Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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orgue de barbarie

Orgue mécanique, portatif, dont l'élément moteur est un cylindre à picots mû par une manivelle.

Chaque picot déclenche au passage une soupape correspondant à un ou plusieurs tuyaux, alimentés en air par un jeu de soufflets.Cet instrument forain ne doit évidemment rien à quelque pays réputé barbare. Son nom populaire n'est qu'une déformation de celui de son inventeur, un facteur de Modène qui s'appelait Barbari ou Barberi.

orgue électronique

Instrument moderne, à un ou plusieurs claviers, dont la source sonore consiste en une batterie de haut-parleurs alimentée par un jeu plus ou moins complexe de transistors.

Les semi-conducteurs peuvent en effet fournir des fréquences d'une précision mathématique, et par conséquent des sons d'une hauteur donnée, dont diverses combinaisons permettent de modifier le timbre. Les orgues électroniques les plus perfectionnés parviennent ainsi à reproduire la plupart des jeux de l'orgue classique à tuyaux, plus quelques effets douteux de vibrato ou autres, sans parler des modèles qui fournissent un accompagnement préfabriqué sur des rythmes de valse, de tango, etc. La réputation de l'orgue électronique souffre évidemment des excès de certains fabricants, qui basent leur publicité sur la paresse ou l'ignorance de l'acheteur éventuel. Mais elle mérite mieux, qu'il s'agisse de l'instrument économique à quatre octaves sur un seul clavier, destiné aux enfants et aux amateurs débutants, ou du grand modèle à deux claviers et pédalier qui permet de jouer tout le répertoire classique. La qualité du son n'est certainement pas celle d'un orgue à tuyaux, mais l'encombrement et le prix de revient sont tellement moindres que de nombreuses paroisses l'ont sagement adopté de préférence au vieil harmonium, dont les ressources sont beaucoup plus limitées.

Ormandy (Eugene)

Chef d'orchestre américain d'origine hongroise (Budapest 1899 – Philadelphie 1985).

Il entre à cinq ans à l'Académie royale de Budapest, pour y apprendre le violon, et donne, deux ans plus tard, ses premiers concerts. Ayant achevé ses études auprès de Jenö Hubay à quatorze ans, il enseigne lui-même trois ans plus tard. Il quitte l'Europe avec une place de premier violon dans l'orchestre Blüthner (obtenue en 1917) pour une tournée aux États-Unis qui tourne court. Devenu premier violon au Théâtre du Capitole de New York, établissement voué au cinéma muet, il remplace en 1924 le chef d'orchestre. D'orchestres de musique légère en concerts radiodiffusés, il en vient à diriger en 1930 les concerts d'été de l'Orchestre de Philadelphie et, l'année suivante, remplace trois fois Toscanini dans des programmes classiques. Minneapolis lui offre, de 1931 à 1936, la direction de son orchestre, avec lequel il se fait connaître par ses premiers enregistrements. Rappelé par l'Orchestre de Philadelphie pour diriger en alternance avec Leopold Stokowski, il en devient directeur musical unique de 1938 à 1980.

   Proche par goût personnel du répertoire postromantique du tournant du siècle, Ormandy a créé de nombreuses partitions relevant de cette esthétique : danses symphoniques de Rachmaninov, troisième concerto pour piano de Bartók (avec G. Sandor, en 1946), Diversions pour la main gauche de Britten, des pages de Roger Sessions, Samuel Barber, etc. Il a également réalisé d'importants enregistrements, dont le premier de la symphonie no 10 de Mahler reconstituée par Deryck Cooke. Son style, mélange de virtuosité et de perfectionnisme, a transformé le Philadelphia Orchestra en une des plus remarquables phalanges des États-Unis.

ornement (en all. verzierungen, en angl. ornaments, en it. abbellimenti)

Dans la musique vocale et instrumentale, les ornements constituent toute une gamme d'embellissements destinés à agrémenter les lignes mélodiques d'une composition. Ils doivent toujours conserver le caractère d'une improvisation spontanée même lorsque ces ornements ont été notés avec précision par le compositeur.

   C'est à l'époque baroque, au moment où le bel canto atteint son apogée sous le règne des castrats, que l'art des ornements connaît une période de virtuosité éblouissante en même temps que des abus inévitables. L'interprète, de nos jours, doit redécouvrir d'abord la technique instrumentale ou vocale qui lui permet d'improviser librement, voire aisément, mais il doit surtout y prendre plaisir et être conscient qu'un trop grand respect de la note écrite revient à trahir les intentions du compositeur. Celui-ci, aux XVIIe et XVIIIe siècles, soutenu par les théoriciens qui étaient souvent eux-mêmes des instrumentistes, considérait les ornements (écrits ou improvisés) comme un élément indispensable à sa musique et ne s'indignait que contre les excès.

Techniques et théories

Avant l'invention de la notation musicale, les ornements improvisés autour d'un chant ont certainement existé, tant ils sont naturels. On peut d'ailleurs en relever des exemples dans les musiques traditionnelles d'un grand nombre de pays extra-européens encore aujourd'hui. Lorsque la notation neumatique (NEUMES) est employée au IXe siècle pour codifier le répertoire de l'Église, les fioritures sont indiquées au moyen de neumes d'ornement tels que le « quilisma », l'« ancus » et le « torculus ». Avec l'avènement de la notation mesurée au XIIIe siècle, la plique (barre verticale ajoutée à une note) appelle un ornement qui est une sorte d'appoggiature.

   Pendant tout le Moyen Âge et la Renaissance, la pratique des ornements est très répandue. Suivant l'exemple des improvisations des chanteurs, les instrumentistes à leur tour introduisent des ornements. C'est ainsi que, chez G. Gabrieli par exemple, un simple thème de chanson française est transformé, grâce aux ornements écrits et ajoutés, en une canzona instrumentale aux traits souvent virtuoses dans chacune des parties de la polyphonie.

   Vers la fin du XVIe siècle apparaissent des traités exposant les diverses techniques de l'ornementation, sans doute pratiquées depuis longtemps déjà (les instrumentistes Ganassi, Ortiz et Dalla Casa ; les chanteurs Maffei, Conforto et Bovicelli). Le talent pour exécuter toutes sortes de passages (« passaggi ») dans chacune des voix d'un madrigal italien s'est cultivé au fil des années et offre un témoignage de la maîtrise technique atteinte par les chanteurs qui nous semble redoutable à l'époque actuelle. Le traité de Dalla Casa (Il vero modo di diminuir, 1584, rééd. 1970) contient un madrigal de C. de Rore (Tanto mi piaque) où les quatre voix sont ornées de diminutions. La même méthode transforme une pièce vocale en pièce de clavier ; de là découle la variation, où les valeurs des notes sont progressivement réduites au cours de la série. C'est une forme souvent employée par les virginalistes anglais (J. Bull, W. Byrd, G. Farnaby, etc.).

   À la " fancy " des Anglais répond la " fantasia " et le " ricercare " des maîtres italiens. En France, l'instrument polyphonique préféré demeure le luth ; pour lui sont adaptés des chansons, des motets et airs de cour.

   G. Zarlino, reprenant Platon, précise que l'harmonie et le rythme doivent être les serviteurs de la parole (Istitutioni armoniche, 1558) : idée humaniste fondamentale et point de départ d'une rédaction contre les complexités de la musique polyphonique qui rendaient le texte inintelligible. Ses partisans estimaient que la parole serait mieux servie par une voix seule déclamant en musique, avec une certaine liberté rythmique, les passions exprimées dans le texte. Ces passions (" affetti ", mouvements de l'âme) se rehaussaient de tout un choix d'ornements que G. Caccini expose dans la préface de ses Nuove Musiche (1601) : " trillo " (répétition de plus en plus rapide d'une seule note), " gruppo " (notre trille habituel), " cascata " (trait rapide descendant), " ribattuta di gola " (inégalisation des croches ou doubles croches pour rendre le chant plus gracieux). Il suffit d'analyser les œuvres de l'époque pour les retrouver.

L'ornementation en Europe au XVIIe siècle

Si en Italie, au cours du XVIIe siècle, l'ornementation devient de plus en plus le domaine de l'interprète (voix et violon surtout), la France préfère un système mieux défini. Afin d'agrémenter la mélodie, on se sert de signes, introduits d'abord par les luthistes, ou alors on prend soin d'écrire la version ornée d'un air de cour par exemple.

   Celle-ci, la seconde strophe, prend le nom de « double » et les ornements contribuent à effacer les difficultés créées par la prosodie. Le chanteur Michel Lambert a laissé de fort beaux exemples notés de cet art.

   Chez les clavecinistes français, le terme « double » est synonyme de variation. Un genre particulièrement original caractérise leur musique : le prélude non mesuré que F. Couperin qualifie de « composition libre où l'imagination se livre à tout ce qui se présente à elle ». Sur un vague schéma en valeurs longues accompagnées de quelques dessins mélodiques, l'interprète orne à son gré afin de se chauffer les doigts. Quant au chant français de cette époque, B. de Bacilly, dans son ouvrage Remarques curieuses sur l'art de bien chanter (1688, rééd. 1971), décrit les ornements les plus usuels (port de voix, accent ou plainte, tremblement, cadence et double cadence, soutien de la voix, expression ou souci des passions exprimées dans le texte, doublement d'une note, diminution) mais ne donne pas d'exemples notés. Le choix de tel ou tel ornement par le chanteur est déterminé par le texte poétique et par le bon goût. En revanche, les luthistes, clavecinistes et organistes français ont rédigé des tables d'agréments pour embellir la mélodie, sans doute à l'imitation des chanteurs, mais aussi afin de prolonger les sons des instruments à cordes pincées. Les auteurs ne sont pas toujours d'accord au sujet de la nomenclature ni de la manière d'exécuter certains ornements.

   Située à mi-chemin entre les styles français et italien, l'école allemande adopte une attitude modérée à l'égard des ornements improvisés. J.-S. Bach va jusqu'à noter lui-même ses fioritures, notamment les mouvements lents, ce qui a entraîné une certaine réticence de la part des interprètes modernes, par exemple devant la possibilité d'exécuter un trille sous-entendu à une cadence.