style
1. En musique, ensemble des caractères qui sont propres à un compositeur, une époque, un courant esthétique, une manière d'interpréter, un mode de jeu instrumental, etc., et qui les distinguent des autres. Ces caractères stylistiques, dont la conjonction définit un « style », sont de toutes sortes : emploi de certaines tournures récurrentes, adoption de certaines formes, formules mélodiques, harmoniques, rythmiques, etc., particulières, façon d'émettre ou de tenir le son, conventions d'interprétation, etc., sans compter d'autres caractères beaucoup plus difficiles à saisir, surtout quand il s'agit de ce que l'on appelle le style d'un compositeur. Il arrive même que, pour un auteur, on distingue dans son évolution plusieurs styles ou manières se succédant.
Au sens large, le mot « style » désignait autrefois non point tant une manière, une originalité, qu'une technique particulière d'écriture, adaptée à telle fonction : on parlait de stile antico (style antique, à la manière de Palestrina, pour la musique religieuse), et par opposition de stile nuovo ; on parla aussi plus tard de style galant, pour désigner la « nouvelle » manière d'écrire, en réaction contre la musique rigide et chargée de la période précédente. La notion de style n'avait alors pas le sens qu'elle a pris depuis de caractère personnel et distinctif d'un compositeur.
Au XVIIe et au XVIIIe siècle, on distinguait aussi les styles (qu'on appelait aussi « goûts ») selon des nations : il y avait le style (ou goût) italien et le style français, auxquels vint s'ajouter, élaboré plus tard, le style allemand.
Les styles correspondent donc à des différenciations perçues à l'intérieur d'un même système musical lequel ne saurait être nommé « style ». Le style est une certaine manière de jouer à l'intérieur du système, même si, à la longue, il conduit à une évolution de ce système. Pour un Occidental, il n'est guère possible, s'il n'est pas un spécialiste très averti, d'apprécier différents styles à l'intérieur d'un même système non occidental, sauf si ces styles correspondent à des genres instrumentaux très définis.
Il est reconnu qu'un style répond souvent à une définition qui n'est pas seulement formelle, mais aussi humaine et « psychologique » : le style ancien « fugué » et le style « galant », qui peuvent coexister à l'intérieur d'une même œuvre de Mozart, correspondent non seulement à des procédés d'écriture, des tournures musicales différents, mais également à des « climats », des modes d'être de la musique : sévère et rigoureux, opposé à coulant et agréable, etc. Dans la musique contemporaine, en l'absence d'un système commun à tous et codifié, le style d'un compositeur se définit déjà par l'adoption ou non d'un certain nombre de règles, de procédés, de formes ; il est souvent indiscernable de son système. Mais l'on peut dire aussi qu'il est des systèmes musicaux qui ne renvoient à aucun style, c'est-à-dire à aucun propos personnel.
L'étude des styles musicaux est un des domaines de la musicologie ; elle peut se borner à inventorier des procédés et des tournures récurrents. On a aussi essayé, dans des recherches récentes, de relever systématiquement les caractères stylistiques d'une période, d'un compositeur, en s'aidant de l'ordinateur, pour recréer ensuite, toujours par l'intermédiaire de la machine, des « pastiches » de ce style (Iliac Suite, œuvre pour cordes calculée par Hiller et Baker [ORDINATEUR] et pastichant dans un de ses mouvements le style de Haydn). L'étude stylistique d'un compositeur a cependant été rarement menée aussi loin qu'on l'a fait pour les écrivains, car elle demande une bonne formation musicale, moins répandue que la formation littéraire.
2. On dit aussi d'un compositeur, d'un interprète, ou d'une expression musicale qu'ils « ont du style » ; il faut entendre par là qu'ils traduisent quelque chose à la fois de personnel et d'élégant, d'aisé et de vigoureux, par opposition à ceux qui ne décollent pas d'une application sage et mécanique des règles et des conventions.
substitution
1. Au piano, artifice de doigté consistant à glisser de façon muette un doigt à la place d'un autre sur une touche déjà en action.
2. En harmonie, on a longtemps employé le mot « substitution » (Fétis) à propos d'une ambiguïté d'analyse entre l'écriture apparente d'un accord et sa signification réelle lorsque cet accord comportait des sons sous-entendus ou des notes étrangères non résolues. Ainsi, dans un enchaînement sol-si-mi suivi de l'accord de do tonique, le 1er accord peut être entendu soit comme un renversement de 2e degré (analyse littérale apparente : accord de mi mineur), soit comme un accord appoggiaturé dans une cadence ordinaire V-I (mi appoggiature d'un ré sous-entendu). Bien que, hors d'un contexte modal rare autrefois, la deuxième explication soit la plus conforme au sens musical, ainsi que le prouve la possibilité sans en changer le sens d'y ajouter sa 7e fa (ce que fait Chopin en écrivant sol-fa-si-mi), on l'expliquait autrefois en supposant que l'accord du 11e degré (mi mineur) se « substituait » au 5e qui, disait-on, conservait néanmoins sa basse grâce au renversement. On expliquait de même l'accord de quinte et 6e construit sur le 4e degré (exemple fa-la-do-ré/sol-si-ré/do) ; au lieu d'y voir le premier renversement de l'accord de 7e du 2e degré (ré-fa-la-do) produisant entre fondamentales exprimées ou sous-entendues une descente normale de quintes ré-sol-do soit II-V-I, on le rattachait à la cadence IV-V-I suggérée par la basse IV en y voyant, sur cette basse IV, « substitution » d'un accord de seconde dissonant à l'accord consonant obtenu en enlevant le ré. Ce genre de raisonnement, dont l'arbitraire paraît surprenant, se rattache à toute une école de bizarreries analytiques malheureusement fréquentes dans la tradition scolaire.
Suchoň (Eugen)
Compositeur slovaque (Pezinok 1908 – Bratislava 1993).
Il écrit des pièces pour son instrument favori, le piano, dès 1923, alors qu'il est l'élève à Bratislava de Frico Kafenda (1923-1931). Il vient à Prague travailler auprès de V. Novák, qui est, en fait, avec Moyzes et Cikker, l'un des fondateurs d'une véritable école nationale slovaque. Il enseigne à Bratislava de 1935 à 1960 et est, depuis 1969, le président de l'Union des compositeurs slovaques. Empruntant l'essentiel de ses sujets à l'histoire nationale slovaque, il adopte un style vigoureux, techniquement évolué, de climat fortement modal, propre à l'utilisation de mélodies slovaques primitives. Théoricien expert, il a su faire sien le patrimoine de Novák, tout en restant proche de la rudesse et de la spontanéité du langage parlé slovaque. D'où le succès de ses deux opéras : Krútňava (« le Tourbillon ») en 1949 et Svätopluk en 1960.