Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
S

sensible

Nom donné depuis le XVIIe siècle environ au 7e degré de la gamme, lorsqu'il est situé 1/2 ton en dessous de la tonique, ce qui, dans la conception classique, crée attraction vers sa « résolution » sur cette tonique. Situé à plus d'1/2 ton, par exemple en mineur descendant, ou dans les modes de ou la, le 7e degré n'est plus une sensible, mais une sous-tonique. On étend aujourd'hui le terme de sensible à tout degré situé à distance minimum (1/2 ton en tempéré, mais ce peut être moins dans d'autres systèmes) sous un degré fort dont il subit l'attraction (par ex. sensible de dominante, c'est-à-dire 4e degré haussé par attraction de la dominante). Mais on n'emploie guère le mot que si l'attraction est ascendante, bien qu'il existe aussi des attractions descendantes de nature analogue.

septième

1. Intervalle produit entre deux notes, dont les noms, départ et arrivée compris, et quelle que soit la grandeur de l'intervalle, se suivent en montant à une distance de 7 degrés (par exemple, do [ré-mi-fa-sol-la-] si). La septième peut être majeure (do-si), mineure (do-si bémol) ou diminuée (do dièse-si bémol). Son « renversement » (même nom de notes, mais en descendant) est la seconde.

2. Note formant avec la note la plus grave d'un accord un intervalle de septième.

3. On appelle accord de 7e un accord dans lequel figurent à la fois une fondamentale et sa 7e. Un tel accord, en harmonie classique, est toujours formé d'une série de notes, quel qu'en soit l'agencement, dont les noms peuvent s'énoncer par tierces à partir de la fondamentale de l'accord (par exemple, si-fa-sol-ré = sol-si-ré-fa), mais il s'agit là d'une particularité pédagogiquement commode, non d'une caractéristique déterminante de la nature de l'accord, car celui-ci est en réalité composé non de tierces superposées (sol-si + si-ré + ré-fa), mais de quinte + tierce + septième (sol-ré + sol-si + sol-fa). Cette erreur d'analyse a longtemps sévi et a entraîné les plus graves perturbations dans la théorie.

   On appelle accord de 7e naturelle l'accord de 7e qui, dans un ordre ou dans un autre, reproduit dans ses intervalles le modèle du tableau des harmoniques (sons nos 1 à 7, soit accord parfait majeur + 7e mineure, l'harmonique 7 étant assimilé à la 7e tempérée, malgré une certaine marge d'intonation, en vertu du phénomène de tolérance, par exemple sol-si-ré-fa). L'accord de 7e naturelle prend le nom de 7e de dominante, en harmonie classique, lorsqu'il est placé sur le 5e degré de la tonalité, et dans ce cas seulement. Il est abusif de généraliser le terme comme on le fait parfois fautivement par confusion entre terminologie de nature et terminologie de fonction. De plus, l'harmonie scolaire a longtemps considéré l'accord de 7e naturelle comme dissonant, considérant à tort la 7e comme une dissonance « ajoutée » à l'accord parfait et exigeant sa résolution au 1/2 ton inférieur ; cette « obligation » est aujourd'hui beaucoup plus nuancée, mais la théorie porte encore le poids de toutes ces erreurs d'analyse, dont le principe remonte à une défaillance de Rameau.

   Les accords de 7e autres que l'accord naturel rentrent dans la catégorie des accords artificiels ou analogiques, et prennent des noms divers, dans l'usage desquels règne parfois un certain flottement. Du fait de leur classification en « espèces » numérotées, les traités leur donnent parfois le nom barbare de « 7e d'espèces ». Ils sont nombreux, et on en trouve à la fois nomenclature et fonction tonale si, après avoir dressé un tableau des 4 gammes classiques (1 majeure, 3 mineures), on y relève les différentes 7e possibles avec leurs altérations. Les principaux sont les accords de 7e majeure (do-mi-sol-si = parfait majeur + 7e majeure), 7e mineure (do-mi bémol-sol-si bémol = parfait mineur + 7e mineure) et de 7e diminuée (do dièse-mi-sol-si bémol = quinte diminuée + 7e diminuée). Dans ces 3 accords, toutes les composantes ont même qualification que le nom global de l'accord, ce qui en facilite la mémorisation.

   On trouve aussi les accords de 7e sur mineur (c'est-à-dire 7e majeure sur parfait mineur : do-mi bémol-sol-si bécarre), et de 7e mineure sur diminué (c'est-à-dire 7e mineure sur quinte diminuée : do dièse-mi-sol-si bécarre). Ce dernier accord prend le nom de 7e de sensible lorsqu'il est placé sur la sensible (7e degré) du ton, exemple en do, si-ré-fa-la. Il crée souvent ambiguïté avec l'accord de 9e naturelle à fondamentale sous-entendue (sol sous-entendu sous si-ré-fa-la). Son 1er renversement (ré-fa-la-si), très employé en langage classique sur le 4e degré mineur, y partageait autrefois avec son homologue du majeur (IV = acc. de 7e min.) le nom d'accord de grande sixte, avec résolution obligée sur l'accord de dominante.

4. Jeu d'orgue (rare avant le XIXe siècle) produisant faiblement à 2 octaves de distance la 7e mineure de la note jouée, ou plus exactement son harmonique 7, un peu plus bas qu'elle. Il s'ajoute aux autres jeux de mutation correspondant aux harmoniques antérieurs pour former l'ensemble du « plein jeu » ou « grand cornet ».

septolet

Groupe de sept notes de même valeur jouées en un seul temps, fraction ou multiple de temps.

septuor

Composition musicale pour 7 voix ou instruments, et la formation vocale ou instrumentale qui l'exécute.

Pratiquement ignoré des compositeurs en tant que formation à cordes, le septuor instrumental doit son existence aux vents et, surtout, aux ensembles mixtes (Septuor op. 20 de Beethoven).

séquence (du lat. sequentia, « ce qui suit » l'alléluia)

1. Pièce strophique d'une structure particulière chantée à certaines fêtes après l'alléluia ou le trait de la messe. Le nombre des séquences est aujourd'hui réduit à 5, mais leur nombre était auparavant considérable (on en a recensé environ 4 500), et leur structure elle-même a fortement varié depuis l'invention du genre à Saint-Gall au IXe siècle par Notker le Bègue (SAINT-GALL).

   On hésite à ranger parmi les séquences les « prosules » primitives antérieures, consistant simplement à doter syllabiquement de paroles les mélodies vocalisées ou « neumes » (neumae, du gr. pneuma, « souffle ») supportées par le e du kyrie et surtout le a de l'alléluia, tantôt en conservant le mot kyrie ou alléluia (solution préférée par les Latins), tantôt en le remplaçant lui aussi (solution préférée par les Germains). Il s'agit là de tropes d'adaptation, dans lesquels la mélodie originale n'est pas modifiée ; ces « prosules », comme on les nommera plus tard, sont en général assonancées au modèle, e pour le kyrie, a pour l'alléluia, sans rythme particulier. On discute également si le terme longissimae melodiae, employé par Notker pour désigner les mélodies sur lesquelles il a travaillé, désigne un genre particulier, qui reste hypothétique ­ les exemples cités étant généralement postérieurs à l'invention de la séquence et semblant être des « mélismes séquentiels » résultant de la suppression a posteriori des paroles de la séquence développée, et non l'inverse ­, ou bien si, comme il est probable, le terme est un simple adjectif s'appliquant normalement aux mélodies usuelles.

   On s'accorde, en revanche, à faire crédit au récit de Notker lorsqu'il nous narre son initiative, non seulement de doter de paroles syllabiques la mélodie vocalisée de l'alléluia, comme le faisait Jumièges, mais d'en tirer une forme nouvelle. Il développe, en effet, cette mélodie pour construire à partir de ses éléments une forme semi-strophique caractérisée par un groupement de versets en paires, la mélodie de chaque strophe impaire se répétant sur la suivante paire et sur elle seule. Le trope d'adaptation de Jumièges se voyait ainsi transformé en trope de développement, et chaque cellule du modèle donnait lieu à répétitions avec variations ou adaptations, en insérant des clausules intermédiaires ou terminales en cours de route. Comme les tropes d'adaptation, les premières séquences étaient habituellement assonancées en a, souvenir de l'alléluia générateur.

   Après quelque temps, le souvenir de l'alléluia se perdit et la séquence, conservant sa forme, devint une composition libre, toujours soumise à la répétition binaire des versets. Dans le même temps, l'assonance en a disparaissait pour faire place à des rimes régulières. Ainsi se forma la séquence de transition, dont un spécimen a été conservé parmi les séquences rescapées du concile de Trente : le Victimae paschali laudes attribué au chapelain bourguignon Wipo († v. 1060), rimé mais non rythmé. Sa structure qui semble irrégulière dans la version conservée ne l'était pas à l'origine, car on en a assez tôt dérangé l'ordonnance en supprimant, par courtoisie envers les juifs, une strophe où ils étaient traités de menteurs.

   Au cours du XIIe siècle intervint une transformation importante : la séquence adopta de manière généralisée un type de vers nouveau, à la fois rimé et rythmé, basé sur un retour régulier de l'accent toutes les 2 syllabes, ce qui ne devait pas tarder à se décalquer à son tour sur le rythme musical : l'accentuée tendit à s'allonger et à devenir une longue de 2 temps, d'où cette ternarisation générale du rythme qu'on retrouvera chez les trouveurs comme dans les « modes rythmiques » des motets d'Ars antiqua. À l'exception près déjà citée, toutes les séquences conservées appartiennent à ce type dit de nouvelle séquence : rythmons par exemple le Veni Sancte Spiritus, nous trouverons VEni SANCte SPIriTUS/, ET eMITte CEliTUS / LUcis TUae RAdiUM. Il en est de même partout.

   Le nombre des séquences, accru par d'abondantes compositions de caractère local, n'a cessé de s'accroître du IXe au XIIIe siècle au moins, bien que les mélodies fussent souvent reprises pour de nouveaux textes : une séquence comme Laetabundus était passée au rang d'un véritable timbre, sur lequel on refaisait constamment des paroles nouvelles (on en fit et même de profanes, voire parodiques, jusqu'au XVIe siècle). Saint-Gall et Saint-Martial de Limoges avaient été les principaux producteurs de l'ancienne séquence, l'abbaye Saint-Victor de Paris s'illustra particulièrement dans la nouvelle avec le frère Adam dit Adam de Saint-Victor († 1177), mais aucune des séquences d'Adam n'a été conservée, alors qu'on a retenu l'adaptation de l'une d'elles, laudes Crucis attollamus, devenue Lauda Sion salvatorem ; il est vrai que la paternité même du Laudes crucis lui a été contestée au bénéfice du « primat » Hugues d'Orléans.

   L'abondance du répertoire incita, au XVIe siècle, le concile de Trente à considérer la séquence comme un genre parasite et à en décider l'élimination. Seules furent alors sauvées les deux séquences déjà mentionnées (Victimae paschali et Lauda Sion), et deux autres séquences du XIIIe siècle : l'une, Veni Sancte Spiritus, qui avait pour auteur l'archevêque de Cantorbéry Etienne Langton († 1228) avait détrôné pour la Pentecôte le Sancti Spiritus adsit nobis gratia de Notker, qui avait été l'un des prototypes de la séquence ancien style. L'autre, Dies irae, dite « prose des morts », est restée jusqu'au temps du romantisme le type parfait de ce qu'on croyait être le plain-chant. En fait, c'est un remaniement tardif, attribué par les uns au franciscain Jacopone de Todi († 1306), par les autres au cardinal Malabranca (Latino Orsini), ce qui en avancerait la date de plus d'un siècle (le cardinal était le beau-père naturel de Laurent de Médicis, né en 1449). On y trouve en effet une refaçon d'un ancien versus carolingien du répertoire de Saint-Martial de Limoges, le versus de die judicii, appartenant à un cycle de pièces sur le Jugement dernier dont les ramifications s'étendent jusqu'à Aniane, mêlée à des souvenirs du répons de l'office des morts, Libera me Domine.

   Une cinquième séquence, Stabat Mater, attribuée au frère franciscain Jacopone de Todi († 1306) n'est entrée que tardivement à l'office (Benoît XIII, 1727 ; à noter que Benoît XIII était lui aussi un Orsini). En tant que séquence, elle est passée inaperçue, tandis que, transformée de bonne heure en cantique strophique avec une mélodie de caractère populaire, elle est devenue sous cette forme l'un des chants les plus répandus de la semaine sainte (V. STABAT MATER).

   On voit que la séquence, à la fin du XIIe siècle, était devenue une forme musicale et littéraire tout autant qu'un genre liturgique. Il n'est donc pas étonnant que son influence se soit étendue sur d'autres formes musicales étrangères à la liturgie, et même à des formes de danse comme l'estampie du XIIIe siècle. On la retrouve aussi dans le lai lyrique et il n'est pas interdit d'en suivre le prolongement jusque dans les formes binaires de la construction classique, qui nous vaudront l'Hymne à la joie de la 9e Symphonie de Beethoven.

2. Ensemble mélodique ou harmonique découpé dans un ensemble plus vaste tout en restant cohérent. Le terme a été quelque temps employé, en harmonie, pour désigner une cellule destinée à se reproduire sur d'autres degrés ­ une marche harmonique, par exemple, était considérée comme formée d'une succession de séquences ; sous l'influence du vocabulaire cinématographique, le terme tend à se généraliser, sans rencontrer pour autant l'adhésion générale ; Messiaen notamment y proclame son hostilité.