Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Ratz (Erwin)

Musicologue autrichien (Graz 1898 – Vienne 1973).

Élève de Guido Adler (1918-1922), de Schoenberg (1917) et de Webern (1925), il enseigna la théorie à l'Académie de Musique de Vienne et, en 1955, devint président de la Société internationale Gustav-Mahler, dirigeant l'édition complète des œuvres de ce compositeur.

Raugel (Félix)

Musicologue et chef d'orchestre français (Saint-Quentin 1881 – Paris 1975).

Premier prix d'alto au conservatoire de Lille, où il est élève de Charles Queste, il vient à Paris travailler l'orgue avec Decaux, le contrepoint avec Roussel et la composition avec Vincent d'Indy. Chef d'orchestre à la Société Haendel (1909-1914), il devient aussi maître de chapelle à Saint-Eustache en 1911. De 1912 à 1962, il est directeur de l'Orchestre philharmonique de Reims. Il est également maître de chapelle à Saint-Honoré-d'Eylau à partir de 1928, adjoint de Mme Octave Homberg à la tête de la Société des études mozartiennes (1930-1939), et chef des chœurs de la Radio (1934-1947). Il joue un rôle important dans la restauration de la musique sacrée.

   Historien de l'orgue, il a écrit de nombreux ouvrages sur cet instrument, sur ses interprètes et ses compositeurs (les Organistes, 1923, rééd. 1961), sur les buffets d'orgue de la région parisienne, et sur les maîtres de l'ancienne facture française. Parmi ses autres ouvrages, il faut citer Palestrina (1930), le Chant choral (1948, rééd. 1966), l'Oratorio (1948). Il a été directeur musical des disques de l'Anthologie sonore, vice-président de la Société française de musicologie, et membre de la Commission des monuments historiques. Il a collaboré à de nombreuses revues.

Raupach

Famille de musiciens allemands.

 
Christoph, organiste, écrivain et compositeur (Tondern 1686 – Stralsund 1744). Il vécut à Hambourg, puis fut nommé organiste à Stralsund en 1703. Il composa des suites pour clavecin, des cantates.

 
Hermann Friedrich, claveciniste et compositeur (Stralsund 1728 – Saint-Pétersbourg 1778). Fils du précédent, il devint maître de chapelle à Saint-Pétersbourg en 1758, puis se rendit à Paris, où il rencontra en 1764 le jeune Mozart. En 1768, il retourna à Saint-Pétersbourg. Mozart fonda sur des pièces de Raupach l'allegro initial de son concerto pour clavier en fa K.37, les deux mouvements extrêmes de celui en si bémol K.39 et l'andante de celui en sol K.41 (Salzbourg, 1767).

Rautavaara (Einojuhani)

Compositeur finlandais (Helsinki 1928).

Élève de A. Merikanto, A. Copland, V. Persichetti, R. Sessions, V. Vogel et H. Petzold, il se fait connaître aux États-Unis en 1954 avec A Requiem of Our Time op. 3 (1953). Compositeur prolifique, esprit éclectique, Rautavaara est un maître du langage et des sonorités. Son style d'écriture englobe toutes les techniques de composition, qu'il aborde avec un égal bonheur, et il réussit souvent à apparaître comme un moderniste, même quand il traite un matériau musical académique. Esprit cultivé, Rautavaara est professeur de composition à l'Académie Sibelius. Parmi ses ouvrages les plus importants ou les plus joués, citons Pelimmanit op. 1 pour piano (1952), 2 Préludes et fugues op. 36 pour violoncelle et piano (1965), 5 symphonies (1956, 1957, 1961, 1964, 1986), 4 quatuors à cordes (1952, 1958, 1965, 1975), Cantus articus pour orchestre et bande (1972), des opéras, dont Kaivos (« la Mine », 1963), Apollon contra Marsyas (1970), le Rapt du Sampo (1983), Thomas (1985), Vincent (1990).

Rauzzini (Venanzio)

Castrat et compositeur italien (Camerino, près de Rome, 1746 – Bath 1810).

Il étudia à Rome et peut-être à Naples avec Porpora, et débuta comme chanteur à Rome en 1765. Son premier opéra, Pirame e Tisbe, fut écrit pour Munich en 1769. En janvier 1773, à Milan, Mozart composa pour lui son motet Exsultate, jubilate. À la fin de 1774, Rauzzini s'installa définitivement en Angleterre. Il chanta au King's Theatre de Londres jusqu'en 1777, date à laquelle il choisit comme résidence la ville de Bath. Là, il s'occupa de concerts dans le cadre desquels il joua et chanta ses propres œuvres. Il séjourna aussi à Dublin en 1778 et revint plusieurs fois à Londres. En août 1794, il reçut à Bath la visite de Haydn, qui composa à la mémoire de son chien le canon Turk was a faithful dog and not a man (« Turk était un chien fidèle et non un homme »).

ravalement

Technique utilisée aux XVIIe et XVIIIe siècles, et consistant à prolonger en « aval », c'est-à-dire vers le grave, l'étendue normale du clavier d'un instrument, principalement clavecin et orgue. On pratiqua le petit ravalement (descente de l'ut au sol) ou le grand ravalement (extension d'une octave entière). À l'orgue, le ravalement s'exerça surtout sur les jeux d'anche du pédalier ; on trouve ainsi des jeux de 12 pieds (commençant au sol inférieur de l'ut de 8 pieds, et sonnant à l'octave normale), et même des jeux de 24 pieds (commençant au sol inférieur de l'ut de 16 pieds et sonnant à l'octave grave). La généralisation de l'extension des claviers au XIXe siècle a rendu inutile le procédé du ravalement.

Ravel (Maurice)

Compositeur français (Ciboure 1875 – Paris 1937).

D'origine savoyarde et suisse du côté paternel, Maurice Ravel naît au Pays basque, qui est le pays de sa mère, le 7 mars 1875. Il a trois ans lorsque son père, un ingénieur qui joint à ses connaissances scientifiques une culture artistique des plus étendues, s'installe à Paris. Ce père avisé veille sur les premières études musicales de son fils. Maurice Ravel entre au Conservatoire de Paris en 1889, à l'âge de quatorze ans ; il a pour professeurs Charles de Bériot (piano), Émile Pessard (harmonie), André Gédalge (contrepoint et fugue), Gabriel Fauré (composition) et poursuit ses études jusqu'en 1900. En 1901, il remporte un second prix au Concours de Rome, avec la cantate Myrrha. En 1902 et 1903 il se présente à nouveau, sans succès, au Concours de Rome, et en 1905, une dernière fois, il tente sa chance. On lui refuse l'accès au concours car il a dépassé de quelques mois la limite d'âge. Jugé scandaleux, ce refus provoque une campagne de presse et finit par entraîner la démission du directeur du Conservatoire, Théodore Dubois, qui est remplacé par Gabriel Fauré. Défenseur d'une tradition figée, Théodore Dubois n'a vu en Maurice Ravel qu'un révolutionnaire. Le scandale est, selon lui, qu'un élève du Conservatoire ait osé proclamer son admiration pour Emmanuel Chabrier, fréquenter Erik Satie et commettre dans ses devoirs des « incorrections terribles d'écriture ».

   Gabriel Fauré, au contraire, a jugé Maurice Ravel avec bienveillance, découvrant en lui un « très bon élève, laborieux et ponctuel » et « une nature musicale très éprise de nouveauté, avec une sincérité désarmante ». Il faut préciser qu'en 1905 Maurice Ravel est déjà un compositeur connu et discuté. Dès 1895, sa personnalité s'est affirmée avec le Menuet antique et la Habanera ; elle s'est définitivement confirmée en 1901 avec les Jeux d'eau, en 1903 avec le Quatuor en « fa » et Schéhérazade.

   Enfin délivré des soucis du prix de Rome, entre 1905 et 1913, Maurice Ravel compose la part la plus importante de son œuvre : la Sonatine, les Miroirs, les Histoires naturelles, la Rhapsodie espagnole, l'Heure espagnole, Ma mère l'Oye, Gaspard de la nuit, les Valses nobles et sentimentales, Daphnis et Chloé, les Trois Poèmes de Stéphane Mallarmé. En 1910, il est un des fondateurs de la S. M. I. (Société musicale indépendante) qui s'oppose à la Société nationale de musique, soumise à l'influence de Vincent d'Indy et devenue trop conservatrice. En 1911, il fait entendre à la S. M. I., sans nom d'auteur, ses Valses nobles et sentimentales, et le public, décontenancé, ne sait à qui les attribuer. L'Opéra-Comique monte, en 1911, l'Heure espagnole, qui n'est guère mieux accueillie que ne l'ont été, en 1907, les Histoires naturelles. Ni l'exacte prosodie qu'adopte le musicien, ni son humour, ni sa poésie, qui se situe entre le familier et le féerique, ne sont compris du public.

   En 1912, Daphnis et Chloé, commandé par Diaghilev, est créé aux Ballets russes dans les décors de Bakst et la chorégraphie de Fokine, avec Nijinski et Karsavina dans les deux premiers rôles ; Pierre Monteux est au pupitre. L'année suivante, Ravel rencontre Stravinski qui vient d'écrire ses Poèmes de la lyrique japonaise et lui parle du Pierrot lunaire de Schönberg. Utilisant une formation instrumentale analogue à celle de ces deux ouvrages, il compose alors ses Trois Poèmes de Mallarmé. Il vient de terminer, en 1914, un Trio pour piano, violon et violoncelle lorsque la guerre survient. Maurice Ravel obtient, à force de démarches, d'être engagé comme conducteur de camion. Envoyé sur le front, du côté de Verdun, il tombe malade en 1916 et il est démobilisé en 1917. Cette année-là, il termine le Tombeau de Couperin, suite de six pièces pour piano dédiées à des amis morts au combat.

   Sa santé est ébranlée ; la mort de sa mère, au début de 1917, l'a profondément affecté. Maurice Ravel ne reprend qu'en 1919 un projet qui lui tient à cœur, la composition d'un poème chorégraphique, la Valse, auquel il pense depuis 1906 et qui n'est créé qu'en 1928. Promu chevalier de la Légion d'honneur en 1920, Maurice Ravel refuse cette distinction. Son style évolue. Il recherche maintenant un art dépouillé, sans surcharges ni enjolivures. Cette esthétique, à vrai dire, a toujours été la sienne. Lorsqu'il s'est approché de l'impressionnisme (Jeux d'eau, Miroirs), c'est moins en coloriste qu'en graveur au trait parfois acéré. Quant au droit à la dissonance, les Valses nobles et sentimentales l'ont déjà revendiqué.

   La Sonate pour violon et violoncelle (1920-1922) marque toutefois un tournant dans la carrière du musicien, tournant qu'il caractérise lui-même en ces termes : dépouillement poussé à l'extrême, renoncement au charme harmonique, réaction de plus en plus marquée dans le sens de la mélodie. Il n'en reste pas moins que les chefs-d'œuvre de la dernière période de sa vie créatrice, l'Enfant et les Sortilèges (créé à Monte-Carlo en 1925) les deux Concertos pour piano et orchestre (1929-1931), en échappant aux impératifs d'une esthétique trop caractérisée, libèrent le lyrisme et l'imagination du compositeur.

   Une tournée de concerts aux États-Unis, en 1928, une autre en Europe centrale, en 1932, après la création du Concerto en « sol » par Marguerite Long, permettent à Maurice Ravel de mesurer sa célébrité à l'étranger ; mais, en 1933, la maladie le frappe. Les médecins diagnostiquent une affection cérébrale. Diminué, condamné à l'inaction, mais demeuré lucide, le musicien survivra quatre ans encore. Une intervention chirurgicale est tentée en vain. Maurice Ravel meurt le 28 décembre 1937. Il est inhumé au cimetière de Levallois et sa maison de Montfort-l'Amaury, où il vécut de 1921 à sa mort, est maintenant un musée.