Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
T

tango

Ancienne danse d'Amérique latine dont les origines sont imprécises : rituel noir ou indien ? Rythme populaire mauresque adopté par les Gitans d'Andalousie et ayant, de là, gagné l'Argentine et Cuba où il rejoint la habanera ? Sa forme primitive (mouvement lent et mélodie lascive) lui assignait un pouvoir érotique que les milieux noirs d'Amérique accompagnaient d'une mimique inconvenante. Peu avant la Première Guerre mondiale, le tango gagna (ou regagna) l'Europe, non sans que sa matière « offensante pour la morale » soit temporairement contestée. Son rythme a survécu dans un certain nombre de partitions contemporaines (Stravinski, Chávez, Hába, Hindemith).

Tansman (Alexandre)

Compositeur français d'origine polonaise (Lód'z 1897 – Paris 1986).

Il fit ses études musicales au conservatoire de Lód'z. À vingt ans, il faisait exécuter une Sérénade symphonique de sa composition. Il alla se perfectionner à Varsovie avec Rytel, et suivit en même temps les cours à la faculté de droit. En 1919, il obtint deux prix de composition. La même année, il quitta la Pologne pour la France. À Paris il se rapprocha de Ravel, Roussel, Florent Schmitt, Migot et du groupe des Six.

   Les chefs d'orchestre V. Gloschmann, Koussevitski, Stokowski, Toscanini dirigèrent ses œuvres : Intermezzo sinfonico (1920), Danse de la sorcière (1923), Symphonie en la mineur (1926), concertos pour piano. Il effectua une tournée aux États-Unis en 1927, et en Extrême-Orient en 1932-33. De ces années datent sa Symphonie concertante, sa Partita pour cordes, son ballet la Grande Ville. Pendant la guerre, il vécut à Hollywood où il devint l'ami de Stravinski, dont il avait déjà ressenti l'influence. Il lui consacra un ouvrage (1948), et par la suite écrivit à sa mémoire une Stèle pour voix et instruments (1972).

   Dans le domaine dramatique, il a écrit les opéras la Nuit kurde (1925), le Serment (1954), et l'opéra-comique Georges Dandin d'après Molière.

   Ses références sont diverses : d'où un style qui fait voisiner tonalité, polytonalité et atonalisme. Outre Stravinski, avec lequel il a en commun la rigueur, le dépouillement et l'éclectisme, il a été influencé par Ravel et surtout Milhaud, auquel l'apparentent de fréquentes références à divers folklores.

   Ses origines hébraïques et polonaises ont naturellement trouvé une large place dans son œuvre (Rhapsodie hébraïque, 1932 ; Isaïe le prophète, oratorio, 1951), et l'image de Chopin est présente dans son style pianistique comme dans sa sensibilité : quatre danses polonaises, mazurkas pour piano, Hommage à Chopin. Mais on trouve aussi chez lui l'attrait de l'Orient, avec ses Mélodies japonaises (1919). Il a également écrit de la musique de scène (Huon de Bordeaux, 1923) et de film (Poil de carotte, 1932 ; Paris underground, 1945).

Tappy (Éric)

Ténor suisse (Lausanne 1931).

Il étudie au Conservatoire de Genève jusqu'en 1958. Dès 1959, il crée le Mystère de la Nativité de Frank Martin, puis son Monsieur de Pourceaugnac en 1963. Son timbre et ses moyens vocaux le prédisposent à chanter des oratorios et des opéras baroques. En 1964, il débute à Paris, dans Zoroastre de Rameau. En 1966, il aborde Orfeo et le Couronnement de Poppée à Hanovre. La même année, il crée Pilate de Frank Martin, et en 1973 et 1974, chante la Clémence de Titus à Aix-en-Provence. Il collabore aux productions mozartiennes de Jean-Pierre Ponnelle à Salzbourg. Au Grand-Théâtre de Genève, il s'illustre aux côtés de Teresa Stich-Randall dans les opérettes d'Offenbach, Strauss et Léhar. Depuis 1981, il se consacre à l'enseignement, et dirige l'Atelier lyrique de Lyon de 1980 à 1990.

Tapray (Jean-François)

Organiste et compositeur français (Gray, Haute-Saône, 1738 – Fontainebleau 1819).

Organiste à Dôle, à Besançon (1763), à la chapelle de l'École militaire à Paris (1767), puis à Saint-Louis de Fontainebleau (1768), il fut un des premiers en France à écrire spécifiquement pour le pianoforte.

taqsîm (en arabe et en persan)
ou taksim (en turc moderne)

Improvisation modale instrumentale solo dans les musiques arabes de l'Iran, de la Turquie et dans les musiques assimilées.

Dans les formes archaïques actuelles, le taqsîm illustre sur un pentacorde ou une octave un mode musical (maqâm, dastgâh) avant le chant ou entre deux chants. Il devrait alors être l'expression idéale d'un mode oriental avec ses structures, ses formules mélodico-rythmiques, ses pivots, ses points d'arrêt, ses cadences avant le retour à la finale du mode, et son « ethos » ou rûh. Mais souvent ce taqsîm est un médiocre archétype ou une imitation maladroite des grands solistes instrumentistes.

   L'instrument peut être remplacé par la voix et des mots symboliques ; il s'agit alors d'un layâlî. À un niveau plus évolué, le taqsîm sert de transition entre deux modes successifs d'une suite modale chantée. Le soliste doit alors parfaitement maîtriser l'art de la « modulation » (talwîn en arabe, geçki ou geçis, en turc) selon les règles d'une technique subtile et les usages du bon goût en vue de « moduler » sans brusquerie. À la fin du XIXe siècle, des virtuoses de Syrie ont réhabilité l'improvisation de longues suites modales sur un seul instrument, illustrant à partir d'un mode initial toute une série de modes différents et néanmoins compatibles avant retour au mode initial. Ces longues improvisations en solo impliquent une grande érudition théorique, une parfaite maîtrise technique, un sens aigu de la composition musicale non écrite maintenant un public de connaisseurs sous les effets alternés de la tension et de la satisfaction. À ce niveau, le taqsîm devient un genre valeureux d'expression abstraite et décorative au même titre que les arabesques en architecture.

   Mais le développement des médias a incité des solistes d'Égypte à imposer au monde arabe des taqsîm-s stéréotypés figeant le goût du public. Plus récemment, l'école de luth de Bagdad a confirmé les meilleurs interprètes du taqsîm avec Cherif Muhieddin, Jamîl Bachîr, Munîr Bachîr et Jamîl Ghânim. Le développement des disques et récitals de musique orientale en Occident a favorisé l'essor du taqsîm, mais il a trop souvent permis à de médiocres solistes de briller auprès de publics naïfs plus avides de sensations exotiques que de perceptions critiques ou analytiques.