Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
O

opéra semiseria
ou dramma semiseria

Type d'opéra italien tenant de l'opera buffa et de l'opera seria. Il a la structure du premier, mais emprunte au second certains caractères dramatiques et vocaux, mêlant des personnages typiques de l'opera buffa (notamment la basse bouffe) à ceux de l'opera seria. Son action, sentimentale, parfois tragique, comporte un dénouement heureux : on y voit généralement un personnage innocent, souvent d'humble condition (servante, jeune fille) injustement accusé ou contraint, et sauvé in extremis par un coup de théâtre (La Vera Costanza de Haydn, 1778-79). Il reprend donc le cadre du drame larmoyant français, et la Pie voleuse de Rossini (1817) en est considérée comme l'archétype. Il peut se confondre avec le dramma giocoso dont il a de nombreux caractères, mais sa naissance, liée au mouvement néoclassique italien, fut plus tardive, et on le nomma également héroïque, héroï-comique, tragicommedia, etc. En 1774, Paisiello sous-titre Dardane « commedia semiseria », puis utilise le terme exact pour sa Nina, pazza per amore (1789), inspirée d'une pièce française de Marsollier, déjà mise en musique par Dalayrac, et contenant une scène de folie. Utilisé durant un demi-siècle, le terme parut encore au-delà de 1850, notamment dans Elena di Tolosa, de Petrella (1852) et Belfagor, de Giovanni Pacini (1861).

opéra seria

En Italie, type d'opéra ne comportant ni personnages, ni scènes comiques, et dont le sujet est puisé dans la mythologie, l'Antiquité ou l'histoire. Né de la séparation des genres, au début du XVIIIe siècle (OPÉRA), l'opera seria correspondait alors à un type bien précis de livret et de structures, dont le modèle se trouve dans les drames de Zeno et de Métastase, drames à fin morale et dénouement heureux : l'action y reposait sur le récitatif (secco ou obbligato) tandis que l'aria exprimait des affetti (sentiments ou états d'âme), ou présentait des réflexions abstraites. Ces arias, très diversifiées, faisaient appel à toutes les ressources du bel canto. Après 1750, l'opera seria « réformé » inclut également des duos et ensembles, et en 1792 l'Elfrida de Calzabigi et Paisiello, qui fut le premier opéra de sujet médiéval comportant une fin « tragique » (c'est-à-dire la mort du héros, ou de l'héroïne vertueuse), fut sous-titrée « tragedia seria ». Au XIXe siècle, Rossini appliqua à l'opera seria, souvent réduit à deux actes, la structure de l'opera buffa, avec finale concertant, et multiplia les dénouements tragiques. Au-delà de 1830, le terme, bien que survivant jusqu'au XXe siècle, se confondra avec ceux de drame ou tragédie.

opérette

Au sens où nous l'entendons aujourd'hui, l'opérette est une variété d'opéra-comique plus légère dans son sujet et dans sa musique, où tout finit bien, et qui a hérité de ses origines disparates et multiples un charme, une grâce à la fois élégante et populaire. Les frontières exactes entre opérette, opéra-comique, opéra bouffe ou opérette bouffe, puis, plus tard, entre opérette et comédie musicale sont bien difficiles à déterminer. C'est ainsi qu'Offenbach nommait souvent ces œuvres opéras bouffes, malgré leur alternance de parties chantées et de scènes de comédie, et que, chez Messager, Véronique porte le titre d'opéra-comique, et les P'tites Michu, celui d'opérette. Souvent, la désignation des œuvres était faite en fonction du genre auquel était voué le théâtre dans lequel elles allaient être créées.

   Une des meilleures définitions de l'opérette semble être celle du compositeur Claude Terrasse : « L'opéra-comique est une comédie en musique, tandis que l'opérette est une pièce musicale comique. »

   Au début du XIXe siècle, l'opéra-comique eut tendance à s'enfler, et la musique, à y prendre une place de plus en plus importante par rapport aux scènes parlées. C'est alors que, par réaction, le vieux genre gai du vaudeville, davantage axé sur la grosse farce que sur la musique, se renforça puis s'émancipa. Les véritables débuts de l'opérette eurent lieu en France avec Florimond Rongé, dit Hervé (1825-1892), auteur notamment de l'Ours et le Pacha (1842), de Don Quichotte et Sancho Pança (1848), puis de la grande « trilogie cocasse » l'Œil crevé (1867), Chilpéric (1868) et le Petit Faust (1869), et avec Jacques Offenbach (1819-1880). Charles Lecocq (1832-1918), dans la Fille de Madame Angot (1872) ou le Petit Duc (1878), ne chercha plus à parodier les grands musiciens, mais à faire de l'opérette la digne héritière de l'opéra-comique.

   En 1856, Bizet avait donné le Docteur Miracle. Emmanuel Chabrier suivit son exemple avec l'Étoile (1877) puis Une éducation manquée (1879). À la même époque, Edmond Audran (1842-1901) avec la Mascotte (1880), Robert Planquette (1848-1903) avec les Cloches de Corneville (1877), Louis Varney (1844-1908) avec les Mousquetaires au couvent (1880), reviennent à un genre plus populaire. Puis vinrent Victor Roger (1853-1903) avec les Vingt-Huit Jours de Clairette (1892), Louis Ganne (1862-1923) avec les Saltimbanques (1899), Gaston Serpette (1846-1904), ou encore Léon Vasseur (1844-1917).

   Après André Messager (1853-1929), qui éleva l'opérette à un haut niveau musical tout en restant gai et séduisant, deux voies étaient possibles en France : trouver des musiciens et des librettistes joyeux, capables de sortir l'opérette de sa torpeur ; s'inspirer de nouveautés étrangères. Les deux solutions devaient se révéler fructueuses, avec, entre autres, Claude Terrasse (1867-1923), qui revint à la cocasserie et au rire franc dans les Travaux d'Hercule (1901) ou le Sire de Vergy (1903) ; Henri Christiné (1867-1941), qui connut avec Phi-Phi, créé le 12 novembre 1918, un des plus grands triomphes de l'histoire du genre, et Maurice Yvain (1891-1965). Élève de Massenet, Reynaldo Hahn (1874-1947) s'attacha à réagir contre l'opérette américanisée et à restituer au genre sa dignité musicale. Il en alla de même de Louis Beydts (1895-1953).

   À leur suite, il faut citer Joseph Szulc (1875-1956), Moïse Simons (1888-1945), Raoul Moretti (1893-1954), Vincent Scotto (1874-1952), Jacques-Henri Rys (1909-1960), Paul Misraki, Francis Lopez, dont la Belle de Cadix (1945) remporte dans le genre le plus grand triomphe depuis Phi-Phi, Guy Lafarge. À noter également qu'ont honoré le genre de l'opérette des compositeurs tels que Léo Delibes (l'Omelette à la Follembûche, 1859), Henri Sauguet (le Plumet du colonel, 1924), Arthur Honegger (les Aventures du roi Pausole, 1930), Albert Roussel (le Testament de tante Caroline, 1936).

   Tout comme à Paris Hervé avait précédé Offenbach, à Vienne Franz von Suppé (1819-1895) précéda Johann Strauss fils (1825-1899). Dans le sillage de ce dernier, Karl Millöcker (1842-1899) et Carl Zeller (1842-1898). Au XXe siècle, l'opérette viennoise fut illustrée par Franz Lehár (1870-1948), Oscar Straus (1870-1954), Leo Fall (1873-1925), Emmerich Kalman (1882-1953), Ralph Benatzky (1887-1957), auteur de l'Auberge du Cheval blanc (1930), Robert Stolz (1880-1975). En Angleterre, il faut citer, outre Arthur Sullivan (1842-1900), Edward German et Noel Coward ; en Allemagne, Eduard Künneke, et Jean Gilbert, auteur de la Chaste Suzanne (1910) ; en Italie, Giuseppe Pietri et Carlo Lombardo ; en Russie, Boris Alexandrov (les Noces à Malinovka, 1937). En Espagne, l'opérette se confond dans la pratique avec la zarzuela ; parmi les œuvres se rapprochant néanmoins des canons de l'opérette véritable, on peut retenir Romance au Portugal de José Padilla (1948), créé sous le titre de Symphonie portugaise en 1949. Quant à l'opérette américaine, elle eut d'abord pour principaux compositeurs Reginald Dekoven, Victor Herbert, John Philip Sousa. Rudolf Friml exporta le premier grand succès du genre, Rose-Marie (1924). Suivirent Sigmund Romberg, Jérome Kern (Show Boat, 1927), Irving Berlin (Annie du Far-West, 1946), George Gershwin (Tip-Toes, 1925), Richard Rodgers (Oklahoma, 1943 ; South Pacific, 1949), Frederick Loewe (My Fair Lady, 1956). (COMÉDIE MUSICALE.)