madrigal (suite)
Le madrigal dramatique
Enfin, en marge du madrigal traditionnel, se développe avec Orazio Vecchi le madrigal dramatique, sorte de comédie théâtrale mise en musique dans un esprit proche de la commedia dell'arte et en style madrigalesque.
« La vie est un modèle, dit Vecchi, où grave (sérieux) et piacevole (aimable) s'entremêlent continuellement. » Bien que chaque personnage s'exprime par le biais d'un petit madrigal polyphonique ce qui favorise évidemment l'élément musical aux dépens du dramatique cette forme a inspiré à Vecchi un chef-d'œuvre : l'Amfiparnaso (1594), scène idéale où, sous la farce et la parodie, se cachent les ambitions du moraliste, et l'une des dernières grandes victoires, avec la Pazzia Senile (1598) d'Adriano Banchieri, dans le même esprit, de la polyphonie profane a cappella avant son renoncement.
Le madrigal en Europe
Le madrigal italien s'est répandu dans toute l'Europe, mais avec un bonheur différent selon les pays. En Allemagne, il n'a été assimilé que comme madrigal spirituel, transposition au plan religieux du madrigal profane (l'Israëlsbrünnlein de Johann Hermann Schein). De grands compositeurs allemands ont écrit de très beaux madrigaux dans le style polyphonique traditionnel, comme Hans Leo Hassler, mais toujours sur des paroles italiennes. En Espagne, en revanche, la manière italienne a inspiré une riche école locale avec Brudieu (qui édite des Madrigales en 1585), Francisco et Pedro Guerrero, les deux Mateo Flecha, Juan Vasquez qui transforme le villancico et quelques autres, toujours attentifs aux tendances nouvelles venues de l'autre côté de la Méditerranée. C'est, toutefois, en Angleterre que la floraison madrigalesque a été la plus riche, tout à fait digne d'être comparée à son homologue transalpine. Une longue tradition de la chanson à plusieurs voix y était d'ailleurs implantée avant le XVIe siècle. Néanmoins, c'est l'influence du madrigal italien, renforcée par celle de la chanson française, qui est à l'origine de l'école du madrigal élisabéthain dont la grande période de création et d'édition dure une trentaine d'années (1590-1620). Les plus grands musiciens du temps s'illustrent durant ce bref âge d'or, à la suite de Byrd dont le premier recueil madrigalesque est une adaptation pour voix seules de chansons écrites pour solo vocal et accompagnement de violes. Thomas Morley, l'un des maîtres du genre, publie deux livres (1597 et 1598) qui sont comme la synthèse des styles à la mode de l'époque (madrigaux et balletti principalement). Le même Morley réunit, en hommage à la reine Élisabeth, les Triomphes d'Oriane auxquels participent tous les madrigalistes célèbres du temps.
Chantant les joies de l'amour, comme ses tourments, dans le style des pastorales italiennes à grand renfort de mythologie, ou plus simplement attaché aux évocations réalistes, mettant en scène la société, surtout rurale ou villageoise, le madrigal anglais joue à peu près des mêmes thèmes que son aîné italien. Aussi bien, John Wilbye et Thomas Weelkes apparaissent qui sont les deux grands virtuoses du genre, le premier dans un registre intimiste qui n'exclut pas le lyrisme et où il impose une perfection presque classique à la Marenzio, l'autre à l'humeur moins sereine et plus inattendu, mais s'appuyant sur une science d'écriture et des madrigalismes subtils qui en font l'égal des plus grands italiens. Les deux jouent d'un riche éventail de sentiments et d'émotions, de la joie pastorale à la sombre mélancolie. Reprenant à leur compte les essais expressifs de Marenzio, voire de Gesualdo, ils usent en maîtres des contrastes, des suspensions, des accidents de parcours dissonants et du chromatisme, des effets de sonorités et de timbres, des oppositions entre langage harmonique et contrapuntique enfin. Avec eux se distinguent Kirbye, Farnaby, Bennet, Bateson, Orlando Gibbons (à l'aise surtout dans un registre à la gravité presque religieuse), Tomkins et dix autres qui apportent au genre le meilleur du génie anglais. En fait, nos voisins ont pris ici pour modèle l'Italie, mais bien plus comme genre que comme forme et avec une autonomie de manœuvre et d'accents qu'autorisait la culture élisabéthaine, avec son abondante poésie lyrique, ses traditions de chansons populaires (canons, catches et chansons de taverne) et une école de polyphonie sacrée qui, dans le cas qui nous occupe, recoupe, si on ose dire, ce riche patrimoine profane.
Avec, comme dernier trait distinctif, le parallèle qu'il convient de faire entre madrigal vocal et le répertoire du chant ou air pour voix solo et luth. Les deux genres étant inséparables et complémentaires, pour la plus grande gloire de la musique britannique.