Grieg (Edvard)
Compositeur norvégien (Bergen 1843 – id. 1907).
Il commence à six ans l'étude du piano avec sa mère et est remarqué par le violoniste Ole Bull qui l'envoie se perfectionner au conservatoire de Leipzig en 1858. Il y restera quatre ans, travaillant notamment avec Moscheles, E. F. Richter et C. Reinecke, puis il retourne en Norvège doutant d'avoir beaucoup appris. En 1863, il part pour Copenhague où règne N. Gade, mais plus importante y est la rencontre avec son compatriote R. Nordraak (1842-1866) et avec le compositeur danois C. Horneman qui aboutit à la création de l'éphémère groupe Euterpe, en réaction contre l'influence allemande de Schumann et de Mendelssohn. Rentré en Norvège en 1866, il s'installe à Christiania (Oslo) et épouse sa cousine, la cantatrice Nina Hagerup. Sa lutte pour un art national, soutenue par son compatriote H. Kjerulf (1815-1868), est reconnue et révélée à l'étranger par Liszt en 1870. Dès lors, Grieg mène parallèlement la composition, une carrière difficile d'organisateur de la vie musicale en Norvège et ses tournées de concerts. Chef d'orchestre apprécié, il n'est pas un pianiste virtuose, mais un interprète sensible. Avec l'aide de J. Svendsen il arrive peu à peu à imposer son idéal d'une musique nationale, et désormais sa vie est une succession de triomphes et de pénibles dépressions physiques. Il s'éteint le 4 décembre 1907, épuisé par les ultimes tournées de concerts.La célébrité de Grieg repose sur un certain nombre de malentendus. Ses œuvres les plus jouées aujourd'hui, Peer Gynt et le Concerto en « la », pour être populaires, n'en sont pas moins des partitions où les principales qualités du compositeur n'apparaissent pas avec le plus d'évidence ; la lourdeur de son orchestration et son manque de maîtrise de la forme sont des handicaps dont il était d'ailleurs conscient. C'est dans la petite forme que Grieg a toujours été le plus à l'aise, notamment dans ses mélodies et ses pièces pour piano. Une trop rapide assimilation à la musique de salon de la fin du XIXe siècle ne doit pas dissimuler les qualités de ces œuvres. Audacieux harmoniste, cet initiateur à un art « impressionniste » a influencé des compositeurs tels que Debussy, Ravel et Delius. Son inspiration populaire est également beaucoup plus authentique dans ses pièces vocales et pianistiques que dans les œuvres plus ambitieuses dont Debussy dénonçait le caractère « ficelle et truqué ». Son langage utilise de fréquentes oscillations entre les modes majeur et mineur, tout comme dans les mélodies populaires norvégiennes où la tierce est instable ; sa phrase musicale est large et très lyrique, mais c'est la perfection de l'écriture pianistique qui attire plus encore l'attention et lui permet d'exprimer l'exceptionnelle sensibilité que l'on retrouve tout au long de son œuvre.
Griesinger (Georg August)
Écrivain et diplomate allemand (Stuttgart 1769 – Vienne 1845).
Venant de Leipzig, il arriva à Vienne au printemps de 1799 comme précepteur du fils aîné du chef de la légation de Saxe, avant de devenir lui-même secrétaire de légation en 1804, conseiller de légation en 1808, conseiller secret en 1828, et, enfin, chef de mission en 1831. Avant son départ de Leipzig, il s'était vu demander par la maison d'édition Breitkopf de prendre contact avec Haydn et de servir d'intermédiaire dans les transactions que cette maison comptait mener avec le compositeur. Griesinger vit très souvent Haydn jusqu'à la mort de ce dernier, et ses nombreuses lettres à Breitkopf Härtel constituent une précieuse source de renseignements non seulement sur l'auteur de la Création, mais sur la vie musicale à Vienne en général. Griesinger amassa peu à peu les éléments d'une biographie que, après la mort de Haydn, il fit paraître dans sept numéros successifs (du 12 juill. au 23 août 1809) de l'Allgemeine Musikalische Zeitung, puis (après révision) en volume l'année suivante. Des trois biographies authentiques du compositeur, les autres étant celles de Carpani et de Dies, celle-ci Biographische Notizen über Joseph Haydn, « Notices biographiques sur Joseph Haydn », Leipzig, 1810, rééd. Vienne, 1954, rééd. fac-similé Leipzig, 1979) est à la fois la plus concise et la plus sûre.
Griffes (Charles Tomlinson)
Compositeur américain (Elmira, New York, 1884 – New York 1920).
Il fit ses études dans sa ville natale, puis en Allemagne avec Humperdinck. La découverte des maîtres français (Debussy, Ravel) et russes (Scriabine) l'orienta ensuite vers un art de suggestion de plus en plus subtil et raffiné, indifférent à l'expression typiquement américaine. De retour aux États-Unis en 1907, il y exerça diverses activités d'enseignement. Il a surtout écrit des mélodies (Five Poems of Ancient China and Japan, 1917) et des pièces pour piano, dont deux sonates (1904 et 1917-18), The Pleasure Dome of Kubla Khan (1912, transcription orchestrale 1917) et Four Roman Sketches (1915, 1919 dont The White Peacock transcrit pour orchestre, 1919). Il termina sa carrière sur deux œuvres capitales de la musique américaine, la seconde sonate pour piano et le Poème pour flûte et orchestre (1918).
Grigny (Nicolasde)
Organiste et compositeur français (Reims 1672 – id. 1703).
Il est, avec François Couperin, le plus grand maître de toute l'école de l'orgue classique français ; mais sa destinée tragiquement brève a certainement privé la musique du XVIIIe siècle de l'un de ses artistes majeurs. Né dans une famille d'organistes rémois, il est monté de bonne heure à Paris pour y parfaire sa formation musicale. Il y a été le disciple de Lebègue, et y a très probablement connu son contemporain François Couperin, dont le Livre d'orgue était publié en 1690. De 1693 à 1695, il est organiste de l'église abbatiale de Saint-Denis. Il regagne ensuite Reims, où, à partir de 1697, il est titulaire de l'orgue de la cathédrale. Deux ans plus tard, il fait paraître son Livre d'orgue, mais il meurt peu après, à peine âgé de trente et un ans. Le Livre d'orgue se compose de deux parties à peu près égales en volume : une Messe d'orgue en vingt-deux morceaux d'un côté, et cinq Hymnes de l'autre. Cette œuvre réalise une synthèse unique entre les tendances les plus nouvelles de l'orgue de concert et les exigences liturgiques traditionnelles de l'Église catholique. D'une sensibilité exacerbée, Grigny pratique un chromatisme séduisant dans un langage encore tout imprégné des vieux modes médiévaux. Harmoniste subtil, polyphoniste accompli (il écrit souvent à cinq voix), il est avant tout un merveilleux mélodiste, développant de souples volutes ou laissant s'échapper de sublimes envolées lyriques, gonflées d'une ornementation somptueuse. Ses hymnes sont à la musique sacrée française ce que les préludes de chorals de Bach sont à la musique religieuse allemande. Le rapprochement n'est d'ailleurs pas fortuit : Jean-Sébastien recopia intégralement le Livre de Grigny lors de son séjour à Lüneburg, en 1703. Une seconde édition, posthume, parut en 1711, et il faut attendre 1904 pour en voir publier la première réédition moderne. Ce chef-d'œuvre, à la charnière de deux siècles, situe l'aboutissement d'une évolution commencée avec Titelouze et Frescobaldi, et marquée par l'influence des prédécesseurs immédiats de Grigny, Lebègue et François Couperin. Couperin n'écrivant plus pour l'orgue, et Grigny disparu, la musique d'orgue française tombera alors en de plus faibles mains, et ne va cesser de se dégrader, lors même que l'école allemande connaîtra son apogée.