Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
P

principal

Famille de jeux de fond de l'orgue, aux tuyaux de bois ou plus souvent de métal.

Existant à toutes les hauteurs (du 32 pieds au 1 pied), il constitue la base de la matière sonore de l'instrument. La section des tuyaux est de taille moyenne, moins large que celle des flûtes, moins étroite que celle des gambes, ce qui confert aux principaux une sonorité à la fois ronde et franche. Selon sa hauteur, le jeu de principal peut porter d'autres noms : prestant (4 minutes), doublette (2 minutes), piccolo (1 minute) ; placé en façade, il prend le nom de montre. Les principaux servent à de nombreuses registrations, dont celles destinées aux ensembles polyphoniques.

Printz (Wolfgang Caspar)

Compositeur et théoricien allemand (Waldthurn 1641 – Sorau 1717).

Il a, lui-même, fourni d'abondants détails sur sa vie assez mouvementée dans deux biographies, l'une contenue dans son Historische Beschreibung (1690), l'autre terminée par son fils et insérée dans le Grundlage einer Ehren-Pforte de Mattheson (1740). Obligé d'arrêter ses études en 1661, il commença, à Vohenstrauss, une carrière de ministre luthérien, que la conversion au catholicisme des autorités locales l'oblige bientôt à interrompre. Il se tourne alors vers la musique et voyage en Italie. De retour en Allemagne en 1662, il fut successivement employé à Sorau par le comte Erdmann Leopold von Promnitz, cantor à Triebel, puis à Sorau, et en 1682 directeur de la musique du comte Balthasar Erdmann von Promnitz. Presque aucune de ses œuvres n'a été conservée. Il est surtout connu pour ses traités, témoignages de grande valeur sur la musique en Allemagne à la fin du XVIIe siècle.

   Son Compendium musicae (1668), qui s'appuie sur des observations de Descartes (Compendium musicae, 1618), est un traité de rythme tout à fait essentiel. Son Phrynis Mitilenaeus, oder satyrischer Componist (1690, publié antérieurement en 3 vol. séparés) présente, sous une forme de récits et de dialogues satiriques, un panorama complet des différents aspects de la musique et des musiciens de l'époque. Enfin, l'Historische Beschreibung est sans doute la première histoire importante de la musique en Allemagne. Printz annonce les grands théoriciens allemands du XVIIIe siècle, en particulier Mattheson.

Pritchard (John)

Chef d'orchestre anglais (Londres 1921 – San Francisco 1989).

En 1943, il dirige son premier orchestre, le Derby String Orchestra. En 1947 et 1948, il est répétiteur à Glyndebourne, et remplace Fritz Busch en 1949 lors d'une représentation de Don Giovanni. Il sera désormais l'un des piliers du festival, en y dirigeant vingt-huit ouvrages de 1951 à 1977. À Covent Garden, il assure la création houleuse de Gloriana de Britten en 1953, du Midsummer Mariage de Tippett en 1955, et de King Priam du même compositeur en 1962. De 1962 à 1966, il dirige l'Orchestre philharmonique de Londres et, à partir de 1973, anime la Huddersfield Choral Society, excellent chœur amateur non loin de Manchester. De 1978 à 1989, il dirige l'Orchestre de Cologne et, de 1981 à 1987, réorganise l'orchestre de la Monnaie de Bruxelles. Enfin, en 1985, il est nommé à la tête de l'Orchestre de San Francisco. Il s'est imposé dans tous les genres comme l'un des plus importants chefs anglais du siècle.

Priuli (Giovanni)

Organiste et compositeur italien (Venise v. 1575 – Vienne ? 1629).

Élève de Giovanni Gabrieli, il publia dans sa ville natale trois recueils de madrigaux dans le style aussi bien a cappella que concertato. Vers 1615, il entra au service des Habsbourg, d'abord comme maître de chapelle de l'archiduc Ferdinand à Graz, puis, après que ce dernier fut devenu l'empereur Ferdinand II (1619), à Vienne. Il publia alors, toujours à Venise, deux volumes de Sacri concentus (1618-1619), deux nouveaux recueils de madrigaux (1622 et 1625) et deux volumes de messes concertantes (1624). Il fut à Vienne le premier d'une longue lignée de maîtres de chapelle impériaux italiens dont le dernier devait être Salieri.

Prod'homme (Jacques Gabriel)

Musicologue français (Paris 1871 – Neuilly-sur-Seine 1956).

En 1902, il fonda avec Lionel Dauriac et Jules Écorcheville la section française de la Société internationale de musicologie, dont il devait être secrétaire de 1903 à 1913, et créa avec La Laurencie, en 1917, la Société française de musicologie. Il fut aussi bibliothécaire et archiviste de la bibliothèque de l'Opéra, à partir de 1930, et de celle du Conservatoire, à partir de 1934, postes qu'il devait garder jusqu'en 1940. Il collabora en outre à de nombreuses revues musicales françaises et étrangères, et écrivit plusieurs biographies de musiciens, surtout romantiques (Hector Berlioz 1803-1869 : sa vie et ses œuvres, 1905 ; Paganini, 1907 ; Franz Liszt, 1910 ; Gounod, en collaboration avec Dandelot, 1911, etc.). Il s'intéressa particulièrement à Beethoven (les Symphonies de Beethoven (1800-1827), 1906 ; la Jeunesse de Beethoven, 1770-1800, 1921 ; les Sonates pour piano de Beethoven, 1782-1832, 1937, etc.) et à Wagner (Guides analytiques de l'Anneau du Nibelung, Crépuscule des dieux, avec C. Bertrand, 1902 ; Richard Wagner et la France, 1921, etc.). Il a traduit de l'allemand plusieurs ouvrages essentiels, entre autres des écrits de musiciens : œuvres en prose (13 vol., 1907-1925) et livrets de Wagner (1922-1927) ; les Cahiers de conversation de Beethoven, 1819-1827 (1946) ; les Écrits divers sur la musique et les musiciens de Schumann (1946) ; le Mozart de A. Schurig (1925) ; les Entretiens sur la musique de W. Furtwängler (1953). Il a également publié des Écrits de musiciens (XVe-XVIIIe s.) [1912], l'Opéra, 1669-1925 (1925), Pensées sur la musique et les musiciens (1926).

programme (musique à)

Terme général par lequel on a coutume de désigner toute musique d'essence narrative, évocatrice, descriptive ou illustrative, donc renvoyant à une donnée « extramusicale » ; cela par opposition à la musique « pure », qui ne ferait appel qu'à une perception « abstraite », sans référence à aucun élément extramusical.

Définie ainsi, la musique à programme engloberait les genres « appliqués » comme le ballet, la musique de scène et de ballet, les genres « à texte » comme le lied, la chanson, l'opéra, la cantate, etc., ainsi que le poème symphonique, l'ouverture de concert et toutes les musiques formant « tableau » pour l'auditeur par leurs titres, leurs évocations, etc. : de la Symphonie pastorale de Beethoven aux Miroirs de Ravel, de la Danse macabre de Liszt aux Tableaux d'une exposition de Moussorgski. L'arbitraire d'une distinction tranchée entre musique à programme et musique pure apparaît cependant, si l'on considère que beaucoup d'œuvres dites « à programme » ne sont telles que par leur titre évocateur d'images (la Mer, Scènes d'enfant, Jeux d'eau à la villa d'Este) et qu'elles possèdent une architecture musicale autonome, en soi, et sont justifiables et analysables du seul point de vue de la forme, du discours, des proportions, comme « musique pure ».

   On peut entendre aussi le terme de « musique à programme » dans le sens plus restreint que lui donnait Franz Liszt, quand il introduisit cette notion : le « programme » désignait pour lui très concrètement un papier, un texte d'intention, pour une œuvre purement instrumentale (sans texte chanté), par lequel le compositeur explicite ses thèmes d'inspiration (lecture, mythe, légende, etc.), afin de « préserver son œuvre de l'arbitraire d'une explication poétique erronée et d'orienter par avance l'attention sur l'idée poétique du tout ou sur un point particulier ». C'était le cas, en 1830, de la Symphonie fantastique de Berlioz, et de son « programme » (très contesté par certains musiciens, dont Schumann) distribué aux auditeurs avant l'exécution pour guider leur écoute. Toujours conciliateur, Liszt s'efforçait ainsi de légitimer et de limiter l'usage d'un procédé que beaucoup taxaient de facilité et de racolage : donner à l'auditeur une trame narrative toute faite, lui permettant de « rêver » sur la musique et de se bercer d'images, au lieu d'en écouter la structure et le discours. Il insistait fortement sur l'idée que la musique à programme doit en même temps se justifier complètement comme musique pure dans ses « proportions, ordonnance, harmonie et rythme ».

   Dans cette acception lisztienne de la musique à programme (illustrée par ses propres « poèmes symphoniques »), la forme musicale est subordonnée au propos, « le retour, le changement, les motifs et les modulations de ces motifs sont conditionnés par leur relation à une idée poétique », ce qui n'empêche pas que la musique doive toucher directement l'auditeur, sans la connaissance obligatoire de cette trame cachée. L'époque moderne, très puritaine sur ce point, tend à qualifier de « musique à programme » toute musique dès lors qu'elle est entachée d'un titre faisant image, ou d'une intention descriptive explicite.

   Dans l'idée de « programme », il ne faut pas entendre seulement une inspiration descriptive ou évocatrice. Le mot implique aussi une histoire, une certaine évolution dans le temps, dont la musique s'efforce de suivre les phases successives : cela par opposition aux simples musiques descriptives statiques d'un animal (le Coucou de Daquin), d'une idée, d'un milieu naturel. Des musiques « à programme », comme le Cappricio sopra la lontananza de Jean-Sébastien Bach, les Métamorphoses de Carl Ditters von Dittersdorf, les Sonates bibliques de Kuhnau, les Quatre Saisons de Vivaldi, les Tableaux d'une exposition de Moussorgski, le Phaéton de Saint-Saëns, racontent toutes une « succession » de phases ou d'événements. Sous cet angle, la musique à programme est aussi une manière d'entendre la musique, toute musique, comme narration, comme succession d'états moteurs, affectifs.

   Ainsi Schumann s'amusant à entendre dans les Variations de Chopin sur La Ci darem la mano de Mozart le « si bémol » sur lequel Zerline succombe. Derrière ces fantaisies narratives, auxquelles se sont abandonnés les musiciens et mélomanes les plus sérieux, il ne faut pas oublier que toute forme musicale possède en même temps une dimension narrative, et toute séquence dramatique d'événements une dimension symbolique, formelle. Le nombre des situations dramatiques, des « modèles », n'est pas infini, on trouve un nombre limité de « schèmes » narratifs qui ont leur correspondance dans les formes musicales : la forme sonate à 2 thèmes raconte une sorte d'histoire qui constitue son « programme » (exposition, voyage et luttes des thèmes, retour au bercail du ton principal à la réexposition), de même que la forme rondo, la forme thème et variations, etc. Simultanément, ces formes peuvent être envisagées d'un point de vue purement « géométrique », en considérant le temps comme un espace (non orienté, susceptible d'être parcouru dans les deux sens).

   La musique à programme serait ainsi la musique dans sa dimension « en temps », inscrite dans une durée irréversible et dramatique, tandis que la musique pure serait censée se justifier d'un point de vue « hors temps » comme traduction sonore de proportions, de relations d'intervalles. Toutes les musiques dites « formelles » ou abstraites (Ars nova, Art de la fugue de Bach, musique sérielle) insistent d'ailleurs sur l'utilisation de procédés d'écriture « en miroir » (rétrogradations), qui nient le temps dans son irréversibilité et le maîtrisent comme un espace où l'on passe et revient à volonté dans les deux sens. Selon cette perspective formelle, le principal péché de la musique « à programme » est d'inscrire la musique dans un temps dramatique, lourd de ses contingences mortelles, de son caractère événementiel, quotidien. Le débat sur le problème de la musique à programme et de la musique pure est essentiellement une question de « point de vue » sur la musique : toute musique est, en un sens, les deux à la fois, selon la manière dont on l'écoute.