Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Boucourechliev (André)

Compositeur français d'origine bulgare (Sofia 1925 – Paris 1997).

Il a commencé ses études à l'Académie de musique de sa ville natale, puis est venu à Paris en 1949. À l'École normale de musique, il a étudié le piano avec Reine Gianoli et l'harmonie avec Georges Dandelot, avant d'enseigner lui-même le piano dans cet établissement, de 1952 à 1960. Il a aussi été l'élève de Walter Gieseking et travaillé, de 1957 à 1959, au studio de phonologie de Milan, où il rencontra Luciano Berio et Bruno Maderna et composa Texte I (1957-58). En 1960, il réalisa à l'O. R. T. F. une autre œuvre électroacoustique, Texte II. Le contact avec les jeunes musiciens italiens, les cours de Darmstadt, les réflexions sur la musique sérielle (objet d'une enquête qu'il fit pour la revue Preuves), les rencontres avec Boris de Schloezer et avec Pierre Boulez furent d'importantes étapes dans son développement. Ses ouvrages répondent souvent à des pulsions de vie ou de mort. « Certaines œuvres, dit-il, m'offrent le modèle de ma propre mort. Simple pressentiment peut-être, mais on ne peut nier que des pulsions s'exercent au moment de la création, qu'elles parlent à leur manière en déterminant un climat et certaines figures. L'œuvre parle parfois plutôt que l'homme corporel. »

   Il écrivit Musique à trois pour flûte, clarinette et clavecin (1957), une Sonate pour piano (1959-60), Signes pour deux percussions, flûte et piano (1961). Son premier succès fut sans doute Grodek pour soprano, flûte et 3 percussions sur un texte de Georg Trakl (1963, création au Domaine musical). De 1966 date Musiques nocturnes pour piano, clarinette et harpe. Mais l'œuvre qui attira définitivement l'attention sur lui fut Archipel I pour 2 pianos et percussion, une des réussites indéniables de la musique « aléatoire » (création au festival de Royan en 1967, version 2 pianos 1968). Suivirent Archipel II pour quatuor à cordes (Royan, 1969), Archipel III pour piano et 6 percussions (Paris, 1969), Archipel IV pour piano (Royan, 1970), et finalement Anarchipel pour 6 instruments concertants (harpe amplifiée, clavecin amplifié, orgue, piano et 2 percussions). À partir de cette dernière pièce, composée en 1970-71 et créée en 1972, on peut réaliser divers Archipels V pour chaque instrument seul (Archipel Vb pour clavecin, Archipel Vc pour orgue…). « Les partitions de la pièce sont comme de grandes cartes marines sur lesquelles les quatre interprètes sont amenés à choisir, à orienter, à concerter, à modifier sans cesse le cours de leur navigation, jamais deux fois la même entre les îles d'un archipel toujours nouveau à leurs regards. Dans ces eaux incertaines, ils ne vont cependant pas à la dérive : s'ils ne se voient ni n'échangent des signes de ralliement, ils s'écoutent, parfois s'appellent. Et c'est dans cette communion étroite, proprement musicale, de tous les instants, qu'ils tracent leur route imprévisible, mais partagée. La moindre décision de l'un engage totalement celle de l'autre. C'est dire que cette dépendance, où ils exercent leur liberté de choix, exclut totalement toute idée de hasard » (Boucourechliev, à propos d'Archipel I).

   En 1970, Boucourechliev a donné Ombres, « Hommage à Beethoven » pour 11 instruments à cordes, et, en 1971, Tombeau « à la mémoire de Jean-Pierre Guézec » pour clarinette et percussion, ou piano. Suivirent Faces pour 2 orchestres avec 2 chefs (1971-72), Amers pour 19 instruments (1972-73), Thrène pour chœurs, récitants et bande magnétique (1973-74), Concerto pour piano (1974-75), et Six Études d'après Piranese pour piano (1975). Le Nom d'Œdipe, sur un livret de Hélène Cixous, a été créé en oratorio à Radio-France le 27 mai 1978, et scéniquement à Avignon le 26 juillet 1978. En mai 1980 a été entendu Orion, pour orgue, en avril 1981 Ulysse, pour flûte (s) et percussions et en 1983 Orion III pour piano. Suivirent en 1984 Nocturnes pour clarinette et piano, Lit de Neige pour soprano et 19 instrumentistes, Le Miroir, 7 répliques pour un opéra possible pour mezzo-soprano et orchestre (1987). En 1988 fut créé à Genève les Cheveux de Bérénice. Suivirent Quatuor à cordes no 2 (1991), Quatuor-Miroir II (1992), Trois Fragments de Michel-Ange pour soprano, flûte et piano (1995). Grand prix musical de la Ville de Paris en 1976, Boucourechliev enseigne depuis cette même année à l'université d'Aix-en-Provence. Il exerce également une activité de critique. Parmi ses travaux de musicographe, des livres sur Schumann (1956), Beethoven (1963) et Igor Stravinski (1982), un Essai sur Beethoven (1991), le Langage musical (1993).

Boué (Georgette, dite Géorï)

Soprano française (Toulouse 1914).

Après des études et des débuts à Toulouse, elle se perfectionna à Paris. Elle débuta à l'Opéra-Comique, en 1939, dans le rôle de Mimi de la Bohème de Puccini et à l'Opéra, en 1942, dans celui de Marguerite de Faust de Gounod. Elle fit une superbe carrière en France et fut invitée sur de grandes scènes étrangères. Sa voix limpide, capable de charme et de brio, était d'un type caratéristique de l'école française de chant, et elle faisait merveille dans de grands rôles du répertoire français : Marguerite, Mireille dans l'opéra de Gounod, Thaïs dans l'opéra de Massenet. Elle fut aussi une interprète célèbre du duc de Reichstadt dans l'Aiglon d'Ibert et de Honegger, et de Desdémone dans Othello de Verdi. Plus tard dans sa carrière, elle fit d'intéressantes incursions dans l'opéra contemporain (Colombe de Damase, le Fou et les Adieux de Landowski).

bouffe (ital., opera buffa, « opéra bouffe »)

Adjectif que l'on attribue à un genre de spectacle particulièrement comique.

En France, au XIXe s., on qualifia de « bouffe » le chanteur (basse bouffe, etc.), la troupe, le théâtre (les Bouffes-Parisiens, créé par Offenbach) qui se consacraient à ce genre.

bouffons (querelle des)

Querelle entre les partisans de l'opéra français et ceux de l'opéra italien, qui débuta à Paris en 1752, lors de représentations, par la troupe des Bouffons, de la Servante maîtresse de Pergolèse. J.-J.

Rousseau, parmi les admirateurs de l'ouvrage italien, profita du succès de celui-ci pour critiquer, dans sa Lettre sur la musique française (1753), l'opéra français, illustré alors par Rameau : le récitatif n'avait pas le naturel de celui d'outre-monts, les chœurs manquaient de simplicité avec leur écriture contrapuntique, l'harmonie et l'orchestre étaient trop riches ; la langue française était jugée incompatible avec la musique. Aux attaques du coin de la reine dirigé par Rousseau, le coin du roi riposta : les spectacles des Bouffons ne comportaient que des airs et ne pouvaient rivaliser avec les grandes tragédies lyriques. La « guerre » devint aussi bien littéraire que musicale : on ridiculisait le merveilleux dans l'opéra français, tandis que l'on appréciait les personnages réalistes et de condition modeste que les intermèdes italiens mettaient en scène. La querelle des Bouffons s'inscrit, ainsi, dans ce mouvement en faveur de la « nature », qui a bouleversé la pensée européenne au milieu du XVIIIe siècle.