Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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offertoire

Pièce chantée ou jouée à la messe entre le credo et la préface.

Elle est ainsi nommée en raison des offrandes qu'autrefois les fidèles apportaient solennellement à ce moment, et qui comportaient souvent le pain et le vin destinés à être consacrés. Liturgiquement, l'offertoire est un fragment scripturaire s'appliquant à la fête du jour, lu par le prêtre au début du canon ; il comportait autrefois une antienne assez longue encadrant un ou plusieurs versets de psaume ; le verset a disparu, sauf en certaines circonstances (messe de requiem), laissant subsister la seule antienne. Dans les messes en plain-chant, cette antienne était chantée pendant que le prêtre, après l'avoir lue à voix basse, continuait la messe par la lecture silencieuse du canon. Si le chant était trop court, l'orgue continuait à jouer, et le morceau gardait le nom d'offertoire.

   Souvent aussi on supprimait le chant, et l'orgue (exceptionnellement l'orchestre dans certaines messes très solennelles) jouait pendant tout le temps disponible. L'offertoire devenait ainsi le temps le plus long laissé à la disposition du musicien pendant la messe proprement dite, et en outre le seul moment où il n'était tenu par aucune obligation particulière de style, de sorte que, dans les messes d'orgue des XVIIIe et XIXe siècles, il est, avec la sortie, le morceau le plus développé et souvent le plus brillant.

   Dans la messe postconciliaire de Paul VI, l'offertoire musical se voit très réduit et parfois supprimé par la récitation du canon à voix haute.

office

Nom générique donné à l'ensemble des célébrations du culte ou à chacune d'elles. L'office catholique comprend, outre la messe, le chant ou la récitation des heures et diverses cérémonies ou réunions pieuses plus ou moins codifiées par l'usage, telles que salut du saint sacrement, récitations de chapelet, etc., ainsi que des cérémonies particulières propres à certaines fêtes (ex. le lavement des pieds le jeudi saint). À l'exception des vêpres et complies, auxquelles les fidèles étaient souvent conviés sans obligation les dimanches et fêtes, l'office des heures concerne surtout la liturgie monacale, les prêtres séculiers se contentant de le lire à voix basse dans le bréviaire.

office de ténèbres

Office de matines des trois jours de la semaine sainte (jeudi, vendredi, samedi) correspondant à la Passion et à la mort du Christ, dans la liturgie catholique romaine.

Chacun des trois offices comprenait trois antiennes, trois leçons (ou lectures) et trois répons. Les leçons étaient extraites des Lamentations de Jérémie, et une très ancienne tradition voulait que la première lettre de chaque verset en soit chantée : le poème hébraïque était acrostiche, la première lettre de chaque verset correspondant à une lettre de l'alphabet. On a ainsi continué, dans la version grégorienne, à vocaliser aleph, beth, ghimel…

   L'office de ténèbres commençait à minuit et se déroulait primitivement jusqu'à l'aube. Un symbolisme de la lumière accompagnait son déroulement, les luminaires étant éteints progressivement (d'où le nom de ténèbres donné à la cérémonie). On prit ultérieurement, par commodité, l'habitude de célébrer l'office dans l'après-midi du jour précédent, l'office du jeudi devenant « ténèbres du mercredi » et ainsi de suite.

   Cet office, en raison de la beauté dramatique de son texte poétique et du caractère un peu spectaculaire de la liturgie, fut toujours très suivi, mais à partir de la Renaissance, il donna lieu à une floraison d'œuvres, d'abord polyphoniques (Dufay, Arcadelt, Sermisy, Cr. de Morales, Victoria, Lassus, Palestrina. W. Byrd, Tallis, Gesualdo…) puis monodiques (Galilei, Carissimi, Cesti, Frescobaldi, Allegri, Stradella…). En France, le compositeur d'airs de cour Michel Lambert donna aux Leçons de ténèbres un caractère particulier, mêlant déclamation musicale et profusion ornementale : ce caractère reste attaché aux œuvres de M. A. Charpentier, Couperin, Brossard, Delalande, Nivers.

Ohana (Maurice)

Compositeur français (Casablanca 1914 – Paris 1992).

Sa famille était originaire d'Espagne ­ Ohana est le nom d'un village andalou. Initié par sa mère au cante jondo, il a, aussi, tout enfant, au Maroc, écouté les improvisations des musiciens berbères.

   De 1927 à 1931, il reçoit à Bayonne sa première formation musicale en même temps qu'il poursuit ses études secondaires. En 1932, il étudie l'architecture à Paris, travaille le piano sous la direction de Lazare Lévy, et, dès 1936, donne son premier récital. De 1937 à 1940, il est, à la Schola cantorum, l'élève de Daniel-Lesur, qui lui enseigne à la fois l'harmonie et le contrepoint, deux disciplines qui, selon son maître, ne doivent pas être séparées. L'art de Maurice Ohana devra beaucoup à cette méthode. En 1940, la guerre interrompt ses travaux. Maurice Ohana retrouve en 1944, à Rome, un milieu musical, celui de la jeune école italienne, groupée autour d'Alfredo Casella. Cette année-là, il compose ses premières œuvres pour piano, la Sonatine monodique (1945) et le premier des 3 Caprices (1944-1948), Enterrar y callar, dont le titre est emprunté à Goya. Revenu à Paris en 1947, il fonde avec quelques amis, Stanislas Skrovatcheski, Sergio de Castro, Pierre de la Forest Divonne, Alain Bermat, le groupe du Zodiaque, qui se donne pour objectif de défendre la liberté du langage.

   À une époque où la musique sérielle a encore force de dogme, Maurice Ohana affirme son indépendance dans le Llanto por Ignacio Sanchez Mejias, qui est créé en 1950 sous la direction de Georges Delerue. On y reconnaît deux points d'ancrage : Manuel de Falla pour l'économie orchestrale, le cante jondo pour l'expressivité de la partie vocale ; mais Maurice Ohana, en communion étroite avec le poème de Federico García Lorca, découvre les éléments d'un langage personnel qu'il ne fera, dès lors, qu'approfondir, enrichir, diversifier. Il écrit en 1952, pour Maurice Béjart, son premier ballet, les Représentations de Tanit (créé en 1956), et sa première musique de scène pour Monsieur Bob'le, de Georges Schéade (Suite pour un mimodrame). Les Cantigas (1953-54) et les Études chorégraphiques, pour percussion (1955) confirment son attachement à la tradition espagnole la plus ancienne et aux rythmes africains, en même temps que son aversion pour un intellectualisme où la sensualité sonore et l'engagement corporel n'auraient pas de part. Dans une musique radiophonique pour les Hommes et les autres d'Elio Vittorini (1955), Maurice Ohana utilise pour la première fois les tiers et les quarts de ton, et, en illustrant le Guignol au gourdin (1956), une farce pour marionnettes de Federico García Lorca, il est un des premiers à découvrir la poétique de ce qu'on nommera bientôt le « théâtre musical ». Une autre étape est franchie avec le Tombeau de Claude Debussy, écrit en 1962, une œuvre où les micro-intervalles et les sonorités qui donnent à l'orchestre de Maurice Ohana sa couleur originale s'agencent et se fondent, définissant une écriture, un style.

   Dans les Cinq Séquences pour quatuor à cordes, le compositeur poursuit, en 1963, son exploration de l'univers sonore compris entre les notes de la gamme tempérée, puis, utilisant une guitare à 10 cordes plus riche en sons harmoniques que la guitare classique, il écrit en 1964, à l'intention de Narciso Yepes, 1 suite de 5 pièces, dont le titre, Si le jour paraît, est, une nouvelle fois, emprunté à Goya. Signes, pour une petite formation instrumentale (1965), Synaxis, pour 2 pianos, percussion et orchestre (1966), le Syllabaire pour Phèdre, opéra de chambre (1967), s'inscrivent dans le même domaine de recherches. Cris, pour chœur a capella, inaugure, en 1968, une nouvelle étape créatrice à laquelle l'expérience de la musique électroacoustique n'est pas étrangère, étape marquée également par la marge de liberté laissée aux interprètes. Autodafé, créé en 1971 aux choralies de Vaison-la-Romaine et représenté l'année suivante à l'Opéra de Lyon, est une fresque historique, qui bouscule l'ordre chronologique et qui apparaît, en définitive, comme un jeu où l'on brûlerait « tout ce qui contraint, menace et emprisonne, pour entrevoir un moment la vie telle qu'elle pourrait être ». Tout bascule, tout sombre dans cet univers que surplombe une lumière très intense, mais cette vision tragique de la vie, à laquelle s'oppose un humour salubre, est tout le contraire d'un pessimisme morose. Hommage à Frédéric Chopin, les Vingt-Quatre Préludes pour piano apparurent, lors de leur création le 20 novembre 1973, par Jean-Claude Pennetier, comme une des œuvres majeures de Maurice Ohana, de même que, en 1976, l'Anneau de Tamarit, pour violoncelle et orchestre, inspiré par le dernier recueil de poèmes de Federico García Lorca, et le Lys de madrigaux, pour voix de femmes et ensemble instrumental. Créée à Avignon en 1977, la Messe, pour chœur, solistes et ensemble instrumental restitue, dans un langage de notre temps, l'esprit de la liturgie des premiers âges de la chrétienté. L'année suivante, les Trois Contes de l'Honorable Fleur témoignent de la liberté poétique du compositeur, plus que jamais à l'aise dans l'imaginaire ainsi que le confirme, en 1979, mais aux dimensions de grand orchestre, le Livre des prodiges. Et, c'est encore une œuvre d'une vitalité poétique intense, un Concerto pour piano et orchestre, qui illustre l'année 1981. Le Quatuor à cordes no 2 est de 1980, le Quatuor à cordes no 3 de 1990. En 1988 a été créé à Paris l'opéra la Célestine, en 1991 à Évian le Concerto pour violoncelle no 2 « In Dark and Blue » et en 1992 à Aix-les-Bains Avoaha pour chœur à 36 ou 48 voix, percussion et 2 pianos.