Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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piano (suite)

Le piano a-t-il un avenir ?

Le milieu du XXe siècle lui a fait perdre la fonction, jusque-là répandue, de prolonger le concert en interprétant soi-même des transcriptions ou des réductions d'œuvres pour orchestre symphonique. Le piano s'est d'abord adapté au désir de reproduction automatique du son, dans ses modèles de « piano mécanique », « auto-piano », ou plus tard « piano pneumatique », modèles de plus en plus destinés à une musique de divertissement. Mais l'enregistrement discographique ou magnétique, moins exigeant et plus fidèle, lui retire cette activité.

   Il n'est pas sûr, non plus, que le piano maintienne sa position privilégiée dans l'arsenal pédagogique : les moyens télématiques et les nouvelles méthodes apporteront bientôt des résultats au moins semblables.

   Quant à la fortune des récitals pianistiques, il est à remarquer que les derniers grands virtuoses au sens romantique du mot sont morts ou âgés, et que leurs jeunes successeurs ne conçoivent plus leur carrière de la même façon, ne serait-ce que par la disparition d'un répertoire pianistique contemporain, analogue à celui qui a été créé jusque-là. Les œuvres récentes de Henri Dutilleux, Olivier Messiaen, Pierre Boulez ou John Cage font rarement partie des récitals traditionnels, composés le plus souvent des noms de Bach, Mozart, Beethoven, des romantiques et des compositeurs du début du XXe siècle, comme Debussy, Ravel, et parfois Bartók ou Prokofiev. Nos créateurs contemporains sont défendus par de courageux interprètes, qui leur vouent des récitals « spécialisés », attirant en conséquence un public plus restreint.

   Le piano survit parce que le grand public s'intéresse surtout à la musique du passé, mais lorsqu'un jeune public s'éveillera à la musique de son temps avec des moyens nouveaux, le piano aura vécu, ou il devra subir, à l'image d'autres instruments de musique, une profonde métamorphose actuellement imprévisible.

piano préparé (en angl. prepared piano)

Nom donné à une certaine technique de modification des sons naturels du piano (essentiellement par insertion d'objets divers dans la caisse et entre les cordes) ; et aussi nom donné au piano quand celui-ci fait l'objet de ce traitement. On attribue l'invention du piano préparé à John Cage, avec une Bacchanale (1938), musique pour un ballet de Syvilla Fort. Il s'agit moins, avec cette technique, d'une « destruction » ou d'une « profanation » de l'instrument (qui, pour peu qu'on y prenne garde, n'est pas le moins du monde détérioré par l'opération) que d'une façon nouvelle de lui faire produire des sonorités et des timbres. Quels que soient les « corps étrangers » introduits dans les cordes (gommes, vis, élastiques, objets de bois, de métal, de plastique, etc.), leur rôle est de modifier le son naturel de l'instrument quand on appuie sur la touche du clavier et que le marteau frappe la corde : on produit ainsi des timbres et des hauteurs différentes, des sons plus complexes, voilés, percussifs, mats ou au contraire stridents. De plus la préparation n'étant pas uniformément répartie sur tout l'instrument, on dispose d'une espèce de gamme de timbres différents, d'une sorte de petit orchestre jouable avec deux mains.

   Dans les partitions pour piano préparé, la préparation demandée peut être rigoureusement décrite et spécifiée (nature des objets insérés, indication des cordes à préparer, et des endroits précis où introduire ces objets), mais l'œuvre est écrite dans une notation traditionnelle, qui, dès lors, rend compte plus des touches à enfoncer que du résultat auditif.

   L'œuvre pour piano préparé la plus importante est celle de John Cage, avec notamment le cycle remarquable des Sonates et Interludes (1946-1948), qui imitent des sonorités de certaines musiques orientales, notamment balinaises. Mais dès 1948, Pierre Henry utilise le piano préparé comme source sonore prédominante de structures musicales enregistrées dans ses œuvres de musique concrète et électroacoustique (Bidule en « ut », 1950 ; Symphonie pour un homme seul, 1949-50, ces deux œuvres avec Pierre Schaeffer ; plus tard le Concerto des ambiguïtés, 1950 ; le Microphone bien tempéré, 1950-51 ; la Reine verte, 1963 ; Dieu, 1977, etc.). Aujourd'hui, le piano préparé fait partie d'une certaine panoplie instrumentale moderne, mais rares sont encore les compositeurs qui l'utilisent en dehors du modèle cagien : citons parmi eux, Michèle Bokanovski, avec sa pièce Pour un pianiste (1974), pour piano préparé et bande magnétique, dédiée à Gérard Frémy, son inspirateur, un des rares virtuoses français à pratiquer cette technique.

pianola

Mécanique attachée à un piano ordinaire, permettant aux marteaux de frapper les cordes non par l'action des doigts sur les touches mais par la pression de l'air et mise en marche grâce à une pédale, comme sur un harmonium.

Après avoir connu une grande vogue dans les années 1920, le pianola est largement tombé en désuétude.

Piatigorski (Gregor)

Violoncelliste américain d'origine russe (Ekaterinoslav 1903 – Los Angeles 1976).

Il commence l'étude du violoncelle à sept ans et entre, deux ans plus tard, au conservatoire de Moscou, dans la classe d'A. von Glehn, et prend par ailleurs des leçons avec Brandukov. Membre du quatuor Lénine (1919) et violoncelle solo de l'Orchestre du Bolchoï, il quitte l'Union soviétique en 1921 pour Leipzig, où il étudie auprès de J. Klengel. Il est engagé, de 1924 à 1928, par Furtwängler comme violoncelle solo de l'Orchestre philharmonique de Berlin et se produit en duo avec A. Schnabel, en trio avec ce dernier et C. Flesch. Il joue également, à partir de 1930, avec ses compatriotes Horowitz et Milstein, surtout aux États-Unis, où il fait ses débuts de soliste en 1929 (avec l'Orchestre philharmonique de New York). Il met ses deux stradivarius (le Batta de 1714 et le Baudiot de 1725) au service de la musique de son temps, créant les concertos de M. Castelnuovo-Tedesco (1935, avec Toscanini), d'Hindemith (1941) et de Walton (1957), et des pages de Martinů, Milhaud, Prokofiev, Webern, etc. Il réalise, en collaboration avec Stravinski, la version pour violoncelle de la Suite italienne de Pulcinella (1934). À partir de 1949, il joue en trio avec Rubinstein et Heifetz, et organise avec celui-ci, en 1961 à Los Angeles, les concerts de musique de chambre Heifetz-Piatigorski, auxquels participe également W. Primrose. Il se produit jusqu'en 1974 aux États-Unis et en Europe, sauf en France d'où il se tint éloigné vingt ans durant après avoir été éreinté par un critique du Figaro. Il enseigne au Curtis Institute de Philadelphie de 1941 à 1949, à l'université de Boston en 1957, et à partir de 1962 à l'université de Los Angeles (où est créée à son intention une chaire de musique en 1975). Son art, bâti sur une sonorité plantureuse, fait cohabiter la grandeur et l'élan.