Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Dufour (Denis)

Compositeur français (Lyon 1953).

Très fécond, il s'illustre aussi bien dans le domaine de la musique « acousmatique » (électroacoustique) que dans celui de la musique instrumentale, mais c'est dans la première qu'il reste le plus réputé, grâce à des œuvres comme la « suite concrète » Bocalises (1977, à partir de sons tirés de bocaux de verre), ou la Messe à l'usage des vieillards (1986-87), une de ses nombreuses pièces « parlées » intégrant des textes de l'écrivain Tom Aconito. Son style très volubile est caractérisé par une grande invention sonore sur le plan du détail, inscrite dans des formes souvent larges et détendues, presque nonchalantes. Membre de l'I.N.A.-G.R.M. (Groupe de recherches musicales), il a également joué un rôle significatif comme professeur de composition au C.N.R. de Lyon et à Perpignan, et a lancé le festival de musique acousmatique « Futura ».

Dufourcq (Norbert)

Musicologue français (Saint-Jean-de-Braye 1904 – Paris 1990).

Élève d'André Marchal et d'Amédée Gastoué, archiviste-paléographe (1928), docteur ès lettres (1935), professeur d'histoire de la musique au Conservatoire de Paris (1941-1975), organiste de l'église Saint-Merri depuis 1923, Norbert Dufourcq apparaît à la fois comme un spécialiste et comme un généraliste. Par ses travaux personnels et par ceux qu'il a suscités, le spécialiste ­ qui dirige les revues l'Orgue et Recherches sur la musique française classique, et a publié les œuvres de Nivers, Dornel, Titelouze, Clérambault, Daquin, Raison et Lebègue ­ a largement contribué à remettre en valeur l'immense patrimoine de la musique française des XVIIe et XVIIIe siècles. Le généraliste a dirigé d'importants ouvrages collectifs (Larousse de la musique, 1957). Il est, pour la collection Que sais-je ?, directeur des ouvrages d'histoire et de technique musicales et a lui-même écrit dans cette série plusieurs volumes : l'Orgue (1948), le Clavecin (1949). Ses livres sur l'orgue et sur Bach (Esquisse d'une histoire de l'orgue… et Documents inédits…, 1935 ; J.-S. Bach, le maître de l'orgue, 1948 ; le Livre de l'orgue français. 1589-1789, 1969-1982) et son Histoire de la musique française (1949) témoignent de son esprit de synthèse.

Dufourt (Hugues)

Compositeur français (Lyon 1943).

Il a fait des études universitaires dans sa ville natale, a étudié le piano au conservatoire de Genève, et, de 1965 à 1970, a travaillé la composition avec Jacques Guyonnet et a collaboré avec ce dernier au Studio de musique contemporaine de Genève tout en participant, à Lyon, à l'organisation des concerts du groupe Musique du temps. En 1968, il eut la charge des concerts de musique contemporaine au théâtre de la Cité de Villeurbanne. Agrégé de philosophie en 1967, il a été maître-assistant à l'université Jean-Moulin de Lyon (1971-1979). Il a été ensuite chargé de recherche au C. N. R. S. (1979-1984).

   Il a été un des responsables du groupe de l'Itinéraire, et a participé en 1977 à la fondation du Collectif de recherche instrumentale et de synthèse sonore (C. R. I. S. S.).

   Attiré à la fois par les problèmes de la grande forme dynamique et de la lutherie électronique, ce qui le fait s'intéresser en particulier, parmi les maîtres de la première moitié du XXe siècle, à Igor Stravinski et à Edgard Varèse mais aussi à Jean Sibelius, Hugues Dufourt est de ceux qui considèrent que la composition musicale doit aller de pair avec la réflexion théorique, et qui refusent l'incompatibilité entre le parti pris technologique et la capacité de créer et de raisonner.

   Entre autres tâches ambitieuses, il assigne à la musique d'aujourd'hui celle de maîtriser les nouvelles sonorités ­ pas seulement l'électroacoustique, mais aussi, voire surtout, les sonorités nées de l'essor prodigieux de la pratique instrumentale ­ par le biais de l'écriture, et de parvenir ainsi à de nouveaux principes d'organisation formelle.

   Son œuvre la plus ancienne est Brisants pour piano et 16 instrumentistes (1968). Mura della città di Dite (1969) ­ au titre emprunté à Dante (Dite, nom de Lucifer, désigne par extension la cité maudite enfouie au centre de la Terre, monde clos où s'abolit la raison du monde) ­ est une assez brève partition pour 17 instrumentistes (quintette à cordes, vents, percussions, harpe et orgue électronique) en deux parties de caractère opposé, la première heurtée et la seconde immobile. Down to a Sunless Sea pour 16 cordes (1970), au titre extrait d'un poème de Coleridge, est un ouvrage à la mémoire de Carpaccio, écrit « en me remémorant les ors de Venise et l'éclat de sa lagune » (H. Dufourt). Suivit Dusk Light pour 4 chanteurs et 16 instrumentistes (1971). Au festival de Royan de 1977 furent créés Erewhon, vaste « symphonie » pour 150 instruments à percussion (1972-1976), et l'Orage (La Tempesta) d'après Giorgione pour flûte contrebasse et basse, cor anglais et hautbois, clarinette contrebasse et basse, trombone, orgue électrique, vibraphone et guitare électrique (1976-77). Centrée sur des timbres insolites et graves et sur leur expansion volumétrique, cette dernière œuvre s'inspire des structures de dédoublement du tableau de Giorgione. Antiphysis, pour flûte principale et orchestre de chambre (1978), fut créé au festival de La Rochelle de 1978 dans le cadre du concours de flûte pour la musique contemporaine. Sombre Journée, pour 6 percussionnistes (1976-1977), créé en 1979, faisait à l'origine partie d'Erewhon. Dans Saturne, pour ensemble d'instruments électroniques, 6 percussionnistes et ensemble d'instruments à vent (1979), sorte de monument à la gloire de l'Itinéraire, sont réunis les trois familles instrumentales qui pour le compositeur ont le plus contribué au renouvellement du matériau sonore.

   Surgir,pour grand orchestre (1980-1984), hommage à Pierre Boulez pour son 60e anniversaire, résulte d'une commande de l'Orchestre de Paris (création en 1985). Suivirent la Nuit face au ciel, trois pièces en sextuor pour 6 percussionnistes (1984), élément d'une création collective née dans le cadre du Centre Acanthes ; la Mort de Procris pour 12 voix mixtes a cappella (1986), inspirée de Piero di Cosimo ; l'Heure des traces pour 20 instrumentistes (1986), titre emprunté à une sculpture d'Alberto Giacometti ; Hommage à Charles Nègre pour sextuor (1986), musique du film Quai Bourbon, inaugurant avec les deux pièces précédentes, également de 1986, la période « après-Surgir » du compositeur, qui rejoint son monde dit « de jeunesse » ; Plus-oultre pour percussion soliste (1990), où il est à nouveau question de « franchissement des limites » ; L'île sonnante pour percussion et guitare électrique (1990), au titre inspiré de Rabelais ; Noche oscura en quatre parties pour six voix d'hommes a cappella d'après un poème de saint Jean de la Croix (1991) ; le Philosophe selon Rembrandt pour orchestre (1987-1992), deuxième du cycle de quatre pièces pour orchestre actuellement en chantier (cycle des Hivers) ; Quatuor de saxophones (1993) ; The Watery Star pour octuor (1993), d'après The Winter's Tale de Shakespeare, œuvre empreinte de « poétique minimaliste » ; An Schwager Kronos pour piano (1994), pièce marquée par la virtuosité ; Dédale, opéra en trois actes sur un livret de Myriam Tanant (Lyon, 1995) ; l'Espace aux ombres pour ensemble (1995).

   Directeur de recherche au C. N. R. S. depuis 1985, Hugues Dufourt est devenu en 1982 directeur du Centre d'information et de documentation « Recherche musicale » (C.I.D.R.M.), unité mixte du C. N. R. S. bénéficiant du soutien de l'École normale supérieure, de la Direction de la musique au ministère de la Culture et de la Direction de la recherche au ministère de l'Éducation nationale. Il dirige depuis 1989 la formation doctorale « Musique et Musicologie du XXe siècle », accréditée par l'École des hautes études en sciences sociales de Paris et aidée par l'unité pédagogique de l'I.R.C.A.M. Il a soutenu en 1991 sa thèse de doctorat en philosophie et est l'auteur de nombreux écrits dont Musique, Pouvoir, Écriture (1991).