Belaïev (Mitrofan Petrovitch)
Éditeur russe (Saint-Pétersbourg 1836 – id. 1903).
Fervent mélomane, Belaïev joua un rôle fondamental dans la vie musicale russe du dernier quart du XIXe siècle. Il organisait chez lui des soirées de musique de chambre consacrées à Haydn, à Mozart, etc. Admirateur passionné de Glazounov, il fonda à Saint-Pétersbourg, en 1885, les Concerts symphoniques russes dans l'intention d'y faire jouer les œuvres de ce musicien. La même année, Belaïev créa à Leipzig une maison d'édition pour publier les œuvres de Glazounov, mais aussi celles de Borodine, Rimski-Korsakov, Moussorgski, Liadov, Tanéiev, etc. En 1891, il fonda les Concerts de musique de chambre pour l'exécution de la musique russe. À sa mort, Liadov, Rimski-Korsakov et Glazounov devinrent les administrateurs de la maison d'édition et des sociétés de concerts.
Belgique
L'histoire n'a permis à la Belgique que très tardivement d'éprouver un sentiment national clair et de se donner une école artistique propre. Certes, la musique se développa à Liège dès le Xe siècle, et, à partir du XIVe siècle, des villes comme Liège, Bruges, Malines, Gand, Anvers eurent des maîtrises ecclésiastiques. Certes, les territoires belges ou limitrophes de la Belgique virent naître ou vivre, aux XVe et XVIe siècles, des compositeurs tels que Ciconia, Dufay, Binchois, Pierre de La Rue, Barbireau, Richafort, Clemens non papa, Josquin Des Prés, Willaert, Cyprien de Rore, Jaches de Wert, Brassart, Roland de Lassus, Philippe de Monte, ainsi que les éditeurs Susato, Plantin, Phalèse. Il n'est pas légitime pour autant de parler de musique belge, à cette époque, dans ces régions ; ces courants de l'évolution musicale sont d'ailleurs évoqués dans les articles Bourgogne et école francoflamande.
Le « siècle de malheur » qui suivit la mort de Roland de Lassus (1594) ne produisit aucun compositeur de tout premier plan, malgré l'activité des maîtrises et de la chapelle royale, annexe de celle de Madrid. La musique religieuse y demeurait conforme à la tradition polyphonique (8 messes de Henri Beauvarlet, motets de Daniel Raymond, Gilles Henry Hayne, Léonard de Hodimont ou Lambert Pietkin), même lorsqu'elle faisait appel à un accompagnement instrumental (litanies et motets de Jean Dromal). Seul Henry Du Mont (1610-1684) put prétendre à une certaine notoriété, moins d'ailleurs par ses motets à 1, 2, 3 voix et à 2 chœurs, où il fait figure de précurseur, que par ses messes en plain-chant.
Au siècle suivant, le flûtiste et claveciniste Jean-Baptiste Lœillet (1680-1730) joua un rôle important dans la diffusion de la flûte traversière, et Grétry (1741-1813) donna une impulsion définitive à l'opéra-comique français en conciliant l'art du chant à l'italienne et les impératifs de l'expression dramatique. Mais, à la même époque, d'autres musiciens moins connus contribuèrent à la formation du style classique dans le domaine vocal ou instrumental : Henri-Jacques de Croes (1705-1786) et Pieter Van Maldere (1729-1768), symphonistes de la chapelle royale, ou Jean-Noël Hamal (1709-1778), dont la production théâtrale et religieuse est abondante et originale.
En 1830, quand l'État belge acquit son indépendance, Flamands et Wallons n'en étaient pas encore à créer une musique nationale. Ce fut l'ère des techniciens, des musicologues et des interprètes. Au premier rang de ceux-ci, il faut citer André Robberechts, maître de Charles de Bériot (1802-1870) qui devait fonder l'école de violon dont Henri Vieuxtemps (1820-1881), Eugène Ysaye (1858-1931), Mathieu Crickboom (1871-1947), Alfred Dubois (1898-1949) et Arthur Grumiaux (1921) ont été jusqu'à nos jours les meilleurs représentants. Dans le domaine de l'orgue, Nicolas Lemmens (1823-1881) fait également figure de chef d'école avec ses deux éminents disciples, Guilmant (1845-1937) et Widor (1837-1911). Dans celui de la musicologie, il faut citer avant tout François-Joseph Fétis (1784-1871) et Auguste Gevaert (1828-1908), qui fut directeur du conservatoire de Bruxelles et se montra un pédagogue et un animateur exceptionnels. Dans celui de la composition, il y a eu Albert Grisar (1808-1869).
Si l'on excepte César Franck, revendiqué par la France et dont l'influence fut grande par l'œuvre comme par l'enseignement, le nom le plus important de la première génération de compositeurs est celui de Peter Benoit (1834-1901), créateur à Anvers d'une école de musique élevée en 1898 au rang de Conservatoire royal, et ardent propagandiste d'un art national flamand. Parmi ses successeurs flamands immédiats, fidèles à son esthétique néoromantique, on peut citer François Marie de Mol (1844-1883), Henry Waelput (1845-1885), Jan Blocks (1851-1912), qui donna ses pages les plus significatives à la scène, Edgar Tinel (1854-1912), qui succéda à son maître Gevaert à la direction du conservatoire de Bruxelles et s'orienta surtout vers la musique sacrée, August de Boeck (1865-1937), Lodewijk Mortelmans (1868-1952), Flor Alpaerts (1876-1954), Arthur Meulemans (1884-1966) et surtout le Bruxellois Paul Gilson (1865-1942), remarquable pédagogue et théoricien qui fut le maître à penser de toute l'école précontemporaine. C'est parmi ses disciples, tant flamands que wallons, que devait se former vers 1925 le groupe des Synthétistes.
En la personne de Guillaume Lekeu (1870-1894), la Wallonie produisit un compositeur de tout premier plan. De ses contemporains, Joseph Jongen (1873-1953) fut le plus important. Il dirigea le conservatoire de Bruxelles de 1925 à 1939. Désiré Pâque (1867-1939) fut un pionnier de l'atonalité, et Raymond Moulaert (1875-1962) se laissa influencer par la France. Élève de Paul Gilson, Jean Absil (1893-1974) fut longtemps le chef de file de la musique wallonne et, par son modernisme, prépara la voie aux Synthétistes.
Ceux-ci suivirent, plus ou moins, l'exemple parisien du groupe des Six ou de l'école d'Arcueil et voulurent " couler dans des formes bien définies, bien équilibrées tous les apports de la musique actuelle ". Leur manifeste, qui n'impliquait pas des tendances esthétiques communes, mais l'union de leurs efforts dans le domaine de la diffusion, parut dans la Revue musicale belge de novembre 1925. Le véritable fondateur du groupe fut Maurice Schoemaker (1890-1964). Parmi ses membres, Francis de Bourguignon (1890-1961), à la palette raffinée, Gaston Brenta (1902-1969), au lyrisme hardi, André Souris (1899-1970), qui milita infatigablement en faveur de l'avant-garde, Albert Huybrechts (1899-1938), René Bernier (1905), sans doute le plus français de tous les compositeurs belges, et Marcel Poot (1901-1988), à la verve truculente. En marge des Synthétistes, Raymond Chevreuille (1901-1976) fut une personnalité indépendante très en vue. À ses côtés, citons Fernand Quinet (1898-1971) et Gérard Bertouille (1898-1981). Leurs contemporains flamands ont pour noms Willem Pelemans (1901-1991) et Godefroid Devreese (1893-1972). De la même génération relèvent encore les musicologues Charles Van den Borren (1874-1966), connaisseur incomparable des Franco-Flamands, Suzanne Clerckx (1910-1985) et Paul Collaer (1891-1989), spécialiste de la musique contemporaine, ainsi que Daniel Sternefeld (1905-1986).
De la génération de 1910-1925 relèvent Jacques Stehman (1912-1975), qui exerça également une activité de critique, Albert Delvaux (1913), Marcel Quinet (1915-1986), Victor Legley (1915), Arsène Souffriau (1926), qui a pratiqué le dodécaphonisme et s'est intéressé à l'électronique, et, surtout, deux compositeurs qui, à des titres divers, ont joué un rôle important dans l'avant-garde européenne d'après 1945 : Pierre Froidebise (1914-1962), Frits Celis (1929) et Karel Goeyvaerts (1923-1993). C'est, néanmoins, Henri Pousseur (1929) qui plus que tout autre, après avoir été initié à Webern par son maître Pierre Froidebise, incarna cette avant-garde en Belgique. Audacieux expérimentateur, doué d'une intelligence et d'une sensibilité rares, Pousseur joue depuis trente ans un rôle essentiel dans la vie musicale belge.
Parmi ses cadets se sont surtout imposés Philippe Boesmans (1936) et Pierre Bartholomée (1937). Citons également les noms de Jacqueline Fontyn (1930), professeur de composition au conservatoire de Bruxelles, Raymond Baervoets (1930-1989), qui fit partie du groupe gantois Spectra, Paul-Baudoin Michel (1930), Jacques Calonne (1930), Lucien Goethals (1931), Claude-Robert Roland (1935), Leo Kupper (1935), Claude Albert Coppens (1939), Georges Dumortier (1941), Rafael d'Haene (1943), Jean-Louis Robert (1948-1979), le symphoniste Luc Brewaeys (1959) ainsi que l'organiste Bernard Foccroulle (1953).
L'évolution de la composition et, plus généralement, celle de la vie musicale ont été soutenues par la radiotélévision et par diverses institutions (v. Bruxelles). Parallèlement s'est développé l'enseignement de la musicologie dans les universités de Bruxelles, Gand, Liège et Louvain, tandis que la diffusion musicale bénéficie de l'action de plus en plus soutenue d'organismes comme le Centre de recherches musicales et comme l'Opéra de Wallonie, qui, à partir de Liège, rayonnent sur Charleroi, Mons, Verviers. Le festival Ars Musica (musique contemporaine) a lieu tous les ans à Bruxelles en mars.