Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
F

fugue (suite)

Formes parallèles de la fugue

Outre les fugues « normales » ci-dessus décrites, la fugue a engendré un grand nombre de formes dérivées. Une fuguette (en ital. fughetta) est une fugue régulière de petites dimensions. Un fugato est une ébauche de fugue insérée sans être menée à terme dans un morceau non fugué ; il est souvent réduit soit à une exposition (Beethoven, allegretto de la 7e symphonie), soit à une exposition suivie d'une strette. Une fugue multiple (double, triple, etc.) est une fugue à plusieurs sujets : le premier sujet donne d'abord lieu à une exposition et à un premier développement ; puis il s'interrompt et le deuxième sujet est présenté de la même manière ; après quoi les deux sujets se combinent. S'il y a 3 sujets ou plus, on fait de même pour chacun des suivants, chaque sujet nouveau devant se combiner avec tous les précédents. La fugue canonique (fuga canonica), encore appelée telle par Bach et incluse par lui dans son Art de la fugue, n'est plus aujourd'hui considérée comme une fugue, mais comme un canon.

   D'autres formes de fugue, recherchant des combinaisons sophistiquées, ont été pratiquées, surtout au XVIIIe siècle, à titre de démonstrations de virtuosité d'écriture. Citons la contre-fugue ou fugue a rovescio, dans laquelle la réponse est le renversement du sujet (Bach lui consacre une section dans son Art de la fugue) ; la fugue-miroir (même remarque), écrite de telle sorte qu'on puisse la lire soit telle quelle, soit en renversement intégral (en posant le papier verticalement sur un « miroir » horizontal, on doit lire une nouvelle fugue, tout aussi correcte que la première, en changeant seulement les clefs, et, s'il y a lieu, les altérations et l'ordre des voix) ; la fugue-écrevisse (cancrizans), dont le sujet peut se lire tantôt normalement, tantôt en commençant par la fin ; la fugue par augmentation, ou par diminution, ou par les deux à la fois, dans laquelle interviennent des présentations du sujet en augmentation ou en diminution par rapport à la présentation régulière initiale ; la fugue-strette, dans laquelle la réponse entre avant la fin du sujet (plusieurs contre-fugues de l'Art de la fugue sont aussi des fugues-strettes), etc. Toutes les combinaisons possibles restent ouvertes à l'imagination.

La fugue après Bach

Considérée par l'époque de la musique « galante » comme un genre « passéiste », et, bien qu'enseignée aux futurs compositeurs à titre d'exercice de plume, la fugue a cessé à peu près alors d'être employée ailleurs que dans la musique d'église, où, sous l'influence de Haendel plutôt que de Bach, elle s'est installée comme forme traditionnelle de certains morceaux brillants (Cum sancto spiritu, Amen, etc.) : Berlioz la raillera à ce titre dans sa Damnation de Faust. Mozart en découvre l'intérêt vers 1782, quand Van Swieten lui apporte la révélation de J.-S. Bach ; il l'adopte alors et l'intègre à son style, qui s'en trouve singulièrement renouvelé. Haydn l'avait déjà précédé, en particulier dans trois des finales de ses quatuors op. 20 (1772), et Beethoven romantise la fugue en accroissant le dramatisme et la complexité (fugue de la sonate Hammerklavier, Grande Fugue op. 133). Cependant, la fugue reste exceptionnelle chez les romantiques et postromantiques, encore que beaucoup la cultivent de manière quasi marginale (Schumann, Liszt, Franck, Brahms). Peu prisée de l'esthétique debussyste, elle réapparaît vers le milieu du XXe siècle (Stravinski, Honegger) et se transforme pour s'adapter à l'affaiblissement des structures tonales, abandonnant ses règles strictes pour ne conserver que la rigueur formelle de son style aisément reconnaissable (Bartók, Schönberg).

Fukushima Kazuo

Compositeur japonais (Tokyo 1930).

Rejoignant en 1953 un studio de musique expérimentale formé par Toru Takemitsu et Yuasa dans le cadre de la Sony Corporation, le Jikken Kobo, il y compose des œuvres pour bande magnétique. Il se fait connaître avec des œuvres comme Ekagura (1958), pour flûte alto et piano, pièce caractéristique de sa manière de transposer sur la flûte moderne (instrument qu'il affectionne) les inflexions, les sonorités et les modes de jeu du shakuhachi, flûte traditionnelle japonaise (on sait le rôle prédominant que tient la flûte dans cette musique, par rapport aux instruments à archet). En 1961, Fukushima est invité à Darmstadt pour des conférences sur la musique japonaise. Après des séjours en Occident, il se fixe à Tokyo comme professeur de musique au Ueno Gakuen College. On peut encore citer dans son œuvre : Hi-kyo (1962), pour flûte, cordes et percussions ; Mei (1962), et Kadha no4 (1963), pour flûte solo ; Sui-rin (1967), pour 2 pianos et 2 percussions ; Tsuki-shiro (1965), pour piano, harpe, percussions et 52 cordes ; Shun-san (1969), pour flûte solo ; et Sui-en (1972), pour piano.

furiant

Danse populaire tchèque au mètre changeant de 2/4 en 3/4, portée au rang de forme musicale par Smetana dans la première Danse tchèque pour piano, de même que par Dvořák en l'orchestrant.

Elle est proche du galop viennois, mais infiniment plus complexe par les figures de danse collective qu'elle propose.

Fürstenau

Famille de musiciens allemands.

 
Caspar, flûtiste et compositeur (Münster 1772 – Oldenburg 1819).

 
Anton Bernhard, flûtiste et compositeur, fils du précédent (Munster 1792 – Dresde 1852). Il fit en 1815 la connaissance de Weber à Prague, et l'accompagna à Londres en 1826. Membre de l'orchestre de Dresde à partir de 1820, il laissa deux Méthodes et de nombreuses pièces pour son instrument.

 
Moritz, flûtiste, compositeur et écrivain, fils du précèdent (Dresde 1824 – id. 1889). Il succéda à son père comme premier flûtiste de l'orchestre de Dresde en 1852, et laissa d'importants ouvrages sur l'histoire de la vie musicale dans cette ville.

Furtwängler (Wilhelm)

Chef d'orchestre et compositeur allemand (Berlin 1886 – Ebersteinburg, Baden-Baden, 1954).

Il étudia la composition avec J. Rheinberger et M. von Schillings à Munich, le piano avec Conrad Ansorge à Berlin, et, après avoir été chef d'orchestre à l'opéra de Strasbourg (1910), directeur de la musique à Lübeck (1911-1915) et chef d'orchestre à l'opéra de Mannheim (1915-1920), il succéda en 1922 à Arthur Nikisch à la tête de l'orchestre du Gewandhaus de Leipzig tout en prenant la direction de la Philharmonie de Berlin, avec laquelle il devait rester associé jusqu'à sa mort : d'où sa gloire et sa position unique, qui firent de lui le chef allemand le plus prestigieux de sa génération, et un des trois ou quatre plus grands de son temps. Directeur musical du festival de Bayreuth en 1931, il accepta diverses fonctions officielles à l'arrivée de Hitler au pouvoir, mais, très vite, il se heurta aux autorités, et, le 4 décembre 1934, se démit de tous ses postes officiels. Quatre mois plus tard, en avril 1935, il faisait sa réapparition dans un programme Beethoven (qu'en mai 1947 il devait redonner tel quel pour son premier concert à Berlin après la guerre), assura la direction musicale de Bayreuth en 1936-37, et jusqu'à la chute du régime, sans pouvoir se résoudre à émigrer, s'efforça de concilier une attitude qu'il voulait apolitique, les services qu'il estimait pouvoir rendre à la population grâce à la musique, ses actes de courage, ce qu'on voulut le voir faire et ce qu'inévitablement il lui fallut supporter. Après la guerre, il reprit ses tournées à travers le monde, et dirigea notamment aux festivals de Lucerne et de Salzbourg. Peu de chefs surent comme lui allier à l'intensité expressive le geste souverainement unificateur. Grand maître de la transition, il excella dans Beethoven, dans Wagner, dans Brahms, dans Bruckner, dans des œuvres comme la 4e symphonie de Schumann, d'une façon générale dans tout le répertoire allemand de Haydn et Mozart à Hindemith et à Richard Strauss, et aussi bien dans le domaine symphonique que dans l'opéra. Il a laissé de nombreux disques, et on en édite toujours de nouveaux en provenance des archives les plus diverses : depuis sa mort, sa réputation n'a subi aucune éclipse. Il fut également compositeur (un concerto pour piano, 2 sonates pour piano et violon, un quintette avec piano, 3 symphonies, un Te Deum et 2 chœurs pour Faust) et auteur de plusieurs livres et écrits très révélateurs de sa personnalité : l'édition française la plus complète et la plus récente porte le titre global de Musique et Verbe (1979).