Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Saint-Évremond (Charles de Marguetel de Saint-Denis de)

Écrivain français (Saint-Denis-le-Gast, Manche, 1613 – Londres 1703).

Il fait une brillante carrière dans l'armée française (il est nommé maréchal de camp en 1652) tout en se montrant extrêmement actif dans le domaine littéraire, jusqu'à sa regrettable Lettre au marquis de Créqui sur la paix des Pyrénées (1659) qui signe sa disgrâce et l'oblige à s'exiler, tout d'abord aux Pays-Bas, puis définitivement à Londres en 1670. Il obtient immédiatement les faveurs de Charles II et anime bientôt, en compagnie d'Hortense Mancini, duchesse de Mazarin, un cercle littéraire et artistique. Ses écrits, dont il a interdit la publication de son vivant, paraissent en 1706 chez Des Maizeaux à Amsterdam (Œuvres meslées, 5 vol.) et connaissent de nombreuses rééditions au cours du XVIIIe siècle. De nature très diverse (politiques, sur le théâtre, critiques littéraires, etc.), ils se caractérisent par un ton en général caustique. Il a écrit plusieurs ouvrages sur la musique : Idylle en musique, Éclaircissement sur ce qu'on dit de la musique des Italiens, à M. Lully et surtout Sur les opéras, où il déclare que la musique, impuissante à exprimer tous les sentiments, doit être mêlée au drame musical et non lui être substituée. Sa prise de position en faveur du style vocal français contre l'italien est par ailleurs surprenante pour l'époque. Enfin, sa comédie satirique, les Opéras, est une source d'informations précieuse sur les débuts de l'opéra français et sur Cambert, en particulier.

Saint-Foix (Georges Poulain, comte de)

Musicologue français (Paris 1874 – Aix-en-Provence 1954).

Après des études de droit à la Sorbonne et de musique avec V. d'Indy à la Schola cantorum, il décide, sur le conseil de Théodore de Wyzewa, de se consacrer à la musicologie. Ils publient ensemble, en 1912, les deux premiers volumes d'une impressionnante étude sur Mozart (Wolfgang Amédée Mozart), dont Saint-Foix publiera les trois derniers volumes en 1936, 1939 et 1946, s'imposant comme l'un des grands spécialistes de ce musicien (rééd. Paris, 1977). Il écrit, par ailleurs, les Symphonies de Mozart (1932) et effectue de nombreuses recherches sur les précurseurs, contemporains et héritiers du compositeur (Schubert, Sammartini, Gluck, Clementi, J.-C. Bach, J. et M. Haydn), et les œuvres de jeunesse de Beethoven et Schubert, qu'il complète par la publication d'œuvres mal connues de ces compositeurs et de Mozart. Il fut en outre cofondateur de la Revue française de musicologie.

Saint-Gall (abbaye de)

Ville de Suisse, près du lac de Constance, célèbre par son abbaye fondée au VIIe siècle par les Irlandais.

Elle accueillit vers 870 des moines de Jumièges chassés par les Normands et qui avaient apporté avec eux les premiers antiphonaires tropés connus. L'un des moines sangalliens, Notker, s'en inspira pour créer le genre de la séquence, où s'illustrèrent avec lui d'autres moines sangalliens, Tutilon, Hartmann Radpert. Ainsi fut créée l'« école de Saint-Gall », qui s'illustra jusqu'au XIe siècle. L'abbaye dut également sa renommée à son scriptorium, où fut mise au point une notation neumatique spéciale considérée comme la plus riche de tout le Moyen Âge en renseignements précis sur les détails d'exécution du plain-chant du IXe au XIe siècle. Il ne reste plus rien aujourd'hui des bâtiments anciens, qui furent reconstruits au XVIIIe siècle.

Saint-Georges (Joseph Boulogne, chevalier de)

Violoniste et compositeur français (Basse-Terre, Guadeloupe, v. 1739 – Paris 1799).

Fils d'un ancien conseiller au parlement de Metz et d'une Noire de la Guadeloupe, il arriva à Paris en 1749, et y acquit rapidement dans le domaine de l'escrime une réputation qu'il devait conserver toute sa vie. En 1769, sans doute après des études musicales suivies, il devint violoniste dans l'orchestre de Gossec au Concert des amateurs. Il fit ses débuts en public en 1772, et, l'année suivante, prit la direction du Concert des amateurs, Gossec assumant désormais celle du Concert spirituel. La plupart de ses œuvres (quatuors à cordes, concertos, symphonies concertantes, symphonies) parurent entre 1772 et 1779. Il fut ensuite un des fondateurs du Concert de la Loge olympique, et ce fut probablement lui qui servit d'intermédiaire entre cette organisation et Haydn lors de la commande des six symphonies parisiennes. Il vécut à Londres de 1785 à 1787, puis de nouveau pour quelques mois à partir de décembre 1789. En 1791, il devint capitaine de la garde nationale à Lille. Il se rendit ensuite à Saint-Domingue, et revint à Paris en 1797.

Saint-Lambert (Michelde)

Claveciniste et théoricien français (fin du XVIIe s. – début du XVIIIe s.).

On sait simplement de lui qu'il enseigna quelque temps en province. On peut situer son domaine d'activité à Paris vers 1700, grâce à sa publication de deux traités, les Principes du clavecin (1702), dans lesquels il fait allusion à certaine pratique de Lully dans l'interprétation d'Armide (1686), et le Nouveau Traité de l'accompagnement du clavecin, de l'orgue, et des autres instruments (1707). À part deux pièces figurant en appendice des Principes, il ne nous reste aucune de ses compositions. Le premier traité est plus axé sur la technique même de l'instrument, avec des indications de doigtés et un chapitre, très utile, sur les ornements, qui reste dans la tradition de D'Anglebert. Le Nouveau Traité est consacré en grande partie aux règles de l'harmonie (intervalles, armure, etc.) et au traitement de la basse continue. Ces deux ouvrages sont remarquables par la clarté de leurs explications et, pour cette raison, constituent encore, à l'heure actuelle, une source d'informations très précieuse sur la pratique instrumentale à cette époque.

Saint-Martial

Célèbre abbaye de Limoges, aujourd'hui détruite, et qui fut du IXe au XIe siècle, avec Saint-Gall, l'un des centres les plus remarquables dans la création du répertoire des tropes et séquences, puis aux XIe et XIIe siècles dans l'élaboration de la polyphonie. Sa bibliothèque, constituée surtout au XIIIe siècle par les soins de Bernard Itier, et acquise vers 1730 par l'abbé Bignon pour la Bibliothèque royale (aujourd'hui nationale), contient l'une des plus riches collections du Moyen Âge dans tous les domaines musicaux paraliturgiques : tropes, séquences, versus, drames liturgiques, etc.

   C'est dans l'un de ses manuscrits (lat. 1154) que se trouve le plus important recueil de poèmes chantés carolingiens ; dans un autre (tropaire lat. 1118) que l'on voit les fameux dessins de jongleurs si souvent reproduits, dans un troisième (lat. 1139) qu'est noté le Sponsus, premier drame liturgique chanté faisant appel à la langue vulgaire, etc. Ces manuscrits, toutefois, semblent pour la plupart avoir été plutôt acquis de bonne heure par l'abbaye que rédigés pour elle : leur aire de rédaction est principalement limousine, mais couvre une grande partie de l'Aquitaine, descendant jusqu'à Narbonne et peut-être Cuxa.

   En 1063, l'abbaye fut contre son gré rattachée à Cluny, mais refusa toujours de se reconnaître vassale de la métropole bourguignonne et conserva jusqu'à sa disparition (XVIIIe s.) un statut particulier.