Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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mélodrame (étymol. : « drame chanté »)

Si l'on s'en tient à l'étymologie, l'expression melodramma per musica, qui qualifia les premiers opéras italiens jusqu'à Monteverdi, relève du pléonasme. Il est d'autant plus paradoxal que le mot « mélodrame » ait désigné par la suite une forme de spectacle d'où le chant est exclu : plus précisément un ouvrage unissant un texte déclamé à un accompagnement musical.Si le premier mélodrame, proprement dit, fut le Pygmalion de Jean-jacques Rousseau, joué en 1770, l'idée d'associer la symphonie à la déclamation parlée n'était pas nouvelle. La tragédie antique était accompagnée de musique, de même que les « mistères » du Moyen Âge, la commedia dell'arte, les comédies-ballets de Molière et certaines tragédies classiques comme Esther et Athalie de Racine, sans compter les scènes parlées introduites dans des genres lyriques tels que la pastorale, la mascarade et le ballet de cour. Cette dernière tradition a été longtemps perpétuée en France par l'opéra-comique et en Allemagne par le Singspiel, dont l'Enlèvement au sérail et la Flûte enchantée de Mozart, ainsi que le Freischütz de Weber sont les exemples les plus connus.Quant au mélodrame ­ l'« opéra sans chanteurs » ou presque ­, son grand maître au XVIIIe siècle fut J. A. Benda, avec Médée (1775) et Ariadne auf Naxos (1775). Citons à ses côtés le melologo de l'Espagnol Iriarte intitulé Guzman el Bueno (1791). Relèvent plus ou moins du mélodrame le Pierrot lunaire de Giraud et Schönberg (1912), l'Histoire du soldat de Ramuz et Stravinski (1918) et Jeanne au bûcher de Claudel et Honegger (1935). Contiennent aussi des passages en mélodrame Zaïde de Mozart (1779), Egmont de Beethoven (1811) et Manfred de Schumann (1847). La Nymphe des bois de Sibelius (1894-1895) existe à la fois sous forme de poème symphonique (opus 15) et de mélodrame.

   On peut également rattacher au genre « mélodrame » des drames ou comédies enrichis de ce qu'on appelle, improprement, une « musique de scène ». C'est le cas notamment du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare et Mendelssohn (1843), de l'Arlésienne de Daudet et Bizet (1872), de Peer Gynt d'Ibsen et Grieg (1875), des Érinnyes de Leconte de Lisle et Massenet (1873), ou encore du Pelléas et Mélisande de Maeterlinck et Gabriel Fauré (1898).

   On appelle enfin mélodrame, dans certaines partitions d'opéra ou d'opéra-comique, une sorte d'intermède orchestral pendant lequel les chanteurs se taisent.

   Il en existe plusieurs exemples dans l'œuvre de Massenet. Et nous ne citerons que pour mémoire, car elle est sans rapport avec la musique, l'acception la plus répandue du mot « mélodrame » : drame populaire, dont les personnages conventionnels et les péripéties rocambolesques s'adressent à la sensibilité la plus élémentaire du public. Malgré l'hommage célèbre d'Alfred de Musset ­ « Vive le mélodrame où Margot a pleuré ! » ­ ce genre, qui fit fureur à l'époque romantique, n'est plus guère pris au sérieux, ainsi qu'en témoigne le diminutif « mélo », nettement péjoratif.

mélographe

Appareil électronique analysant et représentant sous forme graphique la hauteur et l'intensité du son dans le temps.

Étant donné qu'il n'indique, par définition, que la mélodie, c'est-à-dire la fréquence des sons fondamentaux, il est assez peu employé en acoustique et on lui préfère le sonographe, qui reproduit intégralement le spectre sonore. Il se révèle, en revanche, d'une grande utilité en ethnomusicologie, par exemple, car il retranscrit les moindres variations de hauteur et d'intensité du son (micro-intervalles, vibrato, glissando), parfois difficilement perceptibles de l'oreille seule.

melologo (gr. melos, « musique » et logos, « parole »)

Mot espagnol désignant un genre dramatique très en faveur en Espagne à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe.

Il s'agissait d'une forme de mélodrame à un seul personnage (monodrame) monologuant en vers de 11 syllabes, avec des séquences orchestrales qui venaient couper et prolonger sa déclamation parlée. Le « mélodrame » à un seul personnage de Jean-Jacques Rousseau, Pygmalion, créé en 1770 à Lyon et représenté à Madrid en 1790, serait l'inspirateur de ce genre, dont Yvan Ignacio Gonzales del Castillo fut l'un des pionniers en Espagne. L'année suivante, Tomas del Iriarte créait son melologo Guzman el Bueno (créé à Cadix, 1790), un classique du genre, et plusieurs centaines de melologos furent composés, entre autres, par Blas de Laserna, Pablo del Moral, Manuel García, ainsi que par l'Allemand Georg Benda (Ariane à Naxos, Médée). C'est, sans doute, à partir de ce mot espagnol que Berlioz a forgé le terme de « mélologue » pour désigner son mélodrame à un seul personnage, Lélio (1831-32), dans lequel le compositeur lui-même se met en scène et suscite les interventions orchestrales (mélodrame).

mélopée (gr. melopoieia, de melopoios, « qui fait de la mélodie »)

1. Dans la musique de la Grèce antique, la mélopée était soit la théorie musicale de la mélodie, soit la pratique de cette théorie (par opposition à la rythmopée, « action d'ordonner le rythme »), soit enfin la mélodie elle-même. Voltaire rapproche ainsi le récitatif italien de la mélopée des Anciens.

2. On appelle couramment mélopée une mélodie qui sonne à nos oreilles comme longue, monotone et ondulante (telles les lignes mélodiques des musiques arabes ou indiennes, dont l'oreille occidentale souvent ne sait percevoir la logique).

melos (gr. ; « membre ».)

Transcription en caractères romains du mot grec qui signifie aussi par analogie « membre de phrase musicale », chant, rythme, mélodie chantée, ou encore, chez Platon, l'ensemble formé par les notes, le rythme et les paroles, conçus comme indissociables. Au pluriel, ta mélé signifiait la « poésie lyrique », par opposition à la poésie épique ou dramatique ; elle est à dominante rythmique ou agogique.

   Dans les écrits anciens sur la musique, le melos est souvent opposé, en tant que concept, au « rythme », pour désigner l'essence mélodique de la musique, sa part « féminine ».