Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Wagner (Cosima)

Seconde épouse de Richard Wagner (Bellagio 1837 – Bayreuth 1930).

Fille de Franz Liszt et de la comtesse d'Agoult, elle épousa le pianiste-chef d'orchestre Hans von Bülow, élève de son père et protégé de Wagner, à l'âge de dix-neuf ans : mariage sans passion dont les liens volèrent en éclats dès les premières rencontres avec Wagner, alors exilé en Suisse.

   Avec courage et orgueil, Cosima accepta toutes les conséquences de cet « amour fatal » qui la liait au compositeur. Leurs trois enfants virent tous le jour avant le divorce d'avec Bülow, prononcé en 1870 : Isolde, Eva, qui épousera H. S. Chamberlain (auteur des Fondements du XIXe siècle, ouvrage pangermaniste, il fut pendant longtemps, avec l'assentiment de Cosima, le coordinateur de l'exégèse wagnérienne), et Siegfried.

   En cette même année 1870, Richard et Cosima, qui vivaient ensemble à Tribschen depuis 1868, régularisèrent une situation qui faisait des gorges chaudes à Munich (où Bülow exerçait ses fonctions de chef d'orchestre) et fut l'une des raisons du bannissement de Wagner (1866). Dès lors Cosima ne vécut plus que pour son dieu, dont elle accompagna la création d'un amour inquiet et volontaire, puis qu'elle protégea de son mieux, à Wahnfried, des tracas du monde extérieur, enfouissant au plus profond de son Journal l'expiation du tort fait à Bülow.

   En 1883, elle songea un moment à accompagner Wagner dans la mort, puis décida d'assumer pleinement l'héritage de Bayreuth, qu'elle transmit en 1907 à son fils Siegfried.

Wagner (Siegfried)

Fils de Richard Wagner (Tribschen 1869 – Bayreuth 1930).

Wagner, qui n'avait de l'avenir de son seul fils qu'une très vague idée, ne pensait certainement pas que ce dernier se retrouverait en 1907 placé à la direction du Festival de Bayreuth. Or, modestement, Siegfried suivit les traces de son père ; il composa de nombreuses pièces instrumentales et quatorze opéras-contes de fées, aujourd'hui bien oubliés, parmi lesquels on peut citer : Der Bärenhäuter (l'Homme à la peau d'ours, 1898), Sonnenflammen (Flammes de soleil, 1912), Der Friedensengel (l'Ange de la paix, 1914), An allem ist Hütchen schuld (Tout est de la faute de Hutchen, 1915), Die Heilige Linde (le Tilleul sacré, 1927) et Das Flüchlein, das jeder mitbekam (La petite malédiction qui frappait chacun, 1930). Mais c'est surtout comme chef d'orchestre qu'il acquit une réputation internationale.

   En 1915, il épousa Winifred Klindworth-Williams (1897-1980) dont il eut, très vite, ses quatre enfants : Wieland (1917-1966) ; Friedelind (née en 1918), auteur d'un livre de souvenirs fort critique pour sa mère, Héritage de feu ; Wolfgang (né en 1919) et Verena (née en 1920). Il disparut quelques mois après sa mère, ayant laissé Winifred s'engager toujours plus avant aux côtés du parti national-socialiste : monarchiste convaincu, mais peu militant, Siegfried ne sut sans doute pas apprécier les dangers qui menaçaient la république de Weimar ­ ou bien crut-il, naïvement, qu'ils épargneraient Bayreuth.

Wagner (Wieland)

Fils aîné de Siegfried Wagner (Bayreuth 1917 – Munich 1966).

Il commença sa carrière à Bayreuth en dessinant les décors des Maîtres chanteurs donnés au cours des saisons 1943-44. Après la guerre, il prit avec son frère Wolfgang la direction du Festival que sa mère, interdite d'activité par un tribunal de dénazification, mais seule héritière de Siegfried, accepta de leur céder. Entre 1951 et 1961, les deux frères se partagèrent la tâche difficile de relancer l'entreprise tout en imposant un style visuel nouveau, dont porta témoignage la mise en scène de Parsifal, à l'affiche jusqu'en 1973 et constamment améliorée. Le dépouillement esthétique, progressif, l'utilisation prioritaire des ressources de l'éclairage pour sculpter l'espace et les corps, se doublèrent d'une analyse universaliste, au sens strict, de l'œuvre de Wagner.

   À partir de 1961, Wieland assura seul la totalité des créations : dépassant l'humanisme transcendant par lequel il glorifiait ses héros, il osa petit à petit certaines remises en question. Le matériau décoratif utilisé avait beau demeurer le même, le rapport qu'entretenaient avec lui les personnages évolua considérablement, dans le sens d'une individuation moins rigoureuse des héros et de leur réinsertion dans un contexte socio-politique gommé jusque-là au profit de descriptions archétypiques. De cette évolution témoignèrent en particulier les différentes productions de Tannhäuser (1954, 1961, 1964) et des Maîtres chanteurs (1956, 1963), ainsi que l'engagement de Pierre Boulez pour diriger Parsifal en 1966.

   Après avoir dégagé Wagner ­ et Bayreuth ­ d'une histoire allemande trop immédiate, Wieland se préparait sans doute à désacraliser le style même du nouveau Bayreuth. Sa mort prématurée priva le théâtre lyrique d'un de ses plus importants chefs de file, puisque aussi bien il mit en scène Verdi et Beethoven, Berg et Richard Strauss. Il fut le plus souvent servi par une interprète selon son cœur, Anja Silja, meilleur exemple de ces retrouvailles de l'acteur avec son rôle que prônait Wieland en réaction contre les conventions standardisées du genre opéra.

Wagner (Wilhelm Richard)

  • Richard Wagner, Lohengrin
  • Giuseppe Palanti, affiche pour Parsifal
  • Reinhold Max Eichler, dessin pour Siegfried
  • Achille Beltrame, gravure pour Tristan et Ysolde
  • Franz Stassen, illustration pour la Walkyrie
  • Michaël Echter, Tannhäuser
  • Michaël Echter, le Vaisseau fantôme
  • Eugène Grasset, affiche pour la Walkyrie
  • Richard Wagner, la Walkyrie
  • Richard Wagner, Siegfried Idyll
  • Richard Wagner, le Vaisseau fantôme : ouverture
  • Richard Wagner, Tannhäuser : ouverture

Compositeur, chef d'orchestre et théoricien allemand (Leipzig 1813 – Venise 1883).

Le génie de Wagner apparaît un peu comme l'aboutissement triomphal d'une longue lignée de petits fonctionnaires obscurs, épris de Dieu comme des Muses. Sa mère, Johanna Rosine Pätz (1778-1848), douée pour l'art dramatique, épousa le greffier de police Friedrich Wagner (1770-1813), acteur amateur lui-même et dont le frère Adolf (1774-1835), homme de lettres et théologien, jouissait, dit-on, de l'estime de Goethe. Quant aux frères et sœurs de Richard, Albert (1799-1874) allait devenir chanteur et metteur en scène ; Rosalie (1803-1837), actrice, devait créer à Leipzig la Marguerite du Faust de Goethe ; Louise (1805-1871) suivit sa sœur sur les planches ; Clara (1807-1875) épousa le chanteur Wolfram, et Ottilie (1811-1883) le philologue Hermann Brockhaus, dont Nietzsche allait être le disciple. Seul Julius (1804-1862) fut simplement orfèvre.

   Friedrich Wagner meurt du typhus quelques mois après la naissance de Richard et Johanna, neuf mois plus tard, se remarie avec Ludwig Geyer (1778-1821), acteur, portraitiste et poète, intime des Wagner. Geyer fut-il le véritable père de Richard ? On n'en possède aucune preuve, mais Wagner hésitera toute sa vie : son œuvre abonde en orphelins hantés par la figure du père ­ d'autant plus inquiétante que Geyer était juif.

   De cette union naît, en 1815, Cécile. Ainsi, après la disparition prématurée de Geyer, Richard grandit entre la nervosité de sa mère et les caresses de ses sœurs, dans les froufrous des robes et des costumes. À la piété déiste de Johanna se mêlent les échos des drames de théâtre : tout naturellement, le petit Richard, que chacun dans la famille a voulu ou veut artiste, écrit, met en scène, d'invraisemblables poèmes tragiques où s'entrecroisent Hoffmann, Tieck, Shakespeare, Schlegel, mythes grecs et romains (l'enfant est, déjà, l'infatigable lecteur que l'homme restera jusqu'à sa mort), voire Weber. Il découvre aussi, au Gewandhaus de Leipzig, Beethoven… et la soprano Wilhelmine Schröder-Devrient, venue jouer Fidelio.

   Wagner, dont les études classiques à la Kreuzschule de Dresde et aux collèges Nicolaï et Thomas de Leipzig ont été assez désordonnées, décide de devenir musicien. « Cancre » dont la riche personnalité, l'affectivité à fleur de peau, l'indépendance se plient mal à la structure de l'enseignement officiel, il trouve en Theodor Weinlig, cantor à la Thomasschule, un maître selon son goût. Mais, pressé d'essayer sans plus attendre ses connaissances toutes neuves, Wagner ne prendra jamais le temps, comptant sur son intuition, de devenir « bon » technicien ou virtuose. Il veut produire les effets sonores qui habitent son inspiration ­ et sa technique, il la forgera lui-même, asservie péniblement à l'expression de son art, pétrie de maladresses, de traits de génie, de contradictions esthétiques qui ne se résolvent que dans l'unité de la démarche, celle d'un genre où, précisément, l'artiste complet est une gageure.

   En 1833, il est nommé chef des chœurs au théâtre de Würzburg. C'est le début d'une longue période (elle durera jusqu'en 1864) de déboires divers : fuites face aux créanciers ou aux policiers, échecs affectifs ou professionnels, misère, dépressions, maladies.