chanson (suite)
La chanson de la Renaissance
Les années 1530-1560 connaissent l'essor de ce qu'on appellera la chanson de la Renaissance, et, plus particulièrement, de la chanson « parisienne ». Il est, en partie, dû au développement de l'imprimerie musicale des Parisiens Attaingnant, Du Chemin, et Le Roy-Ballard, et du Lyonnais Moderne, qui diffusent largement et par grande quantité chansons, messes et motets. C'est l'époque où l'écriture contrapuntique commence à s'effacer derrière l'harmonie, aux accords et enchaînements riches en tierces et en sixtes, qui en adoucissent l'éclat. Le maître de cette école est Clément Janequin ; en quelque 250 chansons, il se montre habile à suggérer et à décrire, dans une invention rythmique éblouissante et une grande précision prosodique (le Chant des oiseaux, la Guerre, le Caquet des femmes, etc.). Il est aussi typiquement un artiste de la Renaissance, poursuivant l'idéal des poètes contemporains, avec, notamment, l'imitation de la nature et la recherche d'une expression de caractère théâtral, mettant en musique des textes de Marot, Melin de Saint-Gelais ou Ronsard. De Janequin, il faut rapprocher Pierre Certon, auteur de plus de 300 chansons de deux à treize voix. Son Premier Livre de chansons, publié en 1552, devait avoir une grande importance historique. En forme de vaudeville, celles-ci concrétisent, en effet, l'avènement de l'écriture verticale, d'un style beaucoup plus simple que celle, encore très horizontale et contrapuntique, d'un Josquin Des Prés par exemple ; par ailleurs, elles sont fortement marquées par la chanson et la danse populaires.
À ces courants d'influences s'ajoutent ceux que favorise, par l'imprimé, la diffusion des partitions musicales nouvelles, et particulièrement à cette époque celui du nouveau madrigal italien tel qu'il se développe alors sous l'influence des polyphonistes flamands travaillant dans la péninsule (Willaert, Cyprien de Rore). Ses traits dominants primauté de la poésie, intensité de l'expression des sentiments humains, large usage du chromatisme viennent vivifier la chanson traditionnelle, et l'Européen Roland de Lassus, comme un siècle plus tôt l'avait fait Josquin Des Prés, réalise une admirable synthèse de tous ces courants divers. Ses nombreuses chansons françaises sont écrites pour quatre, cinq ou six voix, parfois davantage.
Une dernière phase dans l'évolution de la chanson polyphonique peut être relevée lorsque, à partir de 1570 environ (date de la fondation de l'Académie de poésie et de musique, par Baïf et Courville), se répandent en France les recherches des poètes humanistes, qui tentent de renouer avec l'art (supposé) de l'Antiquité grecque et latine. Les musiciens Claude Le Jeune, surtout, génial rythmicien, mais aussi Costeley, Goudimel ou Anthoine de Bertrand s'inspirent des nouveaux vers français pour composer une « musique mesurée à l'antique », où le rythme musical est calqué sur le monnayage de durées prosodiques de la phrase poétique. Ils s'efforcent également de restaurer une écriture modale qui, pensent-ils, les relie à la musique grecque. Illustrant, notamment, les poèmes de Ronsard, ils vont mettre de plus en plus en vedette la partie supérieure de la polyphonie dont les autres voix se cantonnent progressivement au rôle d'accompagnatrices. Au terme d'une évolution longue et continue, la chanson polyphonique disparaît donc d'elle-même, à l'aube du XVIIe siècle, alors que se manifeste une conception nouvelle de la musique la musique « baroque » , de l'harmonie, et qu'apparaît la musique instrumentale en tant que telle. Dans cette mutation, la chanson polyphonique débouchera naturellement sur l'air accompagné.
Au XXe siècle, certains compositeurs français, manifestant par là leur goût pour la musique de la Renaissance, ont écrit des chansons polyphoniques : Debussy (Trois Chansons de Charles d'Orléans), Ravel, Schmitt, Poulenc, Milhaud, etc.