Beethoven (Ludwig van)
- Ludwig van Beethoven, Quatuor n° 10 en mi bémol, op. 74 « Les Harpes » (1ermouvement : allegro)
- Ludwig van Beethoven, Concerto pour violon en ré majeur, op. 61 (3emouvement, rondo)
- Ludwig van Beethoven, Ouverture dEgmont
- Ludwig van Beethoven, Symphonie n° 5 en ut mineur, op. 67 (1ermouvement, allegro con brio)
- Ludwig van Beethoven, Symphonie n° 9, op. 125 (3emouvement, scherzo)
- Ludwig van Beethoven, Concerto pour piano n° 5 en mi bémol, op. 73
Compositeur allemand (Bonn 1770 – Vienne 1827).
On trouve la trace d'ancêtres de Beethoven à Malines et à Louvain (Belgique), des cultivateurs devenus citadins. Le nom signifie littéralement « jardin aux betteraves » et la particule « van » n'a point de sens nobiliaire. C'est à Malines que naquit, en 1712, le premier Beethoven musicien, « Ludwig l'Ancien ». Il s'installa à Bonn comme Hofmusikus du prince-archevêque. Johann, son seul enfant demeuré en vie, lui succéda à la chapelle princière comme ténor ; ce dernier épousa, en 1767, Maria Magdalena Keverich, fille du chef cuisinier du prince électeur de Trèves, femme douce et résignée, qui devait mourir de tuberculose en 1787. De leurs sept enfants, trois seulement survécurent. Ludwig, le deuxième des sept et l'aîné des trois frères survivants, naquit le 16 ou 17 décembre 1770 dans leur pauvre logis de la Bonngasse.
Un talent précoce et hors du commun
L'enfance de Beethoven ne fut pas heureuse, quoiqu'on ait exagéré les cruautés de Johann à l'égard de son fils qu'il voulait « enfant prodige » comme Mozart. Ses premiers maîtres furent selon l'occasion : Tobias Pfeiffer, ténor dans une troupe ambulante, le violoniste Rovantini, le vieil Aegidius Van der Eeden, organiste de la Cour. Christian Gottlieb Neefe, successeur de ce dernier, doit être considéré comme le premier maître sérieux de Beethoven. L'enfant fit de tels progrès sous sa férule qu'il reçut à douze ans un titre d'organiste suppléant, rétribué et investi de responsabilités croissantes, tandis que le père s'enfonçait dans l'alcoolisme et la déchéance. C'est à cette époque que Beethoven déserta de plus en plus le domicile paternel pour celui, accueillant et chaleureux, de la famille von Breuning, qui allait être son foyer d'élection.
Très vite, le rayonnement de son talent dépassa ce cercle amical ; le comte Waldstein, favori du nouveau prince électeur libéral Max Franz, obtint que Beethoven effectuât un voyage d'études à Vienne. De ce premier séjour (du 7 au 20 avril 1787 environ), on ne sait pas grand-chose. La rencontre avec un Mozart tout absorbé par la composition de Don Giovanni et méfiant à l'égard des jeunes prodiges, semble être restée sans résultat : ni enseignement ni consécration des encouragements peut-être. Beethoven revint à Bonn pour assister à la mort de sa mère, tandis que son père sombrait tout à fait dans l'éthylisme. Johann et Kaspar, les plus jeunes frères, étaient alors à la charge de Ludwig (ils ne le lui pardonnèrent pas). De cette époque (1790) datent les cantates pour la mort de Joseph II, pour l'avènement de Léopold II, non jouées « à cause de leurs difficultés », œuvres assez conventionnelles dont les maladresses laissent cependant présager un grand musicien. Aussi, lorsque Haydn les vit, lors d'un passage à Bonn, il invita le jeune Beethoven à faire des « études suivies » avec lui. Le fidèle Waldstein intervint une nouvelle fois et Beethoven quitta définitivement Bonn pour Vienne, le 2 novembre 1792. « Recevez des mains de Haydn l'esprit de Mozart », écrit Waldstein dans son album.
Le pianiste de l'aristocratie viennoise
Vienne, capitale du monde germanique, ville de cours, de palais et de faubourgs champêtres, était une ville de mode et de plaisirs, obstinément traditionaliste, résolument superficielle. Terre de génies, elle accueillit Beethoven d'abord avec grâce. D'emblée, il fut adopté par l'aristocratie mélomane : Lichnowsky, Lobkowitz, Schwarzenberg, Zmeskall von Domanovecs furent parmi les souscripteurs des 3 trios op. 1 (1794-95), œuvres déjà marquées par la personnalité, sinon le style du jeune musicien. Avec les 3 sonates op. 2 pour piano (1795-96), dédiées à Haydn, Beethoven rendit à son ancien maître un unique hommage officiel. Ses études avec lui avaient été assez sporadiques : l'exemple de ses œuvres lui fut bien plus profitable que ses leçons de contrepoint. Beethoven fréquenta, non moins sporadiquement, d'autres maîtres : Schenk, Albrechtsberger, Salieri ; il acquit rapidement, chez l'un ou l'autre, les connaissances techniques qui lui étaient nécessaires. En 1795, il était déjà en pleine possession de son métier, de sa personnalité, d'une virtuosité de pianiste hors du commun, comme en témoigne son premier grand concert viennois, en mars 1795, où il joua un concerto de Mozart, avec des cadences de sa composition, et une des versions primitives de son propre 1er concerto (publié plus tard comme 2e). Mais le domaine où le génie de Beethoven s'affirma déjà conquérant, irrésistible, ce fut, au dire de tous les témoins de l'époque, celui des improvisations au piano où il déchaînait son imagination sans entraves. Beethoven habitait alors chez le prince Lichnowsky et se produisait dans tous les salons viennois, arrachant « larmes » et « sanglots » (Czerny) à ses auditeurs bouleversés.
Une pensée novatrice
Dans les sonates op. 7, op. 10 pour piano (1796-1798), dans celle notamment en ré majeur, Beethoven fit entendre, déjà et d'emblée, la modernité de son génie, ses audaces, ses dissymétries, sa force dramatique inouïe : le largo e mesto de cette sonate op. 10 no 3 en est le surprenant témoignage. Tous les éléments du langage musical s'associent là, selon des modes nouveaux, en des structures où les anciennes hiérarchies sont bouleversées, les convergences harmoniques, rythmiques, dynamiques contestées.
Les sonates suivantes, op. 13 Pathétique, op. 26 et 27, font éclater la menace beethovénienne sur la forme traditionnelle : bouleversements au niveau du dualisme thématique et des développements, mise en question de l'ordonnance des mouvements (sonate op. 27 Quasi una fantasia). Les 6 quatuors à cordes op. 18, publiés en 1801 (notamment, le premier composé, op. 18 no 3), attestent également cette pensée novatrice qui associe les lignes de force musicales selon des critères libres : oppositions de registres, de masses, d'intensités, contrastes brutaux, raffinements extrêmes. Le 6e quatuor (avant-dernier dans l'ordre de composition) fait entendre dans son adagio, intitulé la Malinconia (« la mélancolie »), l'une des pages les plus saisissantes de la musique, un développement halluciné et hallucinant d'harmonies sans polarité, de forces contradictoires, qui annonce le Beethoven des dernières années.
Ces premières années viennoises furent les plus heureuses de Beethoven : succès, faveur des princes, amitiés profondes et durables avec Wegeler, Ries, Amenda, Zmeskall, le violoniste Schuppanzigh, inlassable pionnier de sa musique. Mais voici que, en 1801, dans deux lettres du mois de juin à Wegeler et à Amenda, qui avaient quitté Vienne, l'ombre apparut : Beethoven dévoilait ce qu'il cachait à tous depuis un certain temps sa surdité naissante, croissante, bientôt irrémédiable. Son désespoir sembla momentanément apaisé ou plutôt différé par l'entrée dans sa vie « d'une jeune fille bien-aimée » : Giulietta Guicciardi, dont le charme frivole, à dix-sept ans, conquit Vienne ; Beethoven lui dédia la sonate op. 27 no 2, dite Clair de lune. De ce que fut cet amour réellement, des sentiments de l'un et de l'autre, nous ne savons rien, et tout le reste est légende. Toujours est-il que Giulietta épousa le comte Gallenberg et laissa Beethoven à la solitude et au désespoir, que traduisit, en 1802, un document poignant : le « testament d'Heiligenstadt ». L'idée de suicide hanta Beethoven : « C'est l'art et lui seul qui m'a retenu », écrivit-il. Lorsqu'il quitta sa retraite d'Heiligenstadt et rentra à Vienne, il avait sur sa table le manuscrit achevé de la 2e symphonie, dont la gaieté et l'entrain déjouent l'idée d'identité ponctuelle entre œuvre et vie, chère aux commentateurs ; le 1er mouvement de la 3e symphonie était aussi esquissé.
Dès la 1re symphonie, Beethoven avait manifesté l'audace de son génie. Dans la forme d'abord : le ton d'ut majeur n'est atteint qu'au terme d'une pérégrination harmonique de 12 longues mesures adagio, « anacrouse formelle » que l'on retrouve amplifiée dans la 2e symphonie (33 mesures adagio précèdent l'allegro initial). Dans l'orchestration ensuite : la suprématie hiérarchique des cordes y est contestée par une véritable promotion des instruments à vent (la critique reconnut ce fait en lui reprochant d'écrire « de la musique militaire »). Dans la 3e symphonie, achevée au début de 1804, la pensée orchestrale novatrice de Beethoven était à son point culminant : le timbre entre de plein droit dans l'architecture musicale, associé aux métamorphoses harmoniques, formant ce que l'on pourrait appeler des « modulations de timbre », dont voici un exemple extrait du 1er mouvement : mi bémol majeur/fa majeur/ré bémol majeur Violoncelles/Cor en fa/Flûte-violons en si bémol majeur/mi bémol majeur 2 flûtes-altos-basses/Tout l'orchestre.
Dans le mouvement lent, marche funèbre, le timbre est associé aux rythmes en d'étranges alliages, sombres ou d'une clarté tranchante : ces associations inouïes créent le climat dramatique du morceau. Quant au mouvement final, il est bâti sur le thème du finale du ballet de Prométhée op. 43 et se déroule ostinato en 12 variations qui mettent entre parenthèses la forme traditionnelle du rondo. Le contexte historique de ce chef-d'œuvre a fait couler beaucoup d'encre ; on sait que Beethoven, républicain convaincu dès 1798, l'avait dédié à Bonaparte, en qui il voyait l'égal des grands consuls romains. En apprenant que Bonaparte s'était fait sacrer empereur, il entra en grande fureur, déchira la page de dédicace et donna à son œuvre le titre définitif de Sinfonia eroica.