Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
W

Windgassen (Wolfgang)

Ténor allemand (Annemasse 1914 - Stuttgart 1974).

Il fut élève de son père, Fritz Windgassen, lui-même ténor principal à l'Opéra de Stuttgart de 1923 à 1944. Il fit ses débuts à Pforzheim en 1941, dans le rôle d'Alvaro de La Forza del destino. Il chanta à Stuttgart à partir de 1945 et au Festival de Bayreuth à partir de 1951, et devait s'affirmer dans les années suivantes comme le meilleur ténor wagnérien de l'immédiat après-guerre. Bien qu'on ait pu trouver sa voix un peu légère pour Tristan et Siegfried, en se basant sur les critères laissés par Lauritz Melchior ou Max Lorenz, Windgassen triomphait dans ces rôles par la beauté du phrasé et une articulation impeccable. Son timbre était remarquablement égal sur toute l'étendue du registre et ses interprétations ne manquaient ni d'expression ni de poésie.

Winter (Petervon)

Compositeur et chef d'orchestre allemand (Mannheim 1754 – Munich 1825).

Élève de l'abbé Vogler dans sa ville natale, il suivit l'orchestre de Mannheim en 1778 à Munich, où il en prit la direction. En 1787, il devint vice-maître de chapelle de la cour de Bavière, occupant ensuite le poste de maître de chapelle de 1798 à sa mort.Il écrivit d'abord de la musique instrumentale et des opéras (Das unterbrochene Opferfest, Vienne 1796), et, à la fin de sa vie, surtout des œuvres religieuses.

Wirén (Dag)

Compositeur suédois (Striberg 1905 – Danderyd 1986).

Dans ses années d'études à Paris (1931-1935), il a subi l'influence de Stravinski, Prokofiev et Honegger (Trio pour piano op. 6, 1933 ; Sinfonietta en do op. 7a, 1934 ; Serenad pour cordes, 1937). Après avoir, jusque vers 1940, utilisé un langage pastoral, élégant, proche du divertissement, il modifia son style, reprenant la tradition de Nielsen dans ses œuvres majeures : le Concerto pour violon (1946), la 4e Symphonie (1951-52), les Quatuors à cordes nos 4 (1952-53) et 5 (1970), et la 5e Symphonie (1964). Cette attitude le rapproche de celle du compositeur danois V. Holmboe et fait de Wirén l'un des plus importants symphonistes suédois des années 1970.

Wispelvey (Peter)

Violoncelliste néerlandais (Haarlem 1962).

Il a étudié avec Dicky Boeke et Anner Bylsma à Amsterdam, puis avec Paul Katz à Rochester (États-Unis) et enfin avec William Pleeth en Angleterre, et remporté en 1992 le prix Elisabeth Everts ­ récompense accordée tous les deux ans aux musiciens néerlandais les plus prometteurs ­ ainsi que le prestigieux Prix musical des Pays-Bas. Il joue du violoncelle aussi bien baroque que moderne, dans un répertoire allant de Bach à la musique contemporaine (Carter, Kagel, Crumb, Schnittke).

Witt (Friedrich)

Violoncelliste et compositeur allemand (Niederstetten, Wurtemberg, 1770 - Würzburg 1836).

De 1789 à 1796 environ, il fut membre de l'orchestre du prince d'Oettingen-Wallerstein. Il se mit ensuite à voyager et, de 1802 à sa mort, vécut à Würzburg comme maître de chapelle du prince-évêque puis (1814) du théâtre de la ville. Il est le véritable auteur de la symphonie en ut découverte à Iéna en 1909 par Fritz Stein et alors attribuée par celui-ci à Beethoven (dont le nom se trouvait sur deux des parties du manuscrit).

   Cette œuvre fait apparaître Witt comme un habile imitateur de Haydn : son premier mouvement évoque d'assez près celui de la symphonie no 97, et son deuxième mouvement est un véritable plagiat de celui de la symphonie no 81 de Haydn. Une autre symphonie de Witt, en la majeur, possède un mouvement lent et un menuet calqués respectivement sur deux autres pages de Haydn : le mouvement lent de la symphonie no 82 (l'Ours) et le menuet du quatuor op. 33 no 2 (la Plaisanterie). De cette même symphonie en la, le finale est basé sur le célèbre Ah, ça ira !

Wittgenstein (Paul)

Pianiste autrichien naturalisé américain (Vienne 1887 – Manhasset 1961).

Il est l'élève de Leschetitzky à Vienne, et inaugure ses récitals en 1913. En 1914, il perd son bras droit sur le front russe. Ce tragique événement donne à sa carrière une direction originale : de nombreux compositeurs lui dédient des œuvres pour la main gauche. Strauss écrit pour lui le Parergon sur la Sinfonia Domestica et Panatenäenzug, Ravel lui dédie son Concerto pour la main gauche en 1930, et Britten, Diversions on a Theme en 1940. Il crée aussi des œuvres de Hindemith et de Korngold, tout en réalisant de nombreuses transcriptions. En 1938, il s'installe à New York et y fonde une école pour la main gauche.

Wolf (Hugo)

Compositeur autrichien (Windischgrätz, auj. Slovenj Gradec, 1860 - Vienne 1903).

Il est l'un des deux principaux émules d'Anton Bruckner, avec Gustav Mahler, son contemporain exact. Son père, d'ascendance allemande, dut reprendre l'entreprise paternelle de tannerie, mais conservera sa vie durant la nostalgie d'une vocation artistique (il aurait souhaité être architecte). Sa mère, née Katharina Nussbaumer (germanisation de l'original slovène Orchovnik), de souche paysanne, avait aussi du sang italien. Tout le tempérament artistique du futur compositeur est déjà déterminé par la fusion de ces atavismes, fusion éminemment caractéristique du creuset viennois à l'époque où Hugo Wolf va faire toute sa carrière.

   Après des études secondaires « cahotantes », il découvre les grands classiques viennois, qui nourrissent sa passion exclusive pour la musique. Les premiers essais de composition, dès la quatorzième année, sont destinés au piano ; le lied fait bientôt son apparition ; si bien qu'en arrivant à Vienne pour s'inscrire au conservatoire à la rentrée de 1875, le jeune homme peut entrer d'emblée en seconde année de composition.

La maturité précoce : du « Quatuor » à « Penthésilée »

À côté d'études qu'il écourtera volontairement dès 1877 (il n'aura pas moins obtenu plusieurs récompenses), les premières années viennoises sont surtout marquées par la découverte émerveillée du monde musical contemporain « avancé », et d'abord de Wagner, que Wolf approche personnellement dès décembre 1875. C'est l'opéra qui cristallise à cette époque toutes ses émotions ­ il en entreprend d'ailleurs un lui-même, König Alboin, dont quelques esquisses ont été conservées. Mais l'œuvre la plus originale des années de conservatoire est de très loin la symphonie dont seuls les deux mouvements terminaux nous sont parvenus (ils ont été publiés sous le titre Scherzo und Finale für grosses Orchester), mais qui fut à l'époque menée à bien sous deux formes différentes. Le scherzo notamment contient déjà des trouvailles très remarquables (le modèle privilégié de Wolf était alors Berlioz).

   Menant déjà une vie déréglée, il se satisfait de modestes leçons, et n'occupera que pendant quelques mois, fin 1881, l'emploi de chef de chœur au théâtre de Salzbourg, sous la direction de Karl Muck. C'est un échec qui portera plus tard ses fruits, car non seulement il détermine l'ambition de Wolf de s'imposer un jour au théâtre, mais il contribue à lui montrer sa voie, celle du style comique, et à l'éloigner du drame wagnérien.

   De sa passion orageuse pour la jeune Valentine (Wally) Franck, nièce d'un professeur au Collège de France, à qui il a d'abord donné quelques leçons de piano, émergent six Chœurs sacrés d'après Eichendorff (1881). L'écho s'en fait entendre aussi dans l'œuvre majeure de ces années de maturité précoce, le vaste Quatuor à cordes en « ré » mineur, qui portera en suscription ces mots tirés du Faust de Goethe : Entbehren sollst du, sollst entbehren ­ ce ne sera là que le premier de multiples renoncements ! De dimension beethovénienne (mais le souffle lyrique doit autant à Schubert qu'à Wagner), ce Quatuor, entrepris dès 1878, mais terminé seulement en 1884, sera reconnu dès sa création en février 1903, à la veille de la mort du compositeur, comme une partition prophétique qui influencera notamment deux des principaux admirateurs de Wolf : Reger et Schönberg.

   Mais le jeune maître allait encore au-devant d'une déconvenue avec l'œuvre unique qu'il allait laisser pour l'orchestre, et qui est aussi le legs fondamental de cette première partie de sa vie créatrice : le poème symphonique Penthésilée, entrepris à l'instigation de Liszt en 1883 et terminé deux ans plus tard. Présentée en 1886 à la lecture des nouveautés par la Philharmonie, l'œuvre devait y être tournée en dérision par Hans Richter, furieux de voir le critique Wolf déchirer à belles dents la musique de « maître Brahms ». Il est temps aujourd'hui de reconnaître enfin combien Penthésilée non seulement surclasse ses modèles lisztiens, mais se situe au-delà de toutes les futures productions similaires d'un Strauss : et cela grâce à la seule connaissance que Wolf pouvait avoir déjà de la symphonie brucknérienne par les deux ouvrages de son grand aîné (Symphonies nos 3 et 4) qu'il avait entendus.

   Si le propos dramatique (ici le schéma fourni par Kleist) est traduit avec un surprenant réalisme, l'œuvre de Wolf répond en effet, de surcroît, à une structure symphonique dont l'unité interne, cimentée par l'intervalle de seconde mineure qui gouverne tous les thèmes, n'est pas moins parfaite que celle qu'on rencontre chez Bruckner à la même époque. Il s'agit, en fait, du trait d'union historique entre les poèmes symphoniques de Liszt et le Pelléas et Mélisande de Schönberg !