Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
O

ornement (en all. verzierungen, en angl. ornaments, en it. abbellimenti) (suite)

Le culte de la virtuosité

Au XVIIIe siècle, et surtout en Italie, on assiste à la véritable soumission des compositeurs aux caprices des chanteurs tout-puissants. C'est l'époque de l'aria à da capo, avec ses maîtres A. Scarlatti, Bach, Haendel et Hasse. Cette forme ternaire offre aux chanteurs, au moment de la reprise, l'occasion de se distinguer, d'éblouir et, parfois, d'épuiser le public par les exploits du gosier. Les mouvements lents des sonates et concertos sont souvent des improvisations libres très ornées à partir d'une simple esquisse de quelques notes (Haendel, concertos pour orgue ; Corelli, Sonates, op. 5). Depuis le siècle précédent, les compositeurs français indiquent la place d'un ornement à l'aide d'une petite croix (+ : « faites un ornement ici, selon vos moyens techniques et [dans le cas de la musique vocale] selon le sens du texte »). Mais ils les écrivent aussi, par exemple autour d'un mot imagé tel que « voler ».

Les réformes

Les nombreuses critiques qui affirmaient qu'une ornementation excessive rendait totalement méconnaissable la composition originale ont amené plusieurs réformes. Dans l'opéra, d'abord celles de Gluck, qui s'applique à épurer la mélodie de ses fioritures abusives ; ensuite celles de Rossini, qui n'interdit pas les ornements ­ ce serait contre la nature de sa musique ­ mais prend la précaution de les écrire lui-même à l'exclusion de tout autre. L'époque romantique, héritière en cela du style instrumental classique, demeure en faveur d'une ornementation écrite et strictement au service de l'expression. Cependant, le XIXe siècle abandonne la plupart des ornements du bel canto pour ne garder que le trille, les appoggiatures, les traits et arpèges décoratifs (par exemple, dans la musique de piano de J. Field et Chopin), le mordant, et le « gruppetto » cher à Schumann et à Wagner pour ne citer que l'usage émouvant qui en est fait dans le prélude de Parsifal. Chez Verdi puis chez R. Strauss, les ornements écrits sont riches et travaillés à travers l'œuvre. Il n'en faut pas moins constater que l'ornementation, afin d'embellir véritablement, doit éclore librement.

Ortigue (Joseph Louis d')

Musicologue et critique français (Cavaillon 1802 – Paris 1866).

On retient de son activité de musicologue ses travaux sur la musique d'église. En 1857, Joseph d'Ortigue fonda avec Niedermeyer la Maîtrise qui devint en 1862, sous sa direction, le Journal des maîtrises, revue du chant liturgique et de la musique religieuse. Son ouvrage le plus remarquable est son Dictionnaire liturgique, historique et théorique de plain-chant, écrit en collaboration avec Nisard. Appartenant à un milieu royaliste et conservateur, Joseph d'Ortigue a été l'ami de Berlioz et de Liszt, dont il fut le compagnon à La Chênaie, chez Lamennais. Disciple de Ballanche, adepte de l'esthétique spiritualiste de ce dernier, croyant à la « religion de cœur », à la musique comme « langage universel », ainsi qu'à la mission rédemptrice de l'art, il s'est trouvé en communion d'idées avec Liszt. Il fut le fidèle défenseur et souvent le porte-parole de Berlioz, à qui il succéda en 1863 comme critique musical au Journal des débats. Malheureusement, vers la fin de sa vie, il revint à des opinions conservatrices et ne put comprendre la Messe de Gran de Liszt lorsqu'il l'entendit à l'église Saint-Eustache en 1866.

Ortiz (Diego)

Musicien, organiste et théoricien espagnol (Tolède v. 1510 – Naples ? v. 1570).

Il était à Naples dès 1553, et, en 1558, il était vice-maître de chapelle du duc d'Albe, vice-roi d'Espagne. La plupart de ses compositions sont demeurées en manuscrits, à l'exception d'un Musices Liber I, édité en 1565. Mais il est surtout connu comme théoricien, pour avoir publié un traité d'exécution sur les instruments à cordes et le clavecin, indiquant notamment la réduction de la polyphonie et la composition des ricercari et des glosas (variations). Intitulé Trattado de glosas sobre Cláusulas y otros generos de puntos en la Música de Violones nuevamente puertos en luz, ce traité a été édité en 1553 à Rome.

ossia (ital. pour « ou bien »)

Terme indiquant une alternative pour un passage donné (pouvant par exemple être remplacé par un autre moins difficile, celui proposé en alternative étant en général écrit en petites notes au-dessus ou au-dessous de la portée) ou un titre d'œuvre (L'anima del filosofo ossia Orfeo ed Euridice de Haydn, Cosi fan tutte ossia La scuola degli amanti de Mozart).

Ostendorf (Jens-Peter)

Compositeur allemand (Hambourg 1944).

Il étudie la théorie et la composition à l'École supérieure de musique de Hambourg de 1964 à 1969. Comme boursier de la ville de Hambourg, il collabora en 1968 au Studio de K. Stockhausen et participa à la composition collective Musik für ein Haus à Darmstadt. Particulièrement intéressé par le théâtre musical contemporain, il dirigea à partir de 1969 le département Musique de scène au Thalia Theater à Hambourg, fonda en 1970 le groupe Hinz und Kunzt, et entreprit en 1972 des études en phonétique expérimentale à l'université de Hambourg. Ayant obtenu le prix de Rome, il séjourna en 1973-74 à la villa Massimo. Après avoir étudié en 1979 la musique des Touaregs du Sahara et des juifs de l'île de Djerba, il effectua un stage à l'I.R.C.A.M. en 1980. Ses recherches les plus récentes sont orientées vers la live electronic et vers l'opéra.

ostinato (ital. ; « obstiné »)

Ce terme désigne un élément mélodique ou rythmique plus ou moins court se répétant périodiquement et « obstinément », cependant que d'autres éléments (voix superposées, rythmes simultanés, etc.) se modifient simultanément. La basse répétée, ou basse contrainte (basso ostinato), qui est un dessin mélodique de basse de quatre à huit mesures se répétant indéfiniment, est un cas particulier d'ostinato ; elle est le principe de genres comme le « ground » des virginalistes anglais, la chaconne, la passacaille, les danses variées sur des basses obstinées comme la « folia », et elle apparaît également dans les airs d'opéras (air de Didon mourante dans Didon et Énée de Purcell). La forme « variation » en est l'extension.

   On applique aussi le terme d'ostinato à la répétition insistante d'une brève cellule rythmique ou rythmico-mélodique, dans la musique africaine par exemple. Les musiques répétitives de Steve Reich ou Philipp Glass sont faites souvent entièrement d'ostinatos superposés. La « boucle », en musique électroacoustique, est une forme moderne d'ostinato, chez Pierre Henry notamment. L'ostinato, dans le Boléro de Ravel, est double : un bref ostinato rythmique d'accompagnement, et le thème lui-même, très développé, mais que sa répétition textuelle, dix-sept fois de suite, transforme en un ostinato de grande envergure.