Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
T

tombeau

1. Au XVIIe siècle et au début du XVIIIe en France, œuvre instrumentale composée par un musicien à la mémoire d'un maître ou d'un ami : le genre se développe d'abord chez les luthistes (E. Gaultier, Tombeau de Mézangeau ; D. Gaultier, Tombeau de M. de l'Enclos), puis chez les clavecinistes (L. Couperin, Tombeau de M. Blancrocher ; Froberger, Tombeau de M. de Blancheroche ; d'Anglebert, Tombeau de Chambonnières) et les violistes (Marais, Tombeau de Lully et de Sainte-Colombe). Le tombeau affecte l'allure d'une danse grave et lente, très proche d'une allemande ; cette forme le distingue des autres genres de déplorations vocales (Du Buisson, Déploration pour la mort de Lambert), à l'allure récitative.

2. Après son éclipse aux XVIIIe et XIXe siècles, le tombeau revient en honneur en France, sous la forme libre d'un hommage rendu par un musicien à un autre : c'est, semble-t-il, à Ravel qu'est due cette résurrection (Tombeau de Couperin, 1917) ; le lien avec la musique française ancienne est en tout cas évident. Les compositeurs y font une profession de foi d'allégeance, soit à un musicien d'autrefois (Migot, Tombeau de Dufault, Tombeau de Grigny ; Dupré, Tombeau de Titelouze), soit rendent hommage à un contemporain : la Revue musicale a suscité, en 1920, un tombeau collectif à Debussy, et en 1936, à Paul Dukas.

Tomkins

Famille de compositeurs anglais, originaires de Cornouailles.

 
Thomas I (Loswithiel 1545 – Gloucester 1627) fut maître de chœur et organiste de la cathédrale de Saint Davids (pays de Galles).

 
Thomas II (Saint Davids, Pembrokeshire, 1572 – Martin Hussingtree, Worcestershire, 1656). Fils du précédent, il fut le disciple de Byrd et devint organiste de la cathédrale de Worcester en 1596. Nommé organiste de la chapelle royale en 1621, il publia, l'année suivante, un recueil de vingt-quatre Madrigaux (songs) à trois, quatre, cinq et six voix. Aucune autre de ses œuvres ne fut éditée de son vivant, mais en 1668, son fils Nathaniel publiait l'ensemble de sa production religieuse, sous le titre Musica Deo Sacra (dont cinq services et quatre-vingt-quinze anthems).

   La musique de Thomas II est le plus souvent tournée vers le passé. Ses full-anthems reconduisent avec beaucoup de talent la manière polyphonique de Byrd. Par contre, les verse-anthems (pour solo, duo, trio ou quatuor vocal) sont proches, par la mobilité de leur ligne mélodique, du premier style baroque. Comme madrigaliste, Tomkins fait montre d'une invention très personnelle, digne des plus grands (Weelkes ou Wilbye). Ses œuvres pour clavier mêlent la virtuosité à la touche lyrique et jouent des rythmes les plus savants.

   Mais c'est peut-être dans les fantaisies et pièces pour violes que Tomkins est le plus étonnant. Marqué, comme il est dit plus haut, par l'enseignement de Byrd, il y perpétue plus que partout ailleurs les techniques et les formes chères à son maître génial. Partisan de l'accident chromatique pour mieux souligner l'expression dramatique, il recourt avec bonheur à l'In Nomine, mais brille aussi dans les danses (gaillardes, pavanes) et, tout comme ses aînés les plus célèbres, dans la variation à partir d'un thème populaire. Ce qui ne l'empêche pas, sous cette fidélité exemplaire à la tradition, de se montrer polyphoniste aventureux, le dernier grand représentant, en tout cas, de l'école élisabéthaine et jacobéenne.

 
Il faut également citer John (1586-1636), Gilles († 1668), Robert et Nathaniel (1599-1681), respectivement demi-frère, frères et fils de Thomas II et tous musiciens de renom, surtout le dernier, organiste, comme son père, en la cathédrale de Worcester.

ton

1. Intervalle de seconde majeure produit entre deux degrés voisins de la gamme ; il est reconnaissable sur le clavier au fait qu'il est divisible en deux intervalles plus petits appelés demi-tons. Il est considéré comme l'unité d'intervalle.

   La valeur du ton est variable selon le système acoustique pris en référence. En système pythagoricien, il est la différence entre la quinte 2/3 et la quarte 3/4, soit 8/9. En système zarlinien, il diffère selon qu'il est « majeur », soit 8/9, ou « mineur », soit 9/10, si bien que do-ré, ton majeur, est plus grand que ré-mi, ton mineur. En tempéré égal, base de la pratique courante actuelle, il est la sixième partie de l'octave, soit racine 6e de 2. Les différences sont minimes et n'apparaissent qu'aux oreilles exercées.

2. Synonyme de tonalité dans le langage courant. Cette assimilation n'en est pas moins inexacte, car au sens propre, la tonalité se compose de deux éléments distincts qui sont le ton (défini par le choix de la tonique) et le mode (défini par la qualification de la tierce). Ainsi dans la tonalité de sol majeur (dite improprement le « ton » de sol majeur), le ton est sol, majeur est le mode.

3. Son de référence pour l'accord des instruments : donner le ton. Avant la normalisation du diapason (fin du XIXe siècle), on employait souvent des expressions telles que ton de la chapelle, ton de l'opéra, haut ou bas ton des orgues, etc., chacun d'eux impliquant un diapason différent.

4. En musique grecque antique, on appelait ton (abrégé de tonos systematikos, « degré de tension du système ») ou encore trope (littéralement « manière », que le latin traduira par modus), la hauteur réelle à laquelle se plaçait la note de référence du « système » proposant la gamme. Le ton n'avait pas de valeur fixe, mais se définissait par comparaison avec ses voisins ; l'ensemble des tons formait une échelle dite thétique sur laquelle se plaçait l'échelle propre de chaque ton, dite échelle dynamique. Les tons étaient désignés par des noms topiques, c'est-à-dire empruntés au nom d'une peuplade ou dérivés de ce nom (dorien, phrygien, lydien, ou encore hypodorien, mixolydien, etc.). On disait par exemple que le ton phrygien était un ton au-dessus du ton dorien.

   Cette terminologie n'a pas été sans créer, par la suite, de grandes confusions avec la terminologie des « modes » qui employait les mêmes termes dans un sens différent. Les modernes ont parfois employé le terme de « ton de transposition », ce qui est inexact, puisqu'il ne s'agit pas de transport d'un ton dans un autre, mais de choix entre divers tons de valeur équivalente.