romance
1. Genre musical qui fut très en faveur en France, à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle, jusque dans la seconde moitié du XIXe siècle, où elle disparut pour laisser la place, dans la musique « savante », à la mélodie. On appelait romance une chanson sentimentale (chanson d'amour le plus souvent), sur une mélodie simple, de caractère plutôt « naïf et attendrissant » (Marmontel), et adoptant la forme populaire strophique, avec des couplets qui pouvaient être plus ou moins variés et ornementés à la reprise.
La vogue de la romance, genre aimable donnant lieu à d'importants tirages et à un commerce lucratif, est plus ou moins liée à la redécouverte, à la fin du XVIIIe siècle, d'un Moyen Âge pittoresque, avec troubadours et pucelles, par exemple dans les opéras médiévaux de Grétry (Richard Cœur de Lion, 1784), qui, comme d'autres opéras-comiques de l'époque, contiennent des romances destinées à être popularisées en versions séparées.
En fait, la romance est au carrefour de la musique populaire et de la musique de salon : elle peut être écrite par des musiciens « sérieux » en style populaire, dans un « goût un peu antique » (comme dit Jean-Jacques Rousseau). On peut la faire dériver de la chanson de toile médiévale et de l'air de cour. Au XVIIIe siècle, la romance s'opposait à l'ariette (genre plus brillant et virtuose) par son caractère modeste et sa facilité d'intonation. Peu à peu, les romances, d'abord souvent écrites sur des « timbres » (airs connus du domaine public), furent ensuite de plus en plus créées sur des mélodies originales, avec un accompagnement noté (pour piano, mais aussi pour harpe ou guitare, parfois avec contrechant de flûte ou de violoncelle).
De célèbres paroliers de romances, au XVIIIe siècle, furent Florian, Fabre d'Églantine, Marmontel, et même Chateaubriand. Les compositeurs « sérieux » qui s'adonnèrent à ce genre ne manquèrent pas, qu'il s'agisse de Philidor, Cherubini, Martini, Méhul, Gossec, Grétry, Boieldieu, Dalayrac, Devienne, et même Jean-Jacques Rousseau. Il s'agissait parfois de spécialistes essentiellement voués à ce genre, comme Romagnesi, Plantade, Gaveaux, Garat, Blangini, Panseron.
C'était aussi un genre musical où la possibilité était laissée aux femmes de réussir, puisque Pauline Duchambge (qui mit en musique les poètes romantiques français) et Loïsa Puget furent des auteurs de romances très réputées.
Le déclin de la romance à la fin du XIXe siècle, après une période très florissante, peut être attribué à une certaine lassitude née de la saturation de romances fades et convenues. La romance disparue, la chanson populaire retourna à sa verve réaliste et énergique, et, dans le domaine « savant », on vit s'affirmer, en référence au lied allemand que l'on commençait à connaître en France, le genre plus écrit de la mélodie notamment grâce à Berlioz, dont l'œuvre fait la transition entre romance et mélodie. Aujourd'hui, à part quelques mélodies entrées dans le trésor commun, la romance est un genre oublié et rétrospectivement méprisé. Il fut un des rares genres musicaux, en France, à faire le pont entre la musique populaire et la musique savante.
2. Genre instrumental se référant à la romance chantée : il s'agit d'une pièce pour orchestre, formation concertante, instrument soliste ou musique de chambre, qui se caractérise par son inspiration très chantante dans un tempo modéré. On peut citer la Romance du deuxième mouvement du Concerto en « ré » mineur KV.466 de Mozart ou les deux Romances pour violon et orchestre de Beethoven. Le titre français donné aux Lieder ohne Worte pour piano de Mendelssohn, Romances sans paroles, témoigne de l'assimilation qui régnait à l'époque entre le genre de la romance et celui de la chanson (lied signifiant chanson, chant).
3. Au masculin, genre de chanson épique ou narrative en vers de huit syllabes, spécifique à la culture espagnole. Le mot en est venu à désigner diverses formes de chansons espagnoles (enfantines, savantes, populaires). On parle aussi, dans ce sens, de romancero. À signaler que le mot français romance, dérivé de l'espagnol, désigne aussi bien un texte poétique que la musique chantée sur ce texte ; un genre littéraire aussi bien que musical.
romanesca
Thème musical utilisé pour des danses, des airs et des variations instrumentales aux XVIe et XVIIe siècles.
Bien qu'il soit, à l'origine, mélodique (tétracorde de deux tons et un demi-ton descendants répété deux fois et aboutissant à la tonique), sa basse, plus ou moins constante, devient peu à peu suffisamment caractéristique pour se substituer à la mélodie initiale (III-VII-I-V-III-VII-I-[V]-I) :
Il s'agit d'une formule de base que le compositeur peut à loisir varier mélodiquement, rythmiquement et harmoniquement, et à laquelle se greffe souvent une reprise ou coda. L'étymologie du mot et l'origine de la forme sont obscures, car la romanesca apparaît parallèlement dans des sources italiennes et espagnoles. Très proche de la folia et du passamezzo antico avec lesquels elle se confond parfois, on la retrouve également sous d'autres formes, qu'il s'agisse de gaillardes (pièces d'Attaingnant), du villancico « Guardame las vacas » (Romanesca o Guardame las vacas de Mudarra), du cantus romanescus ou de la pavana milanese (de P. P. Borrono).
Le terme est employé très tôt en Espagne par Mudarra en 1546 (pièce ci-dessus), D. Ortiz en 1553 (Tratado de glosas) et surtout Fr. Salinas qui en donne une description précise dans son De musica de 1577. À la fin du XVIe siècle, la romanesca est utilisée comme thème de danse pour la vihuela en Espagne (pièces de E. de Valderrabano, par exemple) et le luth en Italie (pièces de C. Bottegari et V. Galilei). Au début du XVIIe siècle, la forme inspire plus particulièrement les premiers monodistes italiens, qui en donnent des versions pour voix solo et basse continue (pièces de G. et F. Caccini, Cifra, Banchieri, Monteverdi, etc.). Elle sera, en outre, adaptée à divers ensembles vocaux et instrumentaux, en particulier au clavier avec des pièces de E. Pasquini, Frescobaldi (Partite sopra la romanesca), B. Storace et Gr. Strozzi.