Espagne (suite)
Le folklore
Trop souvent limité aux mélismes et aux rythmes andalous, le folklore espagnol est d'une extrème variété et chaque région a ses traditons remontant parfois à la plus haute antiquité. Par sa situation géographique et son passé (invasion des Maures et, au XVe siècle, arrivée des Gitans), l'Andalousie a réalisé la synthèse de toutes les musiques rencontrées sur son sol, chant byzantin, modes grecs, cantillations synagonales, plain-chant grégorien, mélopées berbères et ragas indiens, dans un courant qui aboutit au cante jondo, art intemporel et capable de faire l'unanimité entre le peuple et les musiciens cultivés, le flamenco n'en étant que la manifestation mineure. Les éléments caractéristiques des différents styles semblent issus de la siguiriya (martinetes, carceleras, libianas), des soleares (polos, canas, alegrias, bulerias) et les malagueñas (fandangos, rondenas, granadinas), auxquelles on peut ajouter la farruca, la zambra, la peterena et la zapateado. Albéniz, Falla et Turina s'y réfèrent à maintes reprises.
Non moins riche apparaît le folklore castillan avec ses vieux romances, sobres, concis, dont peut s'inspirer Juan del Encina. À l'Aragon appartient la jota, comme à la Catalogne la sardane, celle-ci héritée des Grecs, celle-là des Byzantins ; à la Galice la gaïta d'origine arabe ; au Pays basque, le txistu et le silbote sur lesquels on danse le zortzico ; à la Catalogne la cobla avec ses primes, ses tanors, son fluviol et ses fiscorns. Il n'est pas jusqu'à l'Estrémadure, les Asturies et le León qui ne possèdent rythmes typiques et traditions enracinées, moins connus sans doute que les trésors andalous, mais non moins empreints d'une puissante individualité frangée de magie. De très nombreux folkloristes se sont penchés, depuis un siècle, sur ces documents sonores qui viennent du tréfond de la race et à l'appel desquels peu de musiciens espagnols ont échappé.
Institutions et vie musicale
Les monastères espagnols et principalement la célèbre Escolania de Montserrat détiennent, pendant des siècles, le privilège de l'enseignement musical, avec les chapelles ducales et princières qui, dès avant la Renaissance, rivalisent d'éclat. Longtemps cantonnée autour de leur activité, la vie musicale s'organise ensuite grâce aux compagnies itinérantes, aux autos sacramentales promus par Caldérón et aux troupes d'opéra italien dont les deux points d'attache sont, dès le XVIIIe siècle, Madrid et Barcelone. Tonadillas et zarzuelas sensibilisent ensuite un plus large public. Dans le même temps les premiers établissements d'enseignement officiel et associations de concerts sont créés (conservatoire de Madrid en 1830, puis conservatoires de Saragosse et de Valence).
L'extraordinaire essor de la musique chorale a pour artisan, à la même époque, le Catalan José Anselmo Clavé qui fonde, en 1845, la première société d'amateurs, bientôt suivie d'un nombre considérable de groupements totalisant, à la fin du siècle, des milliers de choristes. La tradition se poursuit avec d'excellentes phalanges comme l'Agrupacíon coral de cámara de Pampelune, l'Orfeo Donasterria, l'Orfeo Catala, les Madrigalistes de Madrid, etc.
Si, dans le domaine lyrique, le Liceo de Barcelone fondé en 1838, inauguré en 1847, détruit par le feu en 1861 et en 1994, est la seule scène de renommée internationale, d'excellents orchestres (Madrid, Valence, Saint-Sébastien, Bilbao, Barcelone, etc.) sont constitués dès le début du siècle pour la diffusion du répertoire classique et moderne. Plus récemment, Luis de Pablo a fondé des groupements (Tiempo y música, Alea) pour la promotion de la musique contemporaine, et plusieurs festivals (Grenade, Cuenca, Barcelone, Cadaquès, Alicante) assurent à l'Espagne une activité estivale de qualité.
À la lente évolution d'une vie musicale intéressant toutes les couches de la société succède aujourd'hui une activité prodigieuse que les pouvoirs publics, les Jeunesses musicales (fondées en 1951), l'édition, la radio et la télévision encouragent avec efficacité. En témoigne aussi le Festival international de musique contemporaine d'Alicante, en septembre, dont le directeur artistique est Tomas Marco.