Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
K

Kremer (Gidon)

Violoniste russe et allemand (Riga 1947).

Il reçoit ses premières leçons de violon de son père à l'âge de quatre ans puis étudie à l'École de musique de Riga et au Conservatoire de Moscou auprès de David Oïstrakh. De 1967 à 1973, il est lauréat de plusieurs concours internationaux (Reine Élisabeth de Belgique en 1967, Tchaïkovski en 1970, Montréal, Gênes, etc.) Grâce à l'intervention de David Oïstrakh, il peut donner en 1974 son premier récital à Vienne. En 1978, il est autorisé à séjourner librement en Europe et aux États-Unis et s'installe en Allemagne. Son goût des répertoires originaux et sa technique brillante en font l'une des personnalités les plus intéressantes parmi les violonistes de son temps. Très attiré par la musique de chambre, il fonde en 1981 le Festival de Lockenhaus, carrefour européen d'artistes souhaitant partager de grands moments de musique hors de toute contingence commerciale. En 1992, ce festival prend le nom de KREMERata Musica. G. Kremer a créé un grand nombre d'œuvres contemporaines, de compositeurs soviétiques en particulier (Goubaïdoulina, Denisov, Schnittke, etc.).

Kremsky-Petitgirard (Alain)

Compositeur et chef d'orchestre français (Paris 1940).

Il fit de brillantes études au Conservatoire national de Paris, où il obtint trois premiers prix. Il fut premier grand prix de Rome de composition avec la cantate le Grand Yacht Despair (1962), lauréat du prix Halphen de composition, de la William and Norma Copley Foundation et du prix Stéphane-Chapelier en 1967. Il séjourna à Rome, à la villa Médicis (1963-1967). Il reçut le grand prix musical de la Ville de Paris, le prix Prince-de-Monaco (1968) et le prix du Jeune Travailleur intellectuel (1975). Ses œuvres témoignent d'une imagination fort originale, révélant une réelle préoccupation métaphysique ; citons Harmonies des mondes (1967), Labyrinthe pour orchestre (1968), Paysages métaphysiques (1971), Petite Liturgie (1974), Un paysage serein (1975), Musique pour un temple inconnu (1978).

Krenek (Ernst)

Compositeur américain d'origine autrichienne (Vienne 1900 – Palm Springs, Californie, 1991).

Il aborde la musique dès l'âge de six ans et devient l'élève de Schrecker en 1916. Il écrit dans un style contrapuntique assez strict, inspiré de Bach et de Reger, qui témoigne d'une indépendance déjà grande à l'égard de son maître. En 1920, il le suit à Berlin ; il compose à une cadence rapide des œuvres au rythme et à la structure énergiques, qui le font passer pour révolutionnaire, bien qu'elles soient toujours contrebalancées par un côté conventionnel certain (quatuor op. 6, 1921 ; 2e Symphonie, 1922 ; cantate scénique Der Zwingburg, « la Forteresse », 1922, sur un texte de l'expressionniste Franz Werfel ; Der Sprung über den Schatten, « le Saut par-dessus l'ombre », 1923 ; un Zeitoper, qui parodie Offenbach). C'est à cette époque qu'il se fait connaître à la Société internationale de musique contemporaine ; ses œuvres sont jouées dans les grands festivals. De 1925 à 1927, il exerce la fonction de conseiller artistique de Paul Bekker au théâtre de Kassel, puis, en 1927, de directeur de l'opéra de Wiesbaden. Durant cette période, il compose beaucoup de musique de scène, son style évolue dans le sens de la mode, opérant une sorte de synthèse des styles postromantique, néoclassique et de la musique de jazz. La meilleure réalisation en est certainement Johnny spielt auf (« Johnny mène le jeu »), Zeitoper, créé en 1927, qui fait scandale par la mise en scène des amours d'un Noir et d'une Blanche et assure sa renommée à travers l'Europe. En 1928, il retourne à Vienne, où il rencontre Berg, Webern et Karl Kraus. Après le Reisebuch aus den Österreichischen Alpen (« Journal de voyage des Alpes autrichiennes », 1929), qui fait parler d'un « retour à Schubert », il se tourne vers une écriture plus stricte, proche de celle des Viennois, quoique toujours très souple en regard de la pure technique dodécaphonique. Son opéra Karl V, composé entre 1930 et 1933 et dans lequel il utilise simultanément les ressources de l'opéra classique, du film et du théâtre, est, en fait, une des seules œuvres qui respecte réellement cette technique.

   En 1933, ses positions de musicien d'avant-garde lui font perdre ses appuis : il se met à voyager en tant que conférencier et se produit comme pianiste et chef d'orchestre. En 1938, il s'exile aux États-Unis ; son style change à nouveau. Il s'intéresse au chant grégorien, à la musique du Moyen Âge et du XVe siècle ­ à Ockeghem en particulier ­, et écrit en 1941-42 sa remarquable Lamentatio Jeremiae prophetae pour chœur a cappella sur un cantus firmus confié à une série. Il consacre une part importante de son temps à des activités pédagogiques ­ Vassar College, près de New York, puis université de Saint-Paul dans le Minnesota (1942) ­, avant de s'installer à Los Angeles.

   Les années 50 lui ouvrent le chemin des musiques expérimentales : en 1955-56, il travaille au studio de la radio de Cologne et compose un Pfingstoratorium (« Oratorio de Pâques ») pour voix et sons électroniques. Dans Sestina (1957), il explore jusqu'à l'automatisme la technique sérielle. L'aléatoire et l'ordinateur ne lui restent pas étrangers, et il va jusqu'à employer un jeu de roulette dans l'opéra Ausgerechnet und verspielt (« Calculé et manqué », 1962). Mais il refusera toujours les élucubrations pseudo-scientifiques, fréquentes chez ses contemporains.

   Il faut ajouter encore, pour mieux cerner le personnage, que Krenek ne s'est pas contenté d'écrire pour tous les genres musicaux et de s'adapter aux courants stylistiques les plus divers, de l'expressionnisme à l'art technologique moderne en passant par la Nouvelle Objectivité et le surréalisme (Der goldene Bock, 1964), il a aussi rédigé lui-même la plupart de ses livrets, ainsi qu'un nombre assez important d'œuvres théoriques, esthétiques ou simplement littéraires (Documents de voyage). Tempérament fougueux plus que superficiel, allant toujours au fond des choses et restant critique vis-à-vis de ses propres œuvres et de son époque, Krenek peut être considéré comme une image de cet homme « multidimensionnel », que réclamaient futuristes et tenants de l'école à orientation à la fois artistique et technologique du Bauhaus.