Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
V

Visée (Laurent Robert de)

Compositeur et joueur de théorbe français ( ? v. 1650 – ? v. 1725).

On suppose qu'il fut l'élève de l'Italien Francesco Corbetta, auquel il dédia par la suite un Tombeau. Il a publié trois livres d'œuvres pour la guitare (1682, 1686, 1689). Ainsi qu'il ressort de la préface de son premier livre, dédié à Louis XIV, il était fréquemment invité à se produire devant le roi et le dauphin. En 1709, il fut nommé chanteur de la Chambre. De 1719 à 1721, il fut maître de musique du roi, poste auquel son fils François lui succéda. Les œuvres de Robert de Visée sont des suites constituées de morceaux usuels (allemande, courante, sarabande, gigue), mais se terminant habituellement par une gavotte, une bourrée ou un menuet.

Vitali

Famille de compositeurs italiens.

 
Giovanni Battista (Bologne 1632 – Modène 1692). Élève de Maurizio Cazzati, il fut maître de chapelle de San Rosario à Bologne, puis s'établit à Modène, où il dirigea la chapelle du duc d'Este de 1684 jusqu'à sa mort. Il composa des oratorios et des cantates, et surtout de la musique instrumentale nourrie d'influences diverses.

 
Tommaso Antonio, dit Vitalino, (Bologne 1663 – Modène 1745). Fils du précédent, il débuta à douze ans comme violoniste de la chapelle ducale de Modène. Son œuvre de compositeur est peu abondante, mais il forma de nombreux disciples dont son propre fils Fausto, maître de chapelle de la cour pendant un quart de siècle.

Vitali (Filippo)

Compositeur et chanteur florentin (fin du XVIe siècle – Florence ? 1653).

Il fut chantre de la chapelle pontificale, puis dirigea la chapelle ducale de San Lorenzo à Florence à partir de 1642. Il fut aussi maître de chapelle à Bergame en 1648-49 et laissa un certain nombre de pièces vocales, tant religieuses que profanes.

vivace (ital., « vivement », « avec vivacité »)

Employé seul ou associé à une indication de tempo, ce terme prescrit une exécution de caractère enjoué.

Vivaldi (Antonio Lucio)

Compositeur italien (Venise 1678 – Vienne 1741).

Fils d'un violoniste attaché à la basilique Saint-Marc de Venise, violoniste lui-même, il fut tonsuré à quinze ans et ordonné prêtre à vingt-cinq. Atteint d'une maladie chronique que l'on suppose être de l'asthme, celui que Venise surnomma « le Prêtre roux », en raison de sa blondeur « vénitienne », sut se faire exempter de ses devoirs ecclésiastiques dès 1703 et put, dès lors, se consacrer à la composition et à l'enseignement. Nommé responsable musical à la Pietà (hospice réservé aux orphelines et enfants illégitimes de la ville), il devait, en dépit d'interruptions parfois très longues (plus de deux ans à Mantoue entre 1718 et 1720), rester fidèle à cette fonction jusqu'en 1740.

   Il voyagea pourtant de plus en plus comme virtuose et compositeur (Rome, 1722 et 1724, où il joua devant le pape ; probablement Dresde et Darmstadt ; sûrement Amsterdam, où l'essentiel de son œuvre fut publié ; Florence, Prague, Vienne, enfin, où il mourut, oublié et dans la misère). À la Pietà, il devait former des élèves, entretenir un orchestre (vite réputé dans l'Europe entière), et composer à l'intention des concerts publics que l'hospice offrait le dimanche.

   À ces occupations, déjà considérables pour un homme se plaignant sans cesse de sa santé vacillante, il ajouta, dès 1713, une débordante activité d'impresario et de compositeur d'opéras, domaine dans lequel il acquit une autorité suffisante pour susciter des rivalités tenaces et même un pamphlet, rédigé contre lui par Benedetto Marcello (Il Teatro alla moda, 1720).

   Cette consécration dans tous les genres (car il fut également fécond en matière de musique religieuse) devait conférer au compositeur une gloire internationale sans doute sans précédent dans l'histoire de la musique. Tous les touristes passant par Venise cherchèrent à voir et à entendre le « Prêtre roux », de Edward Wright au violoniste Pisendel en passant par le flûtiste J. J. Quantz, l'épistolier De Brosses ou le roi Frédéric IV du Danemark. Ainsi possédons-nous de nombreux et précieux témoignages sur ce qu'était la vie musicale à Venise dans la première moitié du XVIIIe siècle et sur l'effet électrisant du jeu et des créations de Vivaldi. Nombre de ses partitions publiées furent ainsi dédiées à des grands de ce monde : Ferdinand III de Toscane (L'Estro armonico, 1711), le comte Morzin (Il Cimento dell'armonia e dell'invenzione, 1724, recueil contenant les Quatre Saisons), Charles VI de Habsbourg (La Cetra, 1728). Recueils imprimés et copies manuscrites (notamment des Concertos) de Vivaldi circulèrent dans toute l'Europe jusque vers 1750, et on sait que Jean-Sébastien Bach conçut pour ces œuvres, à partir de 1720 semble-t-il, un enthousiasme tel qu'il en recopia ou en transcrivit un grand nombre (la plus connue et la plus intéressante de ces transcriptions étant celle du Concerto pour quatre violons op. 3 no 10 en Concerto pour quatre claviers BWV 1065), assurant ainsi, sans l'avoir recherché, la survie de l'œuvre de son modèle.

   Il semble que, tout au long de sa vie, Vivaldi ait été considéré comme un artiste hors des normes, volontiers extravagant, voire scandaleux (ses ennemis avaient matière à se répandre en ragots, notamment sur son goût affiché pour l'argent et l'éclat, sur ses amours vraies ou supposées avec une mezzo-soprano nommée Anna Giro, fille d'un perruquier français nommé Giraud, et pour laquelle il écrivit nombre de pages vocales). Ce tapage entretenu à Venise autour de son personnage explique-t-il son éclipse subite et sa mort misérable dès qu'il eut commis l'imprudence de quitter l'Italie, où les commentaires suscités par sa personne servaient de publicité à sa musique ?

   L'importance de son œuvre instrumentale, idéalement symbolisée par la série de quatre concertos suggérés par les Quatre Saisons, vient de l'autorité avec laquelle il sut rejeter le concerto grosso de Corelli pour imposer très vite la forme plus brève (huit à dix minutes) du concerto pour soliste en seulement trois mouvements symétriques (vif-lent-vif). Soliste lui-même, Vivaldi pratiqua tout naturellement cette forme concertante, alors que la sonate, la symphonie ou le quatuor étaient également à la veille de naître. Esprit aventureux, oreille exceptionnelle, virtuose intrépide improvisant volontiers, chef d'orchestre aussi (l'un des premiers de l'histoire), Vivaldi consacra tout son génie à découvrir sans cesse de nouvelles combinaisons rythmiques et harmoniques et des alliages imprévus d'instruments, à donner un rôle de premier plan aux personnages nouveaux destinés à se faire une place dans l'orchestre, comme le violoncelle (vingt-sept concertos) ou le basson (trente-neuf), sans oublier le hautbois ni la flûte, qu'il traite toujours de façon très personnelle, voire d'autres instruments plus marginaux encore, comme la mandoline ou l'orgue. Des pratiques de Saint-Marc, il hérita en outre le goût de faire dialoguer plusieurs « chœurs » d'instruments.

   Ces dons d'invention et les côtés descriptifs de sa musique (dans de nombreuses pages intitulées le Chardonneret, la Tempête en mer ou les Saisons) placent Vivaldi à l'origine du concept moderne d'« orchestration ». Personne avant lui, en effet, ne s'était soucié à ce point de la couleur et de la spécificité mélodique de chaque instrument, et donc de leur disposition à la fois dans le déroulement de l'œuvre et dans l'espace au moment de l'exécution. D'où par exemple des effets de « masque » ou d'écho sciemment mis en œuvre (peu soucieux de ces spécificités, ne songeant qu'à la riche neutralité polyphonique et n'ayant comme souci que d'enrichir l'harmonie, Bach commit dans ses transcriptions le contresens de modifier l'instrumentation).

   Seul avant le romantisme, l'œuvre de Haydn devait manifester des intentions analogues. Or Haydn fut vers 1760 le musicien des Morzin, avec lesquels Vivaldi avait été très lié : il semble dès lors probable que le jeune musicien autrichien ait étudié les œuvres du Vénitien alors que ce dernier était déjà tombé dans l'oubli. Ce qui est sûr, c'est que Haydn put trouver les Quatre Saisons dans la bibliothèque musicale du prince Esterházy.

   Cette préoccupation constante de Vivaldi de donner un maximum de vie à tous les instruments se traduit, dans les mouvements vifs, par une grande alacrité de rythmes qui donne tout leur éclat à environ huit cents œuvres dont, immédiatement, on identifie l'auteur. Les mouvements lents sont d'une intensité dont on trouve confirmation dans la production religieuse de Vivaldi, où s'intercalent des chœurs fiévreux et de longs solos vocaux de caractère parfois extatique.

   On a retrouvé trace de plus de quatre-vingt-dix opéras de la main de Vivaldi (ou auxquels, selon les habitudes du temps, il a participé partiellement). Ces œuvres dramatiques abordent tous les climats expressifs, de l'aventure profane au récit féerique en passant par l'histoire biblique, traitée dans un style noble pouvant rivaliser avec celui des oratorios de Haendel. Juditha triumphans, par exemple, peut être envisagé soit comme opéra, soit comme « oratorio militaire et sacré », ainsi que l'indique le sous-titre du manuscrit daté de 1716. Tout comme la musique religieuse, l'opéra vivaldien doit désormais être exploré avec autant d'attention que l'a été sa musique purement instrumentale.

   L'engouement des musiciens et du public envers Vivaldi depuis 1945 semble à la longue avoir nui à l'idée qu'on doit se faire d'un créateur d'une telle envergure. Le fait que le Vénitien ait été pratiquement oublié jusqu'aux travaux de Marc Pincherle (entrepris en 1913) n'est sans doute pas étranger au fait qu'on ait souhaité tout réentendre. Aussi est-il temps désormais d'épurer et de remodeler, notamment en direction de l'œuvre vocale, un répertoire instrumental inutilement pléthorique, afin de restaurer Vivaldi dans son authenticité, dans sa diversité et dans sa grandeur à la fois extatique et réjouie, panthéiste et péremptoire.