Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
M

Mesplé (Mady)

Soprano colorature française (Toulouse 1931).

Elle étudia le piano et le chant au conservatoire de Toulouse, et travailla aussi à Paris, notamment avec Janine Micheau. Elle débuta à l'Opéra de Liège dans le rôle de Lakmé (1952), dont elle est restée l'une des plus célèbres interprètes, puis se produisit à la Monnaie de Bruxelles dans Lucia di Lammermoor, rôle dans lequel (après des débuts à l'Opéra-Comique en 1956) elle devait triompher à l'Opéra de Paris en 1960. Elle parut ensuite à l'étranger et dans les principaux festivals (dans Zémir et Azor à Aix-en-Provence en 1966). Elle a créé la version française d'Élégie pour de jeunes amants de Henze, et des œuvres contemporaines ont été écrites pour elle (Quatuor II de Betsy Jolas, Poèmes de Sappho de Charles Chaynes). Elle a chanté à Londres l'Échelle de Jacob de Schönberg sous la direction de P. Boulez, mais reconnaît volontiers que sa carrière tourne autour de 6 ou 7 opéras : Rigoletto, le Barbier de Séville, Lakmé, les Contes d'Hoffmann, la Flûte enchantée, Lucia di Lammermoor.

messa di voce (ital. ; « émission de la voix »)

Une voix bien posée, bien émise, peut soutenir un son qui commence pianissimo et dont l'intensité augmente petit à petit jusqu'au forte avant de diminuer à nouveau. Cette note tenue se trouve ainsi exécutée avec un contrôle parfait du souffle et sans le moindre fléchissement. Caccini, dans la préface des Nuove Musiche (1602), appelle la messa di voce il crescere e scemare della voce. C'était, à l'origine, un ornement sur des valeurs longues, notamment en fin de phrases, qui devint, à l'époque du bel canto au XVIIIe siècle, une des qualités les plus recherchées dans l'art de bien chanter. Tous les grands maîtres italiens du chant en parlent, tels Tosi et Mancini, ce dernier allant jusqu'à écrire que toute valeur longue devait faire l'objet de cet embellissement.

Messager (André)

Compositeur et chef d'orchestre français (Montluçon 1853 – Paris 1929).

Il fit ses études classiques tout en travaillant le piano depuis l'âge de sept ans. À seize ans, il vint à Paris étudier la musique à l'école Niedermeyer dans les classes de Loret (orgue) et de Gigout (harmonie). Il s'y lia avec Saint-Saëns et Fauré. Il succéda à ce dernier à l'orgue de chœur de Saint-Sulpice, dès sa sortie de l'école en 1874. L'année suivante, sa Symphonie en « la » reçut le prix de la Société des compositeurs. En 1876, il obtint le prix de la Ville de Paris pour sa scène dramatique Prométhée enchaîné. Il fut successivement chef d'orchestre aux Folies-Bergère (1878), à l'Éden-Théâtre de Bruxelles (1880), mais il revint bientôt à Paris pour occuper les postes d'organiste à l'église Saint-Paul – Saint-Louis (1881) et de maître de chapelle à l'église Sainte-Marie des Batignolles (1882). En 1883, à la demande de l'éditeur Énoch, il termina une opérette inachevée de Firmin Bernicat, François les Bas-bleus. Son succès amena Messager à s'intéresser au répertoire lyrique. En 1885, il fit représenter à Paris la Fauvette du temple, et, en 1886, le ballet les Deux Pigeons, premiers ouvrages d'une longue série qui devait connaître certains succès comme la Basoche (1890), les P'tites Michu (1897), Véronique (1898), restée la plus populaire de nos jours, ou Fortunio (1907), partitions claires, élégantes, et possédant un charme réel. Parallèlement à son activité créatrice, il poursuivit sa carrière d'interprète. Il fut directeur de la musique à l'Opéra-Comique (1898-1904), puis à Covent Garden de Londres, avant de prendre, à Paris, la direction de la Société des concerts du Conservatoire (1908), puis celle de l'Opéra, en association avec Broussan. Il y dirigea les représentations du Crépuscule des dieux, de Salomé et de Parsifal. En 1919, il revint, pour deux saisons, salle Favart pour y créer la Rôtisserie de la reine Pédauque de Lévadé. Comme chef d'orchestre, il possédait les qualités précieuses pour le théâtre : la netteté, la sûreté et le souci de l'accompagnement nuancé. Il collabora avec Sacha Guitry pour l'opéra l'Amour masqué (1923) et écrivit la musique de scène pour sa pièce Debureau (1926).

messe

Principale cérémonie du culte catholique, articulée autour des deux moments essentiels, qui sont la « consécration » et la « communion » (ITE MISSA EST). Jusqu'au concile Vatican II, qui a conservé la structure en assouplissant la mise en œuvre, devenue aujourd'hui assez indécise, la messe, du point de vue musical, pouvait être basse (sans musique), chantée (avec seulement plain-chant et orgue) ou solennelle (avec polyphonie et éventuellement instruments, voire depuis le XVIIe siècle avec orchestre dans certaines grandes églises). Les parties chantées de la messe se divisent en deux grandes catégories imbriquées l'une dans l'autre : le commun ou ordinaire, immuable sauf aménagements (no 2 kyrie, no 3 gloria, no 7 credo, no 9 sanctus, parfois scindé en 2 parties, sanctus et benedictus, no 10 agnus Dei, no 12 ite missa est ou benedicamus Domino) ; et le propre variable d'une fête à l'autre (no 1 introït, no 4 graduel, no 5 alleluia ou trait, no 6 séquence, éventuellement, no 8 offertoire, no 11 communion).

   Alors que le propre est relativement stable dans le répertoire grégorien, le commun n'a cessé de donner lieu à nombreuses mélodies interchangeables, dont plusieurs ont été regroupées tardivement pour former des ensembles affectés chacun à un usage liturgique déterminé : on a ainsi obtenu 18 messes, désignées soit par un numéro, soit par un nom conventionnel (par ex. messe XV : de angelis ou « messe des Anges », déformation probable de Angles ou Anglais), soit par l'incipit du trope ornant jadis leur kyrie (par ex. XVIII : messe Cunctipotens). Les pièces non regroupées sont dites ad libitum. Le credo (4 mélodies seulement) n'est pas compris dans le regroupement, et le choix de sa mélodie en reste indépendant. La réforme du plain-chant consécutive au concile de Trente, ayant créé un style différent dans l'exécution du chant liturgique, entraîna au XVIIe siècle la composition de messes en plain-chant dans ce nouveau style (H. Dumont, Lully fils), mais ce mouvement fut de courte durée. La messe de Dumont du premier ton, dite Messe royale, est restée très populaire dans les paroisses jusqu'au concile Vatican II.

   C'est par l'organum à vocalises que, vers la fin du XIe siècle, la polyphonie s'introduit dans la messe avec pour objectif d'en rendre certaines pièces plus solennelles, la polyphonie se greffant sur la mélodie liturgique conservée comme teneur ou cantus firmus avec plus ou moins d'aménagements symphoniques. On « organisa » d'abord de préférence les graduels et les benedicamus Domino, puis, à partir du XIIIe siècle, les pièces du commun, dont peu à peu on délaissa le cantus firmus liturgique pour la composition libre. À la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle, on commença à grouper des pièces d'origine différente pour former des communs polyphoniques complets, généralement à 3 voix (messes dites de Tournai, de Barcelone, de Toulouse, de Besançon). G. de Machaut fut le premier, avec sa Messe Notre-Dame à 4 voix, probablement écrite comme messe votive pour la confrérie Notre-Dame de Reims (et non, comme on l'a dit au XIXe s., pour le sacre de Charles V), à composer intégralement une messe comprenant tout le commun (y compris Ite missa est abandonné par la suite), et à insérer d'une pièce à l'autre des éléments communs assurant à l'ensemble une certaine cohérence. Au siècle suivant, Guillaume Dufay imagina, pour renforcer cette cohérence, de donner à tous les morceaux d'une même messe un thème commun, emprunté soit à la liturgie (messe Ave maris Stella), soit même au répertoire profane (messes Se la face ay pale, l'Homme armé). L'exemple se généralisa et motiva durant deux cents ans une énorme efflorescence de messes à titre, où s'illustrèrent les plus grands compositeurs (105 messes pour le seul Palestrina). Elles peuvent se classer en 3 grandes catégories : les messes à teneur (audition intégrale du thème donné, souvent au ténor), les messes paraphrases (développement libre du thème donné), les messes parodies (adaptation de modèles existants). Vers la fin du XVIe siècle, l'influence du concile de Trente, hostile à l'emploi de thèmes profanes, et l'abandon du style a cappella entraînèrent la disparition des messes à titre au bénéfice des messes avec orgue ou avec orchestre.

   Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l'habitude nouvelle de faire dialoguer chœur et orgue, ce dernier remplaçant un verset sur deux de certaines pièces, motiva une importante littérature de messes pour orgue, consistant en une série de courtes pièces correspondant à ces interventions dialoguées (elles ne sont donc pas faites pour être jouées à la suite). On y ajoute souvent des morceaux non dialogués correspondant aux moments dont disposait l'organiste pour jouer librement (entrée, offertoire, élévation, communion, sortie). Au XIXe siècle disparut à peu près l'usage de l'alternance, et les messes pour orgue se limitèrent aux morceaux ci-dessus, moins l'élévation pour laquelle fut prescrit un silence de recueillement. Au milieu du XXe siècle, la messe conciliaire, dite de Paul VI, a tout aplani avec des paroles ininterrompues, qui ont à peu près mis fin à toute possibilité d'expression organistique valable.

   En revanche, la messe avec orchestre, comportant également chœurs et solos, prit de plus en plus d'ampleur dans les grandes chapelles ou cathédrales et finit au XVIIIe siècle, sous l'influence de l'opéra, par devenir un véritable oratorio, avec ensemble, solos, duos, etc. Elle gagna l'église luthérienne, qui avait conservé en certains cas l'usage du latin (ou du grec pour le kyrie), mais sous forme abrégée, le plus souvent limité au kyrie et au gloria sous le nom de missa brevis (Bach en a écrit plusieurs). La Messe en « si » de Bach fut d'abord une Missa brevis, puis fut complétée après coup selon l'usage catholique, à destination de la cour catholique de Dresde (Bach n'y esquive pas, dans le Credo, les mots Et unam catholicam ecclesiam, mais les traite avec discrétion).

   Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle (par ex. pour Haydn, Mozart), la messe avec orchestre recule au maximum, sans les déborder, toutefois, les limites de temps et de style d'une liturgie assez tolérante. Des traditions s'établissent, comme, par exemple, de traiter en chœur fugué la dernière partie du gloria et du credo. À partir de la Messe en « ré » de Beethoven, les limites sont élargies à tel point que la tolérance n'est plus possible et que la messe avec orchestre devient pratiquement un oratorio de concert, inutilisable à l'office. Liszt la réintègre de justesse avec sa Messe de Gran, mais retrouve à peu près les normes liturgiques dans d'autres messes qui redonnent une place au plain-chant de l'office. La scission ne s'établit pas moins, vers la fin du XIXe siècle, entre la messe de concert et la messe fonctionnelle, dite « de maître de chapelle ». Cette dernière, malgré l'apport de quelques grands compositeurs (C. Franck, Bruckner, Fauré) semble avoir eu quelque peine à surmonter la médiocrité générale de l'ensemble des productions. Elle semblait, à l'approche du concile, connaître en France un certain renouveau (Caplet, Poulenc, Langlais, Chailley), mais celui-ci est aujourd'hui remis en question par les incertitudes de la nouvelle liturgie.

   Quant à la messe de concert, elle n'apparaît plus guère au XXe siècle que de façon exceptionnelle (Janáček, messe « glagolitique » en dialecte slavon, 1926, messe de Stravinski, 1948). Il faut mettre à part la messe de Requiem, qui groupe le propre et le commun et constitue un genre distinct.