Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
V

Varga (Tibor)

Violoniste hongrois naturalisé anglais (Györ 1921 – Grimisuat, Suisse, 2003).

De 1931 à 1938, il étudie à l'Académie de Budapest avec Jenö Hubay, puis à Berlin avec Carl Flesch. Il débute un importante carrière de soliste, jouant avec Furtwängler, Rosbaud ou Dobrowen. Il interprète aussi bien les concertos de Bach que ceux de Bartók et de Schönberg. Se fixant en Allemagne, il dirige de 1954 à 1988 son orchestre de chambre Tibor Varga. Il fonde aussi, en 1964, un festival, une académie d'été et un concours en Suisse, à Sion. Il y installe aussi une école de musique. De 1989 à 1993, il succède à Patrice Fontanarosa à la tête de l'Orchestre des Pays de Savoie. En 1995, il collabore à la formation des musiciens des Conservatoires de Paris et de Lyon. Il édite aussi une collection discographique d'œuvres du XXe siècle.

variation

Au sens premier, il y a variation lorsqu'on exécute un morceau ou un fragment sous une forme non identique à celle d'abord présentée, le plus souvent en y ajoutant des ornementations plus ou moins étendues. Le sens n'a cessé de s'étendre jusqu'à désigner une forme de composition de plus en plus complexe.

   Le principe de la variation est extrêmement ancien et se retrouve dans la plupart des civilisations musicales non écrites. L'apport de chaque exécutant réside souvent dans sa manière propre d'introduire des variantes personnelles à partir d'un schéma fixé par la tradition et que les auditeurs avertis doivent pouvoir reconnaître. Tel était sans doute le principe de nome de la Grèce antique ; on le retrouve dans la plupart des musiques primitives ou orientales (ràga hindou, maqam arabe, etc.), pour aboutir aux pratiques actuelles du jazz, dont les modèles écrits n'ont souvent que des rapports lointains avec ce qui est réellement exécuté ; ils n'ont du reste souvent d'autre ambition que de fournir un point de départ à l'improvisation des interprètes, ce qui explique la prédominance prise par ceux-ci dans l'histoire du jazz, où le rôle du compositeur en tant que tel apparaît singulièrement minimisé par rapport à celui que lui attribue la musique classique.

   Dans la musique écrite, on voit apparaître la variation implicitement dès le chant grégorien (lequel d'ailleurs n'est souvent écrit qu'a posteriori) : un grand nombre de pièces (antiennes, traits, versets de répons, etc.) apparaissent comme des variations adaptées au détail du texte verbal, à partir de schémas que l'on retrouve d'une pièce à l'autre à l'intérieur d'un même mode. Ce fait rentre d'ailleurs pour une part non négligeable dans la définition du mode lui-même, qu'on ne saurait ramener, comme on y tend parfois à tort, à la seule analyse de l'échelle employée. On peut également rattacher à la variation la technique des motets et chansons polyphoniques de la Renaissance lorsqu'ils développent section par section un modèle monodique ou non, ainsi que les messes parodies ou les messes sur thème donné fréquentes aux XVe et XVIe siècles.

   Ce n'est, toutefois, qu'avec la musique instrumentale individualisée que la variation devient un genre défini. Elle est déjà présente dans le premier document connu de ce genre de musique, le recueil pour clavier du manuscrit de Faenza (XIVe s.), et elle restera l'un des genres essentiels de la musique instrumentale jusqu'à la fin du XIXe siècle, et au-delà. On trouve son apogée en Espagne au XVIe siècle avec les differencias ou glosas de la musique de luth, en Angleterre à l'époque élisabéthaine avec la musique de clavecin, au XVIIIe et, surtout, au XIXe siècle avec la musique de clavier, puis de piano.

   Les différentes sortes de variations peuvent être classées en fonction de la manière dont est traité le thème préétabli. La forme la plus ancienne est sans doute la variation sur cantus firmus, dans laquelle le modèle mélodique est maintenu intégralement (parfois en valeurs modifiées) et entouré de revêtements divers par les autres parties : tels sont, par exemple, les versets d'orgue à cantus firmus des organistes des XVIIe et XVIIIe siècles (Couperin, 1er Kyrie de la Messe des paroisses). De nombreuses danses du XVIe au XVIIIe siècle, bâties sur basse obstinée, peuvent y être rattachées ; les innombrables chaconnes ou passacailles du XVIIe et du XVIIIe siècle sont, en fait, des variations sur un cantus firmus de convention, rattachables à quelques types bien définis (les Variations Goldberg de Bach appartiennent à ce genre).

   Dans la variation ornementale, très en honneur au XVIIIe siècle (presque tous les noëls d'organistes français sont de ce type), le thème ne reste plus littéralement intact, mais il demeure reconnaissable d'un bout à l'autre, chaque fragment de la variation restant superposable au fragment correspondant du modèle, même s'il change de rythme, de mode, etc. Le thème est d'abord généralement présenté sans ornements (ou dans sa forme originale s'il s'agit d'un thème emprunté), puis les variations se succèdent en ordre croissant de complexité (thème et variations). On peut appeler variation développée celle où les variations cessent d'être superposables au thème, les variations apportant des éléments de développement qui modifient les proportions ; les éléments du thème ne s'en retrouvent pas moins, dans le même ordre, au cours de la variation, et l'auditeur peut encore, avec attention, reconstituer le thème d'un bout à l'autre. Avec ce que Vincent d'Indy appelle la grande variation, ou variation amplificatrice, et dont les dernières variations de Beethoven donnent le type, toute superposition au modèle devient impossible. Chaque variation devient une composition indépendante, qui prend son point de départ dans une particularité quelconque du modèle et oublie ensuite celui-ci. Enfin, l'école sérielle a introduit la notion de variation sans thème, où chaque variation modifie la précédente sans référence aucune à un thème initial.

   La manière de varier un thème peut être diverse, bien que les auteurs du XVIIIe siècle (Mozart, premières variations de Beethoven, etc.) aient introduit un certain nombre de procédés assez vite passés au rang de stéréotype (variation en rythme ternaire, variation en changement de mode, etc.). Elle peut affecter la ligne mélodique, l'harmonie, le rythme, et le maintien d'un seul de ses éléments peut souvent suffire à évoquer le modèle. À peu près tous les compositeurs ont écrit des variations, et le répertoire en est innombrable. Le XIXe siècle notamment a été inondé de milliers de variations pour piano, dont la plupart, exercices mécaniques de virtuosité brillante et creuse, ont sombré dans l'oubli. Mais le genre a laissé aussi des chefs-d'œuvre en grand nombre. Parmi ces derniers, on peut citer les Variations Goldberg de Bach, les 32 Variations en ut mineur ou les 33 Variations sur une valse de Diabelli de Beethoven, celles de Brahms sur des thèmes de Paganini ou de Haendel, les Variations symphoniques pour piano et orchestre de César Franck, les Variations sur un thème de Rameau de Paul Dukas, mais une énumération de ce genre ne peut en rien prétendre à l'exhaustivité.