Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
A

Amsterdam

Dès le XVe siècle, l'activité musicale d'Amsterdam fut florissante, et les facteurs d'instruments ­ clavicordes, clavecins, luths, harpes et orgues ­ y étaient déjà réputés. Il fallut cependant attendre Sweelinck et sa nomination à l'orgue de la Oude Kerk vers 1577, pour qu'une personnalité de premier plan marquât les annales de la ville. Sweelinck attira des élèves de toute l'Europe, et spécialement d'Allemagne. C'est par la publication de ses Psaumes de David (1613-14) que l'édition musicale, qui devait prendre à Amsterdam une si grande importance au XVIIIe siècle, commença sa carrière. La fondation de la maison Étienne Roger en 1690 apporta une concurrence sérieuse aux éditeurs de Venise, Bologne, Nuremberg et Leipzig. En 1722, Le Cène reprit la maison Roger, qui avait notamment publié l'opus 6 de Corelli et La Stravaganza de Vivaldi, et contribua à faire d'Amsterdam le principal centre de l'édition musicale en Europe.

   Au XVIIe siècle, la vie musicale avait été loin de suivre la brillante impulsion donnée par Sweelinck et ses amis britanniques réfugiés aux Pays-Bas, Peter Philips et John Bull. N'abritant pas de résidence princière comme les grandes villes d'Allemagne, de France ou d'Italie, à la même époque, Amsterdam offrait aux virtuoses un champ d'action restreint. La même carence se remarque dans le domaine lyrique, malgré la présence d'Henrik Anders au poste de directeur musical du théâtre municipal.

   Au XVIIIe siècle, un prestigieux animateur, lui-même compositeur, Michael Heynsius (v. 1710 - v. 1755), constitua un orchestre destiné à donner des auditions régulières et payantes, avec la participation de solistes réputés. Sur ce modèle, G. Reder organisa, de 1760 à 1810, des concerts sur abonnement, mais leur intérêt inégal provoqua le déclin de la vie musicale qu'on observe pendant la première moitié du XIXe siècle. La fondation de la Société pour l'avancement de la musique (1829) fut alors un stimulant pour les compositeurs, surtout ceux qui cultivaient la musique chorale.

   Johann Van Bree, à la tête de la société Felix Meritis, et Anton Berlijn, au pupitre de l'orchestre du théâtre, donnèrent enfin à la vie musicale d'Amsterdam un essor définitif, couronné par la création du conservatoire en 1862, de la Société Wagner en 1884, et, surtout, par la présence, dans la nouvelle salle de concerts (Concertgebouw) construite par Dolft Van Gendt, d'un orchestre de 120 musiciens, spécialement attaché à cette salle (orchestre du Concertgebouw, 1888). Succédant à Willem Kes, Willem Mengelberg fit rapidement de cette formation, qu'il dirigea de 1895 à 1945, un orchestre de renom international. À partir de 1905, l'orchestre du Concertgebouw assura un cycle de concerts populaires et fut un des premiers à faire des enregistrements, des émissions de radio, des films. Dirigé après 1945 par E. Van Beinum, à partir de 1959 par Bernard Haitink et depuis 1988 par Riccardo Chailly, il demeure l'un des plus remarquables orchestres du monde.

   Aujourd'hui, Amsterdam demeure la capitale musicale des Pays-Bas et l'un des pôles d'attraction de l'Europe. Parmi les 1 800 sociétés chorales qui existent dans le pays, plus d'une centaine se trouve à Amsterdam, en particulier le Nederlands Kammerchor, fondé en 1937 par Sem Dresden et longtemps dirigé par Félix de Nobel.

   Depuis 1926, l'Association pour l'éducation musicale des enfants s'est révélée très efficace et a été à l'origine du mouvement Jeunesse et musique (1948), dont les manifestations se diffusent à travers des sections locales, et de la Fondation des concerts scolaires (1954).

   Une troupe régulière d'opéra (Nederlandse Opera) siège à Amsterdam depuis 1946. Elle se déplace et se produit sur les scènes des principales villes du pays (La Haye, Rotterdam, Utrecht, etc.).

   L'Institut de musicologie, lié à l'université, a son action complétée par l'Institut de musicologie médiévale et par les Archives folkloriques néerlandaises, dont le siège est également à Amsterdam.

   Après la Société des compositeurs néerlandais, fondée à Amsterdam en 1911 par Guillaume Landré, la Fondation Donemus s'est donné pour mission, depuis 1947, de faire connaître la musique hollandaise, spécialement la musique contemporaine. Concerts, émissions radiophoniques, biographies, analyses, guides, disques (elle édite elle-même une série intitulée Composers' Voice) sont ses instruments de propagande ; aucune école musicale au monde, peut-être, ne bénéficie de moyens de diffusion aussi importants.

   L'influence de la radio, celle de la maison Philips ­ l'un des principaux éditeurs de disques du monde, dont le siège est à Amsterdam ­ contribuent aussi à la diffusion de la culture musicale.

   Enfin le festival de Hollande, créé en 1947 et dont Amsterdam est le centre, ne cesse d'apporter l'exemple d'une action efficace. De l'opéra collectif Reconstruction (1969) au Circusopera Houdini de P. Schat (1977), produit d'un travail également collectif de musiciens, de chanteurs et de danseurs, l'expérience s'y révèle toujours audacieuse et significative.

Amy (Gilbert)

Compositeur et chef d'orchestre français (Paris 1936).

Il est né d'un père anglais pour moitié et d'une mère bourguignonne, et fut, dans son enfance, attiré par l'architecture (il s'y intéresse toujours). Ses premiers contacts avec la musique furent décevants : il apprit le piano sans entrain. Vint l'année 1948 : « J'ai eu alors ma nuit de Noël claudélienne, mon père m'emmena au concert à Paris. C'est alors que la musique m'a vraiment impressionné. » Il copia Berlioz, Schubert, Schumann, et se mit à composer. Plus tard, il fut fasciné par Bartók, Stravinski, le groupe des Six, la polytonalité, les dissonances. À dix-huit ans, il découvrit la philosophie et approfondit ses choix. Il entra au Conservatoire de Paris et fut orienté par Michel Fano vers Olivier Messiaen, avec lequel il travailla deux ans. Il compta aussi parmi ses professeurs Darius Milhaud. Les cours d'analyse de Messiaen l'aidèrent à « rencontrer » Mozart, Chopin, Debussy. En 1957, sa Cantate brève pour soprano, flûte, marimba et vibraphone fut créée à Donaueschingen. La même année, Amy montra sa Sonate pour piano à Boulez et étudia avec celui-ci la direction d'orchestre. C'était l'époque brûlante du Domaine musical. Après s'être « senti dans un climat de solitude totale au Conservatoire », il fut « soudain jeté dans la vie ». Il écrivit alors Mouvements pour 17 instruments (1958). À Darmstadt (1959-1961), il découvrit Stockhausen et rencontra Maderna, Nono, Pousseur. Il composa Inventions (1959-1961) et développa un style personnel fait de rigueur et de raffinement, de lyrisme contenu et d'abstraction avec Épigrammes (1961), Cahiers d'épigrammes (1964) pour piano et Diaphonies pour orchestre de chambre (1962). À ces partitions relativement austères en succédèrent d'autres où s'épanouit plus librement son tempérament de poète : Triade pour orchestre (1963-64 ; création, Royan, 1966), la première version de Strophe pour soprano dramatique et orchestre (1964-1966), Trajectoires pour violon et orchestre (1966 ; création, Royan, 1968) et Chant pour orchestre (1967-1969). De cette époque date aussi Cycle pour percussions (1966). En 1967, succédant à Pierre Boulez, il prit la direction des concerts du Domaine musical, qu'il devait conserver jusqu'à leur disparition en 1973. En 1970 fut créé à Royan Cette étoile enseigne à s'incliner (le titre est celui d'un tableau de Klee) pour chœur d'hommes, 2 pianos, bande magnétique et divers instruments, œuvre incantatoire comptant parmi ses plus significatives. Lui succédèrent notamment Récitatif, air et variation pour 12 voix mixtes (Royan, 1971), Refrains pour orchestre (Paris, 1972), D'un désastre obscur pour voix et clarinette (1971), à la mémoire de Jean-Pierre Guézec, D'un espace déployé pour orchestre et 2 chefs (1972 ; création à l'Orchestre de Paris, 1973), grande réussite s'il en fut, Sonata pian'e forte pour 2 voix et ensemble de chambre (1974), Seven Sites pour 14 solistes (Metz, 1975), Après… d'un désastre obscur (Châteauvallon, 1976), Échos XIII pour 13 instruments (1976), Stretto pour orchestre (Metz, 1977), une version réorchestrée de Strophe (1977 ; création, Paris, 1978), Trois Études pour flûte seule (Grenoble, 1979), Chin'anim Cha'ananim pour voix et petit ensemble (1979) et Une saison en enfer d'après Rimbaud pour piano, percussions, chant et bande magnétique réalisée autour du texte parlé à trois voix (enfant, femme, homme). Cette partition, une de ses plus ambitieuses, résulta d'une commande du groupe de recherche musicale de l'I. N. A. et fut créée à Paris en 1980. Suivirent Quasi una toccata pour orgue (1981), Quasi scherzando pour violoncelle (1981), Messe pour quatuor vocal, chœur d'enfants ad libitum, chœur mixte et orchestre (1983), la Variation ajoutée pour 17 instrumentistes et bande (1984), Orchestrahl pour orchestre (1985), Choros pour soli, chœur et orchestre (Lyon, 1989), Quatuor à cordes no 1 (1992), Inventions pour orgue (1993-1995), Trois Scènes pour grand orchestre (1994-1995), Brèves (quatuor à cordes no 2) [1995].

   D'abord conseiller musical, à l'O. R. T. F. (1973), Amy a été, de 1976 à 1981, directeur du Nouvel Orchestre philharmonique de Radio-France. Il a obtenu le grand prix musical de la S. A. C. E. M. en 1972 et le grand prix national de la musique en 1979. En 1984, il a succédé à Pierre Cochereau à la tête du Conservatoire national supérieur de musique de Lyon.