Etcheverry (Henry Bertrand)
Baryton-basse français (Bordeaux 1900 – Paris 1960).
Il fit une brillante carrière à l'Opéra de Paris où, à partir de 1932, il incarna entre autres Méphistophélès dans Faust et la Damnation, Sparafucile dans Rigoletto, le Roi dans Aïda et Hamlet, Boris Godounov, Don Juan, Saint-Bris dans les Huguenots, Fasolt dans l'Or du Rhin, Hunding, puis Wotan dans la Walkyrie. Il chanta aussi à l'Opéra-Comique (débuts en 1937 dans Pelléas et Mélisande), et fut pendant quinze ans, dans cette dernière œuvre, un Golaud sans rival.
Etcheverry (Jésus)
Chef d'orchestre français (Bordeaux 1911 – Paris 1988).
Professeur de violon au conservatoire de Casablanca et violon solo à l'Opéra de cette ville, Jésus Etcheverry était déjà attiré par la direction d'orchestre quand, en 1943, une défection lui fournit l'occasion de monter au pupitre. Ses débuts au pied levé furent si convaincants que Léon Ledoux, directeur du théâtre, le maintint à ce poste. De retour en France après la guerre, il fut engagé par Marcel Lamy au Grand Théâtre de Nancy, auquel il est resté fidèle malgré d'innombrables prestations dans le reste de la France et à l'étranger. En 1957, notamment, il a été appelé à l'Opéra-Comique et y est resté dix ans, dirigeant aussi un certain nombre de représentations à l'Opéra. Mais c'est à Nancy qu'il a décidé de prendre sa retraite, en mars 1981, après y avoir dirigé l'un de ses ouvrages de prédilection, Werther, qu'il a d'ailleurs enregistré. Essentiellement chef de théâtre, il a particulièrement bien servi le répertoire français.
étendue
Malgré quelque flottement dans la terminologie, le sens de ce terme, proche de celui d'ambitus, diffère de celui de registre et tessiture en ce qu'il désigne la totalité des sons conjoints accessibles à une voix ou à un instrument déterminé, quel qu'en soit le mode d'émission, alors que les deux termes sus-indiqués concernent plus particulièrement les sons favorables à une bonne émission. L'extrême aigu ou l'extrême grave d'une voix, utilisables exclusivement de manière occasionnelle, appartiennent ainsi en principe à son étendue, mais non à sa tessiture.
ethnomusicologie
Ce concept recouvre une discipline d'origine récente. Le mot a été utilisé pour la première fois vers 1945 par le Hollandais Jaap Kunst, spécialiste de la musique indonésienne. Définie comme « l'étude des musiques non européennes et du folklore de l'Europe », ou bien comme « la musicologie des civilisations dont l'étude constitue le domaine traditionnel de l'ethnologie » (Gilbert Rouget), l'ethnomusicologie a eu quelque difficulté à déterminer ses buts, ses limites et ses méthodes. Partant du principe que son objet est l'étude, sous tous ses aspects, du phénomène musical dans les civilisations de tradition orale, elle inclut dans son domaine les musiques dites « primitives » de l'Afrique et de l'Océanie, les musiques savantes de l'Asie et le folklore occidental dont elle étudie, selon les mêmes méthodes, les systèmes musicaux, les gammes, les intervalles, les instruments de musique ainsi que le rôle de la musique dans la société. Cela soulève inévitablement quelques questions, en particulier en ce qui concerne la transcription employée comme base d'analyse. Le fait qu'il existe, dans les différentes civilisations, des conceptions diverses de ce que l'on appelle génériquement la musique a toujours été reconnu. Les Grecs parlaient des modes lydien ou phrygien visiblement empruntés à d'autres cultures que l'athénienne. Les traités sanscrits sur la musique employaient l'expression déshi sangita (« musique des différents pays ») qui rappelle les « musiques nationales » de l'Union soviétique. Des orchestres du Népal et du Champa (Indochine) étaient invités à certaines époques à la cour de Pékin.
C'est à la fin du XVIIIe et surtout au début du XIXe siècle que le monde occidental a commencé à s'intéresser à la philosophie, à la littérature et aux arts plastiques des autres civilisations. Mais alors que la sculpture et la peinture de la Grèce, de l'Inde, de la Chine, et plus tard de l'Afrique, n'étaient en rien considérées comme primitives ou inférieures à l'art contemporain de l'Europe, il n'en était pas de même pour la musique. La littérature musicale occidentale, grâce à un système de notation remarquable, avait connu un développement si important, les musiciens y voyaient un « progrès » si évident que toutes les autres conceptions de l'art musical se trouvaient reléguées, à leurs yeux, à un état de prémusique, d'art sous-développé, de balbutiements de peuples qui n'avaient pas encore découvert l'harmonie. Le problème du musicien devant une musique qui lui est étrangère est qu'il la juge du point de vue de celle qui lui est familière, considérée comme la norme. Dans les Soirées d'orchestre, où il rendait compte de l'Exposition universelle de Londres (1851), Berlioz écrivait : « Les Chinois et les Indiens auraient une musique semblable à la nôtre s'ils en avaient une, mais ils sont à cet égard plongés dans les ténèbres les plus profondes de la barbarie et dans une ignorance enfantine où se décèlent à peine quelques vagues et impuissants instincts ; de plus les Orientaux appellent musique ce que nous nommons charivari… Le peuple chinois chante comme les chiens aboient, comme les chats vomissent quand ils ont avalé une arête. »
Les anciennes traditions musicales de l'Europe furent elles aussi considérées comme du folklore, un art primitif, plus ou moins spontané, alors qu'il s'agissait souvent d'anciens systèmes musicaux obéissant à des règles très élaborées. A. Varagnac, dans sa Définition du folklore (1938), n'hésite pas à écrire : « Le folklore ce sont les croyances collectives sans doctrine, les pratiques collectives sans théorie », conception typiquement romantique analogue à celle de la vie qui naît spontanément du fumier. Ce point de vue fut, plus ou moins implicitement, étendu à l'étude de la musique des autres continents.
L'écriture musicale
Des formes de notation musicale étaient connues en Inde et en Chine bien des siècles avant l'Europe, mais elles servaient seulement à indiquer des thèmes et des modes et non comme base d'exécution. Le gagaku japonais utilisait toutefois un système assez complet. Dans la psalmodie religieuse de l'Europe médiévale, comme dans le chant védique, des neumes, signes indicatifs placés au-dessus des paroles des chants, étaient employés. Une notation syllabique analogue au solfège, qui existait déjà en Inde au Ve siècle avant notre ère, est toujours en usage. Il existe par ailleurs en Inde une notation mnémotechnique très élaborée des rythmes qui n'a d'équivalent dans aucune autre civilisation.
La notation peut avoir trois buts différents. Elle peut être un aide-mémoire permettant de rappeler les grandes lignes des modes ou des thèmes que l'exécutant développe et sur lesquels il improvise ; elle peut être un moyen d'analyse, d'étude, de comparaison intéressant uniquement les théoriciens ; elle peut être aussi une description détaillée de ce que le musicien doit exécuter, comme c'est le cas de la musique occidentale qui semble un cas unique. Toutefois, une transcription n'est jamais complète. Certains éléments d'attaque des sons, de style, de mouvement, d'ornement restent de tradition orale. C'est pourquoi, même en Occident, l'interprétation d'une œuvre écrite peut varier considérablement.
L'expérience montre que les tentatives d'écriture détruisent les subtilités d'intonation, le sentiment poétique, la faculté d'improvisation et la virtuosité rythmique qui sont l'essentiel de la musique indienne, iranienne ou arabe. Même en Europe, certaines formes de musique telles que le jazz, le flamenco, la musique tzigane perdent tout caractère si on cherche à les jouer d'après une partition écrite. Chez les peuples qui n'utilisent pas l'écriture, la transmission des œuvres musicales se fait, comme pour la littérature, par tradition orale, qui n'est pas nécessairement moins efficace ou moins précise que la tradition écrite. La musique indonésienne n'est pas moins complexe que la musique européenne et obéit à des règles aussi formelles. Il existe pour toute musique un « corpus référentiel » et des méthodes pour le transmettre. Dans la musique de l'Inde, en dehors des définitions théoriques très complètes, l'instrumentiste utilise souvent de petits poèmes chantés qui l'aident à se remémorer les caractéristiques d'un mode particulier avant de commencer à jouer. L'écriture n'est donc pas un critère absolu et peut, dans certains cas, apparaître comme un facteur négatif.
Les premières approches des musiques de tradition orale de l'Europe et des autres continents se firent sur la base de transcriptions souvent très approximatives. Dans son Dictionnaire de la musique (1768), J.-J. Rousseau présente des notations d'un « air chinois », d'une « chanson des sauvages du Canada », d'une « chanson persane ». La transcription utilisée comme méthode dans l'ethnomusicologie et les études modernes de folklore ne peut indiquer qu'un squelette approximatif des mélodies transcrites et ne permet pas d'en apprécier l'esthétique ou l'action psychologique. Elle ne peut en aucun cas être employée comme base d'exécution, car elle ne permet pas d'en reproduire le style, la vitalité, les variations, qui sont des éléments essentiels de la musique de tradition orale, laquelle se trouve dépouillée de sa signification, de sa raison d'être. Herzog, dans sa Musical Topology in Folksongs (1937), disait déjà que la transcription « falsifiait » la musique populaire. Les limites que l'écriture pose à la musique constituent un problème que le musicien occidental doit lui aussi aujourd'hui affronter. « La musique contemporaine, en refusant de plus en plus l'espace du texte, brise le cadre qui la situait comme un genre achevé jusqu'alors… Dans le même temps que la musique occidentale et en partie sous l'influence des musiques extra-européennes se dégage du privilège de l'écrit, l'ethnomusicologie le reprend à son compte… pour tenter d'y insérer les musiques de tradition orale » (François Caillat).