Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
S

Szekely (Zoltán)

Violoniste hongrois naturalisé néerlandais, puis américain (Kocs 1903 – Banff, Canada, 2001).

Ami d'enfance de Bartók, il étudie à l'Académie de Budapest avec Jenö Hubay en violon, et Kodály en composition. Entre 1923 et 1938, il joue souvent en duo avec Bartók, créant en Hongrie la Sonate pour violon et piano de Debussy. En 1932, le compositeur lui dédie sa Rhapsodie no 2, et, en 1939, le Concerto pour violon. De la création du Quatuor hongrois en 1935 à sa dissolution en 1970, il en est le premier violon. Émigrant en Hollande dès 1938, il accorde une grande place aux œuvres de Ravel et Honegger en tant que soliste ou chambriste. En 1960, il se fixe aux États-Unis, où il enseigne à l'Université de Californie du Sud, privilégiant Beethoven, la musique française et Bartók. On lui doit aussi plusieurs compositions instrumentales.

Szell (George)

Chef d'orchestre américain, d'origine hongroise (Budapest 1897 – Cleveland 1970).

Élève à Vienne de Mandyczewski (théorie musicale), de J. B. Foerster (composition) et de Richard Robert (piano), et, à Leipzig, de Max Reger, il joue à onze ans ses premières œuvres pour piano et à seize dirige l'Orchestre symphonique de Vienne. Engagé par Richard Strauss comme répétiteur au Staatsoper de Berlin (1915-1917), il y revient comme premier chef de 1924 à 1929, après avoir fait ses classes à Darmstadt (1921), à Dusseldorf (1922), à Strasbourg et à Prague, où il est directeur général de la musique de 1929 à 1937. Jusqu'en 1946, il mène une carrière de chef invité, notamment à Glasgow, où il dirige l'Orchestre écossais (1937-1939), à La Haye avec l'Orchestre de la Résidence, et aux États-Unis, où il dirige à New York l'Orchestre de la NBC (1941-42), le Metropolitan Opera (1942-1946) et l'Orchestre philharmonique (1943-1956).

   Mais son plus grand titre de gloire reste d'avoir dirigé, de 1946 à 1970, l'Orchestre de Cleveland, devenu sous son règne l'une des meilleures phalanges américaines. À force de discipline, il en a façonné le son et l'âme de manière exemplaire, comme purent en juger à trois reprises les mélomanes européens (1957, 1965 et 1967). De 1946 à 1970, George Szell dirige un cours de direction d'orchestre de grande renommée, d'où sont issus notamment James Levine, Louis Lane, Matthias Bamert. Chef invité du Concertgebouw d'Amsterdam (à partir de 1958), conseiller musical de l'Orchestre philharmonique de New York, il crée au Festival de Salzbourg deux ouvrages de Liebermann, Pénélope (1954) et l'École des femmes (1957), et Légende irlandaise de Egk (1955). Essentiellement tourné vers le répertoire classique et romantique, il vise dans ses interprétations à une objectivité respectueuse du texte musical, se refusant à « verser de la crème au chocolat sur les asperges ».

Szeryng (Henryk)

Violoniste mexicain, d'origine polonaise (Varsovie 1918 – Cassel 1988).

Il reçoit de sa mère ses premières leçons de piano, mais, ayant choisi le violon, il part pour Berlin en 1928 étudier avec Carl Flesch, et débute en 1933 dans quatre capitales européennes, dont Paris, où il étudie la composition, de 1933 au début de la guerre, auprès de Nadia Boulanger. Il donne pendant la guerre près de 30 concerts pour les troupes alliées, et défend la cause des réfugiés polonais, notamment au Mexique, qui devient, la paix revenue, sa patrie d'adoption. Professeur à l'université de Mexico à partir de 1946, il reprend la carrière seulement en 1954, encouragé par Arthur Rubinstein. Il soutient la jeune école mexicaine et crée des œuvres de Chavez, Ponce, R. Halffter, Maderna, Martinon, Penderecki, etc., ainsi que le 3e Concerto de Paganini (Londres, 1971), récemment redécouvert. Son jeu allie la clarté à l'élégance.

Szigeti (Joseph)

Violoniste américain, d'origine hongroise (Budapest 1892 – Lucerne 1973).

Son père et son oncle lui donnent ses premières leçons de violon, et Jenö Hubay complète sa formation, à l'académie Franz-Liszt de Budapest (1903-1905). À peine âgé de dix ans, il joue en public et donne, trois ans plus tard, son premier véritable concert. Puis il se produit à Dresde et travaille pour les théâtres de Francfort et de Würzburg. En 1906, négligeant les offres d'enseignement de Joachim, qui lui prédit un grand avenir, il choisit de vivre à Londres (jusqu'en 1913), où il joue sous la direction de Beecham, accompagne Nellie Melba, Myra Hess, Wilhelm Backhaus, Ernst von Lengyel, et interprète le Concerto de Busoni sous la direction de l'auteur. En 1909, Szigeti crée la première œuvre composée à son intention, le Concerto de Hamilton Harty.

   Les années de guerre correspondent à une période de réflexion et de travail en profondeur, prolongée par les cours qu'il donne au conservatoire de Genève, de 1917 à 1924, avant de reprendre une carrière vouée de plus en plus à la musique de son temps. Il est ainsi le premier à jouer le Concerto no 1 de Prokofiev en U. R. S. S. (en 1924, lors de la première de 11 tournées, de 1924 à 1929) et à interpréter les œuvres de ses amis, Stravinski, Bloch, F. Martin, Bartók, Busoni, lors de ses visites aux États-Unis (il y débute en 1925 avec l'Orchestre de Philadelphie), en Extrême-Orient, en Australie, etc. Il retrouve aux États-Unis, où il s'installe à partir de 1940, Bartók, avec qui il joue en duo (notamment à la Library of Congress de Washington en 1940), et dont il crée, avec le commanditaire, Benny Goodman, les Contrastes. Vivant en Suisse à partir de 1960, il se retire peu à peu de la carrière (ses derniers récitals en Californie en 1962 sont voués à Bach), se consacrant à la rédaction de livres sur son art et participant comme juré aux grands concours internationaux.

   Créateur de la Première Rhapsodie et des Contrastes de Bartók, de la Sonate de Rawsthorne, de la Nuit exotique de Bloch, de la Mélodie sans paroles op. 35 bis no 5 de Prokofiev, des Concertos de Casella, Harty et F. Martin et de la Sonate en « sol » d'Ysaye, toutes œuvres qui lui sont dédiées, il a également interprété et enregistré des pages de Berg, Milhaud, Ravel, Stravinski, Cowell, Dohnanyi, Hindemith, Ives, et fait redécouvrir des pièces de Tartini et la Rêverie, romance et caprice de Berlioz. Évoluant d'une virtuosité insolente à la sobriété d'une conception privilégiant justesse et puissance expressive, au détriment parfois de la beauté même du timbre, Szigeti a su concilier une technique héritée du XIXe siècle (particulièrement sensible dans la tenue de l'archet, coude au corps) avec l'esprit nouveau-né de la littérature pour violon du XXe siècle.