur donnera un développement décisif, et en Aquitaine, où l'école de Saint-Martial de Limoges créera à son tour une aire de diffusion de grande envergure. La notation, dans son origine, apparaît solidaire des précédentes mutations. C'est dans le groupe des traités mentionnés plus haut qu'elle quitte pour la première fois le domaine de la numérotation alphabétique, attribué tantôt au Français Odon de Cluny, tantôt à l'Italien Guillaume de Volpiano, pour se doter de signes spécifiques notation dite dasiane, portées intervalliques avant d'adopter le principe des neumes qui trouvera à Saint-Gall son point de développement privilégié, mais donnera lieu également à une multiplicité d'écoles parmi lesquelles beaucoup sont françaises école de Chartres, de Bretagne, d'Aquitaine, etc.
L'extraordinaire développement du monachisme clunisien, essentiellement favorable au développement des arts religieux, n'a pas manqué de faire des abbayes filiales, dont la plupart étaient françaises, des centres importants de culture musicale. C'est probablement dans les abbayes clunisiennes, notamment à Fleury (Saint-Benoît-sur-Loire), que prendront forme les essais de « drame liturgique » qui donneront naissance au théâtre chrétien musical, puis au théâtre tout court, et dans les abbayes aquitaines, spécialement à Saint-Martial de Limoges, que, sur la lancée des tropes, se développera toute une littérature latine chantée dont l'expression principale sera le versus, lequel à son tour n'aura plus qu'à se séculariser et à adopter la langue vernaculaire pour devenir le vers, nom d'époque couramment donné à ce que nous appelons aujourd'hui la chanson de trouveur.