ethnomusicologie (suite)
Le retour aux valeurs d'art
L'apparition de la bande magnétique, puis celle du magnétophone portatif, qui permettaient des enregistrements faits sur place dans les régions les plus reculées, suivis du disque microsillon qui en permettait une large diffusion, donnèrent une dimension nouvelle à la musique de tradition orale. On recréait, par l'enregistrement, un objet musical supérieur en fait à la partition puisqu'il inclut, dans le moindre détail, tous les éléments d'expression, de style, de mouvement, que la partition ne peut au mieux que suggérer. C'est donc seulement depuis le milieu du XXe siècle que l'art musical des différentes civilisations de tradition orale a pu prendre sa place auprès du grand public, d'abord par des séries de disques de haute valeur artistique, en particulier les collections de disques de l'Unesco. La première anthologie de la musique classique de l'Inde fut publiée par Ducretet-Thomson en 1955. C'est en grande partie grâce au disque qu'une place de plus en plus importante a pu être accordée aux musiciens traditionnels et aux spectacles musicaux de l'Asie et de l'Afrique dans les programmes de concerts auparavant réservés à la musique occidentale. L'appropriation par l'ethnomusicologie de la musique de l'Asie et de l'Afrique, considérée comme primitive parce que non écrite, devait aller de pair avec son appréciation par un public musicien de plus en plus vaste qui en admirait les chefs-d'œuvre. D'assez nombreux jeunes musiciens occidentaux étudient aujourd'hui la musique indienne et en deviennent des interprètes valables. Mantle Hood à l'université de Californie à Los Angeles (UCLA) a constitué un gamelan javanais et établi un important centre d'enseignement pratique de la musique indienne et indonésienne. À Paris, un musicien vietnamien, Tran Van Khe, dirige, dans le cadre de l'Institut de musicologie, un centre d'études de musique orientale. Un centre d'enseignement a été créé à Venise sous la direction de Ivan Vandor.
À l'Institut d'études comparatives de la musique créé à Berlin en 1963 et à Venise en 1970 pour la diffusion, dans la culture générale, de l'art musical des diverses civilisations de l'Asie et de l'Afrique, le terme ethnomusicologie a été banni comme représentant un eurocentrisme fleurant le colonialisme, et inacceptable pour les musiciens des cultures extra-européennes qui restent stupéfaits et outragés lorsque l'on prétend étudier, sans les consulter, leur art musical comme s'il s'agissait d'un art enfantin, plus ou moins spontané, analogue au bruissement des insectes ou au chant des oiseaux.
L'ethnomusicologie, qui a rendu des services indéniables, apparaît aujourd'hui, grâce au contact des cultures, une conception dans beaucoup de cas dépassée et dont les méthodes sont à reconsidérer. Menacée dans ses privilèges, elle devra peu à peu s'adapter à son rôle devenu secondaire, les valeurs d'art triomphant de la curiosité ethnologique.