Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
E

enregistrement (suite)

Le procédé des impulsions codées (« PCM »)

Procédé très complexe dérivé de l'informatique, il consiste à traiter le signal électrique fourni par les microphones de prise de son, sous forme de séries d'impulsions enregistrées en « tout-ou-rien ». L'amélioration de qualité du signal provenant du magnétophone (spécial) d'enregistrement est spectaculaire (dynamique, spectre de fréquences, séparation entre canaux, absence de pleurage). Ce signal peut être gravé sur disque par les techniques conventionnelles ; les disques ainsi réalisé sont sensiblement meilleurs que les autres, mais la matière même du disque et la lecture par frottement d'une pointe dans le sillon en limitent les performances.

Le disque compact

Le procédé des impulsions codées a pu être étendu à l'ensemble des techniques de prise de son et d'enregistrement sonore, ainsi qu'à la gravure et à la lecture du disque, faisant entrer celui-ci dans l'ère nouvelle ouverte par l'application à la reproduction sonore des techniques de numérisation utilisées en informatique. Le signal acoustique n'est plus reproduit par une inscription continue le reproduisant analogiquement à lui-même, mais, comme pour une image en télévision, par le truchement d'une analyse point par point qui en permet ensuite la reconstitution. Une fois transformé en signal électrique, le son est analysé à intervalles de temps réguliers très rapprochés, par « échantillons ». Sa valeur instantanée, à chaque prise d'échantillon, est mesurée et traduite en un nombre exprimé en numération binaire, c'est-à-dire à l'aide de 0 et de 1, éléments ou « bits », en un « mot » de 14 bits, 16 bits ou davantage. Plus long est le mot, meilleure est la « résolution », donc plus grande la finesse dans le rendu sonore. Le standard adopté a retenu une fréquence d'échantillonage de 44,1 kHz (c'est-àdire 44 100 échantillons par seconde), et une résolution de gravure de 16 bits.

   La gravure de l'information sur un support ne consiste plus en la déformation mécanique d'une matière sous l'effet d'une modulation, mais en l'inscription de signaux élémentaires s'opposant à l'absence de signal, dont rend compte un relief de « creux » et de « bosses » à la surface du disque. Ce profil binaire est inscrit par gravure électrochimique sur un support argenté réfléchissant, en une spirale se développant du centre vers l'extérieur du disque, de 0,5 micron de largeur (un demi-millième de millimètre). La surface est protégée mécaniquement par une couche transparente plastique dure, d'un millimètre d'épaisseur. Cette technique permet la fabrication industrielle des disques par pressage.La lecture s'opère à vitesse linéaire constante, au moyen d'un rayon lumineux (laser) dont la modulation, après réflexion sur la surface du disque, est transformée en signal électrique par un préamplificateur-décodeur approprié, signal ensuite traité par la chaîne de reproduction sonore traditionnelle (amplificateur, enceintes acoustiques). Outre ceux des informations musicales, le disque porte un certain nombre d'autres signaux, notamment de durée, d'identifications diverses, d'asservissement de sa vitesse de rotation, ainsi que de systèmes très complexes de protection de données et de correction des erreurs.Mis au point en Europe par les laboratoires de la firme Philips, sous la direction de Jaap Sinjou, et au Japon par ceux de Sony, sous la direction de Toshi Tada Doi, le nouveau petit disque « compact », ou CD (pour Compact Disc), a été présenté officiellement en 1980. L'adoption d'une normalisation internationale unique en a permis un succès très rapide, dès qu'ont été miniaturisés les matériels de lecture encore extrêmement volumineux à l'époque du fait de la complexité des circuits convertisseurs, et perfectionnées les très délicates techniques de fabrication des disques. Les premiers produits, disques et platines de lecture, sont apparus sur le marché en 1982. En moins de dix ans, ils avaient totalement supplanté le disque « noir », ou microsillon, de quelque standard qu'il se réclame. Peut-être pas définitivement, d'ailleurs, dans la mesure où quelques perfectionnistes, reprochant une certaine absence de « naturel » aux sons ainsi reconstitués, restent fidèles à la technique analogique du microsillon que certains fabricants ont recommencé à produire en petites quantités.

   Ce sont là les inconvénients (provisoires ?) dont se paient les avantages évidents du nouveau disque. Plus grand confort d'écoute, par une durée accrue (75 à 80 minutes environ, en stéréophonie, soit deux fois plus de temps sur une seule face que les deux faces d'un disque microsillon), plus grand réalisme, grâce à la disparition du bruit de fond et des bruits de surface ­ le disque compact est silencieux ­, se traduisant par une dynamique considérable (96 dB). Avantages matériels, également : petites dimensions (diamètre de 12 cm), manipulation entièrement automatisée, disparition de l'usure et de la détérioration causée par la lecture à la surface des fragiles disques « noirs ». Gain économique, enfin, puisque, à durée égale, le prix de revient du disque compact s'est rapidement révélé inférieur à celui du microsillon.

   Ce constat contredit les craintes légitimement manifestées lors du lancement du disque compact. On pouvait en effet supposer que l'extrême complexité de la fabrication du nouveau disque entraînerait un coût de production prohibitif, mais l'énormité du marché mondial a permis un amortissement très rapide des investissements initiaux, et les enjeux économiques ont suscité de rapides progrès industriels. Coût et complexité risquaient de concentrer la fabrication des disques dans les mains de quelques grandes compagnies multinationales, bloquant ainsi la route aux petits producteurs indépendants ; or, l'apparition d'usines de sous-traitance a permis au contraire un accès plus aisé à la réalisation des disques. Enfin, les scientifiques pouvaient également redouter que le standard adopté figerait la technique sans espoir d'amélioration possible ; l'ingéniosité des chercheurs à permis, là encore, de surmonter ce réel obstacle.

   Contrairement à ces prévisions pessimistes, la mise sur le marché du disque compact a provoqué une relance spectaculaire, pour plusieurs années, d'une branche économique alors en perte de vitesse ; elle a suscité l'apparition de nombreuses petites maisons d'édition, et surtout provoqué un accroissement considérable des catalogues d'enregistrements, à la fois en œuvres inédites et en artistes inconnus.

   L'application à la reproduction sonore de la technique numérique déjà utilisée, non seulement dans la reproduction des images, mais plus généralement pour l'ensemble du traitement des informations, ouvre à ce domaine des perspectives imprévisibles. Le petit disque compact n'est lui-même qu'une étape éphémère dans l'histoire de la transmission de la musique, avant le disque enregistreur effaçable, le développement du disque audiovisuel d'informations (CD-ROM), des chaînes multimédia interactives ou l'accès à de multiples banques de données spécialisées (Internet) sur les autoroutes de l'information.