piano (suite)
Le piano a-t-il un avenir ?
Le milieu du XXe siècle lui a fait perdre la fonction, jusque-là répandue, de prolonger le concert en interprétant soi-même des transcriptions ou des réductions d'œuvres pour orchestre symphonique. Le piano s'est d'abord adapté au désir de reproduction automatique du son, dans ses modèles de « piano mécanique », « auto-piano », ou plus tard « piano pneumatique », modèles de plus en plus destinés à une musique de divertissement. Mais l'enregistrement discographique ou magnétique, moins exigeant et plus fidèle, lui retire cette activité.
Il n'est pas sûr, non plus, que le piano maintienne sa position privilégiée dans l'arsenal pédagogique : les moyens télématiques et les nouvelles méthodes apporteront bientôt des résultats au moins semblables.
Quant à la fortune des récitals pianistiques, il est à remarquer que les derniers grands virtuoses au sens romantique du mot sont morts ou âgés, et que leurs jeunes successeurs ne conçoivent plus leur carrière de la même façon, ne serait-ce que par la disparition d'un répertoire pianistique contemporain, analogue à celui qui a été créé jusque-là. Les œuvres récentes de Henri Dutilleux, Olivier Messiaen, Pierre Boulez ou John Cage font rarement partie des récitals traditionnels, composés le plus souvent des noms de Bach, Mozart, Beethoven, des romantiques et des compositeurs du début du XXe siècle, comme Debussy, Ravel, et parfois Bartók ou Prokofiev. Nos créateurs contemporains sont défendus par de courageux interprètes, qui leur vouent des récitals « spécialisés », attirant en conséquence un public plus restreint.
Le piano survit parce que le grand public s'intéresse surtout à la musique du passé, mais lorsqu'un jeune public s'éveillera à la musique de son temps avec des moyens nouveaux, le piano aura vécu, ou il devra subir, à l'image d'autres instruments de musique, une profonde métamorphose actuellement imprévisible.