Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
M

Mellnäs (Arne)

Compositeur suédois (Stockholm 1933 – id. 2002).

Élève de E. von Koch, L.-E. Larsson et K.-B. Blomdahl à Stockholm, B. Blacher à Berlin et M. Deutsch à Paris, puis stagiaire à San Francisco et à Utrecht, où il approfondit ses recherches de musique électronique, Mellnäs est un moderniste raisonnable qui possède une remarquable maîtrise de son langage. Parmi ses œuvres, il faut retenir Dagsfjärd och natthärbärge (1960), Färgernas hjärtä (1961), Collage (1962), Aura et Gestes sonores (1964), Quasiniente (1968), l'étonnant Aglepta pour chœurs d'enfants (1969), Capricorn flakes (1970) et les œuvres électroniques CEM 63 (1963), Intensity 6.5. (1966) et Far out (1970).

Mellon (Agnès)

Soprano française (Épinay-sur-Seine 1958).

Elle apprend le violoncelle au CNR d'Orléans, puis le chant avec notamment Nicole Fallien et Jacqueline Bonnardot. Elle se perfectionne ensuite à San Francisco avec Lilian Loran. Elle est d'abord choriste de la Chapelle royale dirigée par Herreweghe, qui, dès 1981, lui confie de petits rôles. Depuis 1984, elle mène une carrière de soliste, consacrée surtout à la musique baroque. En 1987, elle devient membre permanent des Arts florissants, et incarne Sangaride dans Atys de Lully dirigé par William Christie. Elle aborde Sylla et Glaucus de Leclair et, en 1991, débute à Aix-en-Provence dans Castor et Pollux de Rameau. Elle se produit en récital avec le claveciniste Christophe Rousset, et aborde les cantates de Bach. Elle collabore avec l'Ensemble Clément Janequin et grave de nombreux disques, parmi lesquels Zoroastre de Rameau, avec Kuijken, et Pygmalion avec Gustav Leonhardt.

mélochord

Instrument électronique réalisé par Bode, comme variante du trautonium.

Tout comme un autre perfectionnement du trautonium, dû à Oscar Sala (le mixtur-trautonium), le mélochord est un instrument polyphonique grâce au couplage de générateurs. Les diverses lutheries électroniques ont pour précurseur, dès 1920, L. Theremine.

mélodie

1. Notion très générale, dont le concept est plus particulièrement propre à la musique occidentale traditionnelle, en ce sens qu'elle repose sur une certaine distinction du point de vue des hauteurs entre l'aspect horizontal de la musique, la succession dans le temps de différents degrés de hauteur formant une courbe, la mélodie, et son aspect vertical, simultané, représenté par les accords, l'harmonie. Dans ce contexte, la mélodie se définit comme une « ligne de sons successifs en hauteur et durée » (Edmond Costère). Mais cette mélodie « sous-entend » très souvent son harmonie, c'est-à-dire la succession des accords qui la soutiennent. On a essayé d'étendre la notion de mélodie, c'est-à-dire de courbe de variation dans le temps, à d'autres aspects que la hauteur, c'est-à-dire à la durée, aux intensités, au timbre (la Klangfarbenmelodie de Schönberg, « mélodie de timbre »), mais il reste que cette notion ne fonctionne pleinement que pour la valeur de hauteur.

   On est rarement parvenu à créer des « mélodies de timbres » ou des « mélodies d'intensité » qui soient à la fois perceptibles en tant que telles et pas trop simplistes. La hauteur est, en effet, dans la musique occidentale le caractère dominant, celui qui fait l'objet, dans son système, de l'élaboration la plus efficace et la plus raffinée. Si la notion occidentale de mélodie peut être appliquée à d'autres musiques, il faut se garder de l'« européanocentrisme », consistant à croire que les successions de hauteur, dans ces musiques, sont entendues comme dans la nôtre, puisqu'elles ne sont pas perçues selon les mêmes relations avec le timbre, le rythme, etc. D'où l'impression fréquente, à nos oreilles d'Occidentaux, de « mélopée », c'est-à-dire de mélodie interminable et sans point d'appui.

   Dans le cadre de la musique occidentale, la mélodie répond à certaines caractéristiques : d'abord, elle est une forme, une « Gestalt », au sens de la « psychologie de la forme », qui prend d'ailleurs souvent comme exemple de « Gestalt » la mélodie musicale. En d'autres termes, c'est une structure caractéristique, globalisée dans la conscience, et non réductible à l'addition des éléments qui la composent, pris séparément. Ainsi une mélodie transposée, c'est-à-dire transportée sur des degrés de hauteur tout à fait différents, est-elle perçue comme identique puisqu'on y perçoit la même relation d'intervalles ; de même, si on la dilate ou la contracte modérément dans le temps. On peut aller jusqu'à modifier sensiblement les rapports de durée à l'intérieur de la mélodie (en passant, par exemple, d'un rythme à 4/4 à un rythme à 3/4) sans pour autant la défigurer ; pourvu que l'on conserve les mêmes rapports longues/brèves. Cette « Gestalt » qu'est la mélodie comporte des notes faibles et des notes « fortes », c'est-à-dire des points d'appui de l'harmonie, qui sont souvent les degrés caractéristiques du ton : tonique, dominante, etc. La dialectique mélodie/harmonie consiste justement en ce que les notes de passage, ornements, broderies, variations, retards, anticipations, appogiatures, bref toutes les notes « faibles » en plus des notes de base solidaires du squelette harmonique, sont souvent celles qui donnent à la mélodie sa personnalité. D'autre part, la mélodie occidentale est perçue comme une forme fermée, qui doit se clore au bout d'un temps assez court, en parvenant au repos sur la tonique. Comme l'a formulé Sartre, une mélodie porte en elle fièrement sa propre mort. Le trajet qu'elle parcourt, souvent du type tonique-dominante-tonique (sous l'angle harmonique) est tel qu'il la ramène au point de départ ; tout l'art est de rendre neuf et intéressant ce parcours fermé. Si l'on parle de « mélodie infinie » chez Richard Wagner, qui souvent recule très loin sa résolution par des cascades de cadences évitées, c'est bien parce que la mélodie est dans notre musique classique censée se clore dans un délai assez court ; par rapport à la musique indienne, par exemple, où le flux mélodique semble avoir l'éternité devant lui pour s'écouler.

   La mélodie occidentale est aussi supposée être « logique », et « prégnante », c'est-à-dire identifiable et mémorisable. Quand les détracteurs de Bizet, Wagner ou Debussy leur reprochaient de manquer de mélodie, ils voulaient dire par là qu'ils n'y trouvaient pas leurs repères habituels pour percevoir la logique des relations d'intervalles, pour en discerner et en mémoriser les contours ; toute « prévisibilité » du destin de la mélodie leur était refusée, alors que la possibilité de prévoir et de reconnaître un tant soit peu est à la base de la mélodie classique. Celle-ci a d'ailleurs ses règles implicites, son « canon » ; dans la mélodie idéale, les notes sont souvent liées ou légèrement détachées, mais pas trop ; des notes de passage, des appogiatures, des notes « à côté » de l'harmonie en adoucissent les contours (à tel point que l'on considère comme peu mélodique une phrase formée de notes appuyées trop fermement et trop directement sur l'harmonie sous-entendue) ; la courbe générale ne doit être ni trop plate, ni trop accidentée, ni trop anguleuse, ni trop discontinue. « Ce n'est pas mélodique », dit-on souvent quand les intervalles sont très grands ou très petits. La dialectique de la mélodie réside aussi dans sa liberté surveillée par rapport à son schéma harmonique. Par ailleurs, dans la forme sonate à 2 thèmes, le premier thème, dit « masculin », est souvent plutôt dynamique et rythmique, et le second, dit « féminin », plutôt chantant et mélodique. Le « mélodique » et le « rythmique " s'opposent ainsi souvent comme deux principes complémentaires. Enfin, la notion de « mélodie », même dans la musique instrumentale, renvoie toujours plus ou moins au chant, à la voix humaine et à sa modulation.

2. Le terme de mélodie désigne également un genre musical : il s'agit d'un chant, accompagné ou non, sur des paroles généralement empruntées à des textes poétiques. Plus spécifiquement, la mélodie française est généralement considérée comme le genre correspondant en France au lied allemand, avec toutes les différences dues au contexte musical, linguistique, esthétique. Alors que le lied n'est souvent pas très éloigné, dans sa structure, de la simplicité de la chanson populaire, la mélodie française, genre raffiné, tend à couper ses racines avec la chanson populaire, et même avec la romance, dont elle est issue. Les Nuits d'été de Berlioz, publiées en 1841, seraient le premier grand cycle de mélodies françaises rompant avec la fadeur de la « romance » ; très raffinées et complexes dans leur ligne mélodique, elles ont cependant une ampleur lyrique que retrouvera rarement ce genre dans la musique française. Charles Gounod composa environ 200 mélodies, à couplets, dans l'esprit sentimental de la romance, souvent sur des textes de grands romantiques lyriques (Hugo, Lamartine), de même que Saint-Saëns, alors que les Fauré ou les Debussy préférèrent une poésie plus « impaire » et moins tonitruante. Si Bizet, Massenet, Franck, Lalo et, plus tard, Roussel ont donné des mélodies de valeur, c'est Chabrier qui a introduit dans ses romances de salon et ses airs parodiques (Ballade des gros dindons) une dimension autocritique et même autoparodique, qui se retrouve chez Ravel et Poulenc : pas de grands épanchements vocaux où l'on s'oublie et où le texte n'est que prétexte phonétique. Dans ce monde de pudeur et de « quant à soi », les rares mélodies d'Henri Duparc sont une exception, avec leur lyrisme profond et direct. Fauré, quant à lui, dans sa centaine de mélodies, cultive un art de nuances, évitant les rythmes trop marqués, assujettissant étroitement la ligne mélodique à une harmonie à la fois fluide et imprévisible, qui dilue les relations fortes tonique-dominante-sous-dominante. En contrepartie de ce gain en finesse et en clair-obscur : une moins grande facilité à s'inscrire dans la mémoire ; cette mélodie ne se chantonne pas, ne se transcrit pas, reste solidaire de son harmonie et de son texte, cherchant comme une impossible fusion verbe/musique pour laquelle, respectant l'esprit des poèmes qu'elle illustre, elle devrait renoncer à « prendre ses grands airs ». D'où, peut-être, la relative discrétion d'expression des mélodies, même les plus lyriques de Debussy (sur des poèmes de Baudelaire, de Verlaine, et de lui-même), par rapport aux accents plus forts et directs de son opéra Pelléas. L'extrême raffinement y va de pair avec le refus des abandons sentimentaux. Cette ligne vocale à la fois fluide et émiettée, souple et complexe, se retrouve aussi dans les mélodies de Ravel (Schéhérazade, Histoires naturelles), mais dans un esprit différent, plus sec, nerveux, graphique. Après Debussy et Ravel, le genre se perpétue sans trouver son second souffle, sauf peut-être chez Poulenc, qui écrivit de très nombreuses mélodies à partir de 1912 jusqu'à sa mort, s'affrontant aux poètes modernes (Apollinaire, Eluard, Louise de Vilmorin). Malgré les tentatives de cycles mélodiques pour chant et piano comme l'Harawi de Messiaen, la mélodie française tend à quitter ce cadre intimiste pour transporter ses ambitions dans des cadres plus vastes de cantates, avec effectif instrumental (cycles de Boulez, Barraqué, sur Mallarmé). Par ailleurs, on peut ranger dans le genre des « mélodies » les cycles espagnols de De Falla, norvégiens de Grieg, russes de Glinka, Borodine, Rimski-Korsakov et surtout Moussorgski (Sans soleil, la Chambre d'enfants, Chants et danses de la mort), qui sut être aussi grand et direct que possible dans ce cadre concis et intime de la mélodie accompagnée.