Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
S

Smalley (Roger)

Pianiste et compositeur anglais (Manchester 1943).

Il a étudié au Royal College of Music (1961-1965), en particulier avec Peter Racine Fricker, et travaillé aussi avec Walther Goehr et avec Stockhausen à Cologne (1965-66). Comme pianiste, il a souvent été associé avec ce dernier, et, dans les années 60, il s'est fait connaître comme propagandiste de ses œuvres (en particulier de Kontakte) en Angleterre. Comme compositeur, il a subi son influence surtout à partir de 1967, notamment dans The Song of the Highest Tower (d'après Blake et Rimbaud) pour soprano, baryton, chœur et orchestre (1968), dans Transformation I pour piano et modulateur à anneaux (1969), et dans Pulses pour 5 × 4 exécutants, cuivres, percussion et modulateurs à anneaux (1969). Zeitebenen, pour ensemble et bande à quatre pistes (1973), est un ouvrage particulièrement audacieux. On lui doit encore, entre autres, un quatuor à cordes (1979), Echo III pour trompette et bande (1979), Konzertstück pour violon et orchestre (1980).

Smart (sir George)

Chef d'orchestre, organiste et compositeur anglais (Londres 1776 – id. 1867).

Pendant plus d'un demi-siècle, il joua un rôle considérable dans la vie musicale britannique, sur laquelle il a laissé de très intéressants renseignements. Comme violoniste des concerts Salomon, il reçut de Haydn une leçon de timbales. En 1813, il fut au nombre des fondateurs de la Royal Philharmonic Society, dirigeant quarante-neuf de ses concerts jusqu'en 1844. En 1826, il dirigea la première audition britannique de la IXe Symphonie de Beethoven (que peu de temps auparavant il avait rencontré à Vienne), et c'est chez lui que, la même année, Weber mourut peu après la première d'Oberon. Organiste (1822) puis compositeur (1838) de la chapelle royale, il dirigea également en 1836 la première en Angleterre de Paulus de Mendelssohn.

Smetana (Bedřich)

Compositeur tchèque (Litomyšl, Bohême, 1824 – Prague 1884).

Enfant prodige bénéficiant d'une ambiance familiale humaniste, avec un père maître brasseur et violoniste amateur, il jouait déjà si bien du violon à quatre ans qu'il remplaça son père dans l'exécution d'un quatuor de Haydn au second violon. À six ans, il transcrivait au piano la Muette de Portici d'Auber. En 1835, son père abandonne le métier de brasseur et s'installe comme exploitant agricole à Ružkova Lhotice au pied du mont Blanik. Après ses études secondaires, Smetana se rend à Prague en 1843 pour se perfectionner en piano. Décidé à devenir un artiste malgré les réticences de son père, il est engagé comme professeur de musique chez le comte Leopold Thun où l'ambiance l'amène à composer nombre d'œuvres aujourd'hui disparues. Il connaissait évidemment Mendelssohn, Hummel, Henzelt et même Schumann, dont les œuvres étaient alors fréquemment jouées à Prague.

   Les événements révolutionnaires de 1848 le transforment en fervent propagandiste du nationalisme en Bohême. Aidé par Liszt et Clara Schumann, il fonde en 1849, à Prague, une école de musique privée où le tchèque est la langue obligatoire, marquant ainsi son opposition à l'enseignement officiel de culture allemande. Il milite alors dans le groupe armé Concorde et devient l'ami des radicaux-démocrates de la capitale. Il fait ainsi la connaissance de Karel Sabina, écrivain politique, qui devait écrire le livret de ses deux premiers opéras. Alors que, dans ses dix premières années de compositeur, il écrivait ballades, polkas, impromptus, des Feuillets d'album schumanniens… pour le piano, l'ambiance révolutionnaire fait de lui un auteur de marches, telles celles de la Légion des étudiants de Prague, de la garde nationale et un chant guerrier, ou des ouvertures, plus joyeuses que solennelles.

   Le 27 août 1849, Smetana épouse Catherine Kolářová, jeune femme de vingt-deux ans, ravissante et enjouée. Elle lui donna quatre filles, dont seule Sophie, la troisième, dépassa la petite enfance. Sa femme, pulmonaire, devait rapidement lui donner de profonds soucis. Son école de musique périclite, alors que ses tournées de concerts en tant que pianiste n'atteignent pas la notoriété espérée. Il songe à s'expatrier. Dans l'espoir de voir l'empereur François-Joseph Ier se faire sacrer roi de Bohême, il écrit une symphonie triomphale à l'occasion du mariage du jeune empereur avec Elisabeth de Bavière. Utilisant des citations de l'hymne autrichien dû à Haydn, il espérait une réponse à son envoi à Vienne, qui ne vint jamais.

   Mais Bedřiška, sa fille aînée, disparaît. Il dédie à sa mémoire son trio pour piano, violon et violoncelle dont le ton de sol mineur ajoute au sentiment de désespoir et de détresse. On y entend des mélodies étranges, des bruits sourds d'une marche funèbre, tandis que le final conclut dans le ton énergique de sol majeur.

   À l'automne 1856, Smetana rencontre à nouveau Liszt qui lui conseille de partir pour Göteborg, en Suède. Il dirige ainsi l'Harmoniska Sällskapet de Göteborg de 1856 à 1861. Mais sa femme Catherine disparaît et les succès remportés par ses trois poèmes symphoniques, Richard III, le Camp de Wallenstein et Hakon Jarl, hommage vibrant à Liszt, ne suffisent pas à atténuer son mal du pays.

   Rentré définitivement à Prague, il s'aperçoit que la vie musicale nationale bohémienne prend son essor. Il prête son concours à toutes les tentatives fructueuses ou non en ce sens. Il prend la direction de l'association chorale Hlahol, puis d'une école de musique avec F. Heller (1824-1912). Il devient en 1866 le chef régulier du théâtre provisoire devenu le Théâtre bohémien de Prague. La première de son opéra les Brandebourgeois en Bohême est un événement national tant par l'emploi de la langue tchèque que par le sujet.

   Mais sa popularité ne devient immense qu'avec la version définitive de son opérette devenue opéra-comique, la Fiancée vendue, véritable hymne national de Bohême, dont l'ouverture est un chef-d'œuvre aujourd'hui universellement connu. Cette veine nationale lui inspire Dalibor (1868), opéra tragique racontant la lutte nationale contre la domination étrangère. Mais le style musical étant jugé trop wagnérien, il est accusé de trahison ! Il écrit alors Libuše (1872), glorification de la nation tchèque et de son éternité historique, alors que son opéra-comique les Deux Veuves (1874) forme un tableau inimitable de la vie et de l'amour, scherzo rayonnant prenant ses racines mélodiques dans les polkas et les danses de Bohême.

   Mais Smetana éprouve des vertiges, sent son ouïe se détériorer. Il se réfugie alors chez sa fille Sophie à Jabkenice. Il ne reviendra plus à Prague que pour soutenir ses partisans et assister à la création de ses nouveaux opéras et pièces symphoniques. Son génie, issu du folklore bohémien, prend toute son universalité dans son cycle Ma Vlast (Ma patrie), dont les six volets sont comme la description imagée, champêtre, dansante de tout un peuple.

   Malgré les influences de Chopin sur ses œuvres de piano de jeunesse, de Liszt, puis de Wagner, la musique de Smetana est profondément originale par son héroïsme, son humour, sa tension permanente. Sa souplesse mélodique, sa rythmique de plus en plus complexe bien que naturelle en sont les marques extérieures. Mais il serait injuste de ne voir en Smetana que le père de l'opéra national tchèque. Il a effectivement permis au patrimoine bohémien d'atteindre l'audience internationale, en effectuant une exceptionnelle synthèse entre une forme néoromantique et un individualisme culturel jusqu'alors préservé. Mais il ne faut pas négliger l'apport de Smetana dans le domaine de la musique de chambre ; deux quatuors à cordes dont le second en mineur annonce la complexité harmonique d'un Janáček, des pièces pour piano telles que Macbeth et les Sorcières (1859-1876) ou Rêves (1875) qui précèdent Liszt dans l'annonce du XXe siècle. De même, ses dix cycles de chœurs pour voix d'hommes atteignent une puissance expressive, une perfection de forme qui leur permettent d'ouvrir la voie à l'école moderne tchèque.