Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
I

Idelsohn (Abraham Zevi)

Musicologue letton (Filzburg, Lettonie, 1882 – Johannesburg 1938).

Il étudia à Königsberg, Berlin et Leipzig, et séjourna de 1906 à 1921 à Jérusalem, où il fonda en 1910 un institut et en 1919 une école de musique juive. De 1924, il donna des conférences à l'Hebrew Union College de Cincinnati. Éminente autorité en matière de musique juive, il a énormément contribué à en établir les bases scientifiques. (HÉBRAÏQUE [MUSIQUE]).

idiophone

Terme par lequel on désigne tous les instruments de musique dont le son est produit par la vibration du corps de l'instrument : par entrechoquement (claquettes), par percussion (xylophone), par pincement (guimbarde), par frottement (harmonica de verres).

Ikenouchi Tomojiro

Compositeur et pédagogue japonais (Tky 1906 – id. 1991).

Fils d'un poète et poète lui-même, il a étudié au Conservatoire de Paris de 1927 à 1933 avec Fauchet (harmonie), Caussade (fugue) et H. Büsser (composition), puis de nouveau de 1934 à 1936 (premier prix d'harmonie avec Büsser). Il a enseigné ensuite à Tky et est devenu président de la Société musicale nippo-française. Ses œuvres, peu nombreuses mais denses (trois quatuors à cordes [1937, 1945 et 1946], plusieurs sonatines), témoignent de son admiration pour Mozart, Saint-Saëns et surtout Ravel.

Imbault (Jean-Jérôme)

Violoniste et éditeur de musique français (Paris 1753 – id. 1832).

Élève de Pierre Gaviniès, il abandonna relativement tôt sa carrière de violoniste soliste, se consacrant surtout à l'enseignement et aux activités de musicien d'orchestre. Comme éditeur, il fut d'abord associé à Jean-Georges Sieber (1783), puis fonda sa propre maison (1784). Il publia diverses œuvres de Boccherini, de Clementi, de Gyrowetz, de Mozart, de Pleyel, de Viotti ou encore de Haydn, en particulier la première édition des six symphonies parisiennes (nos 82-87) de ce dernier. Un Catalogue thématique des ouvrages de musique mis au jour par Imbault (Paris, 1791 ou 1792) a été réédité en fac-similé en 1972.

imitation

Procédé polyphonique qui consiste à faire reprendre par une partie un passage plus ou moins long qui vient d'être exposé par une autre.

L'imitation peut être occasionnelle ou systématique : dans ce dernier cas, elle donne naissance à des formes particulières, telles que le canon, le ricercar ou la fugue. Une terminologie récente, mais de plus en plus répandue, donne à la première présentation le nom d'antécédent, celui-ci étant suivi d'un ou de plusieurs conséquents. Le terme d'imitation est surtout employé quand le conséquent entre en contrepoint avant que soit achevée l'exposition de l'antécédent, encore qu'il y ait parfois flottement dans l'usage (par exemple, les échos, fréquents au XVIIe siècle). L'imitation est dite stricte quand le conséquent reproduit en son entier l'antécédent sans modification, libre lorsqu'elle n'est pas constante ou qu'on lui apporte des aménagements intervalliques ou rythmiques pour la plier au contrepoint. L'imitation la plus courante est celle à l'unisson ou à l'octave, mais elle peut se faire aussi à toute autre distance (quinte, quarte, tierce, etc.) ; on a alors le choix entre la solution réelle, qui respecte les intervalles du modèle, et la solution tonale, qui adapte les intervalles à la tonalité choisie.

   Pour la détermination de l'intervalle de base, certains auteurs précisent l'étendue exacte alors que d'autres la réduisent à l'intervalle simple (la même imitation pouvant être dite, par exemple, à la 10e ou à la tierce) ; parfois aussi (à tort) on néglige de signaler quand l'intervalle annoncé est descendant (non spécifié, il est normalement ascendant), ce qui introduit des ambiguïtés regrettables. On peut introduire dans les imitations toutes sortes de variétés, non seulement dans l'intervalle, mais aussi dans la direction mélodique (imitation par récurrence ou rétrogradation, par renversement, etc.), le rythme (par diminution ou augmentation), etc.

imperfection (lat. imperfectus)

Dans la notation musicale du Moyen Âge, dite « proportionnelle », la division binaire d'une longue (mode) ou d'une brève (temps) est considérée comme imparfaite (modus imperfectus, tempus imperfectus). La division ternaire (conforme à l'image de la Sainte Trinité) est appelée parfaite, alors que la prolation est dite, plus humblement, majeure ou mineure.

impresario (ital. ; « entrepreneur »)

Ce terme désigne aujourd'hui l'homme d'affaires chargé de la liaison entre la direction d'un théâtre et ceux qui concrètement assurent le spectacle (chanteurs, metteurs en scène, décorateurs). Jadis, la fonction était beaucoup moins celle d'un agent intermédiaire : elle se confondait davantage avec celle de directeur ou d'organisateur d'une saison lyrique, et impliquait parfois de gros risques sur le plan financier, voire pénal. Des personnages d'impresario apparaissent dans de très nombreux opéras du XVIIIe siècle et du début du XIXe, par exemple dans Der Schauspieldirektor de Mozart et l'Impresario in angustie de Cimarosa, tous deux de 1786, ou encore dans Capriccio de Richard Strauss (1942), dont l'action se déroule en France au XVIIIe siècle.

impressionnisme

Nom donné à une certaine tendance musicale qui s'est cristallisée en France au début du XXe siècle (surtout dans l'œuvre de Claude Debussy), par référence à l'impressionnisme pictural, reconnu et désigné comme tel dans les années 1860-1870. En vérité, de même que le concept d'impressionnisme en peinture fut suggéré, développé et entretenu par des critiques et des historiens plutôt que par les peintres, de même aucun musicien, semble-t-il, ne se revendiqua systématiquement comme « impressionniste », et ce furent ceux qui écrivaient sur la musique qui lancèrent le terme. Les deux seuls musiciens qu'on peut dire franchement et fondamentalement impressionnistes à l'époque furent Debussy et Déodat de Séverac. Les autres compositeurs souvent classés dans le même lot (comme Ravel, Florent Schmitt, Albert Roussel, Paul Dukas, Charles Koechlin, Roland-Manuel, André Caplet, etc.), ne le sont que pour tel aspect particulier de leur style ou de leur œuvre. On a fait remonter les origines de l'impressionnisme musical à Chopin, à Liszt (celui des dernières pièces pour piano, comme Nuages gris), à Moussorgski, à Grieg, à Wagner et, plus loin dans le passé, à François Couperin, à Carlo Gesualdo, etc.

   Le concept d'impressionnisme musical amalgame différents traits d'écriture, de style, de sensibilité, qui peuvent se considérer indépendamment les uns des autres. Citons parmi ces « composantes » :

   ­ la référence à la nature et à la réalité comme source de « modèles » et de sensations, que l'on va s'efforcer de retranscrire et d'exprimer musicalement (cette référence est souvent affichée dans les titres, voire induite par ces titres chez l'auditeur : Jardins sous la pluie, Reflets dans l'eau, Nuages, ou Printemps, de Claude Debussy : Oiseaux tristes ou Une barque sur l'océan de Ravel ; Baigneuses au soleil ou En Languedoc de Déodat de Séverac ; etc.) ;

   ­ la recherche de correspondances sensorielles entre l'ouïe et la vue, voire l'odorat (comme dans les Parfums de la nuit, d'Iberia, de Debussy) ou le toucher ;

   ­ l'écriture musicale nuancée et diffuse, aux contours estompés, fondée souvent sur un certain poudroiement, une certaine division de la substance musicale, qu'on a rapprochés des techniques de peinture par petites touches propres aux impressionnistes tels Monet, Seurat, etc. Dans cette écriture qui tend au « pointillisme », le rythme est souple et fluide, la mélodie également ; l'harmonie, non fonctionnelle, est posée par touches d'accords indépendants, mis côte à côte comme des couleurs ; l'orchestration est assez mélangée et frémissante (emploi fréquent, par exemple, des cordes divisées avec trémolos, refus de la dureté et des couleurs crues, effets de « lumière variable » par l'utilisation de changements subtils d'orchestration, etc.). La musique « impressionniste » serait donc plutôt harmonique et verticale (reposant sur des successions de fines touches) qu'horizontale et contrapuntique. En fait, elle échappe souvent à l'antinomie du vertical et de l'horizontal.

   En 1918, le célèbre libelle de Jean Cocteau le Coq et l'Arlequin, qui définissait une manière de « doctrine » pour le futur groupe des Six, s'en prit à l'impressionnisme debussyste et à son « léger brouillard neigeux taché de soleil », qu'il rapprochait, pour les renvoyer dos à dos, de la « grosse brume trouée d'éclairs de Bayreuth ». Il est vrai qu'on peut trouver des traits préimpressionnistes dans certains tableaux symphoniques des opéras de Wagner ainsi que dans diverses musiques descriptives ou narratives de toutes les époques. En effet, la musique descriptive a été souvent amenée à briser la ligne traditionnelle du discours musical pour suivre les sensations naturelles fluctuantes et les retranscrire comme mosaïques d'« impressions » : le début, par exemple, de la Scène aux champs, de la Symphonie fantastique de Berlioz, peut être dit également prémonitoire de l'impressionnisme. Pour s'opposer à ce courant, et surtout à l'exemple de la musique de Debussy, Cocteau préconisait une écriture très franche, découpée, aux lignes nettes et dures, se passant plutôt de la « caresse des cordes », pour favoriser les cuivres et les bois à nu. Mais les œuvres de certains compositeurs du groupe des Six, comme Poulenc, Auric, Tailleferre, ne se sont pas privées d'intégrer dans leurs œuvres certains traits de l'écriture dite « impressionniste ».

   Il ne faudrait pas croire que l'impressionnisme musical est resté une exclusivité française : on l'a vu influencer largement des compositeurs étrangers, comme Stravinski (l'Oiseau de feu), Manuel de Falla (Nuit dans les jardins d'Espagne), un certain nombre de compositeurs américains de musique de film et quelques compositeurs japonais, comme Yoritsune Matsudaira dans ses débuts. Les procédés impressionnistes ont pu être repris dans certaines démarches plus récentes, aussi bien dans le pointillisme postwebernien de l'école sérielle que dans le « tachisme » de l'école polonaise (Penderecki, Serocki) ou dans les techniques de Ligeti, etc. On peut même parler d'un impressionnisme « électroacoustique » avec certaines œuvres de François Bayle (Espaces inhabitables), de Bernard Parmegiani (Capture éphémère), d'Edgardo Canton ou de Pierre Boeswillwald.