enchaînement
Manière de faire se succéder de façon cohérente les sons, les accords ou les différentes parties du discours musical.
On réserve aussi parfois le nom d'enchaînement à des fragments plus ou moins formulaires sans valeur signifiante intrinsèque, dont le seul objet est d'établir une liaison entre deux éléments successifs. Sur les principes d'enchaînement en ce qui concerne les sons et les accords, voir l'article conjonction. On appelle enfin « enchaînement » la succession sans interruption de deux morceaux ou mouvements distincts ; l'enchaînement est alors indiqué dans la partition par le mot « attaca ».
Encina (Juan del)
Compositeur et poète espagnol (Salamanque 1468 – León v. 1529).
Fils d'un cordonnier, il devint l'élève de Nebrija à l'université de Salamanque, puis entra au service du duc d'Albe et eut la charge des diverses manifestations artistiques organisées par cette illustre famille. C'est ainsi qu'il composa et dirigea en 1492 un poème pastoral (églogue) ayant pour sujet la Nativité. Au cours de sa carrière, il cultiva d'ailleurs particulièrement le genre de l'églogue, dans sa forme espagnole des autos sacramentales, qui annonce l'oratorio (Auto del Repelón, etc.). Encina lui-même précise que la plupart de ses œuvres poétiques et musicales furent composées avant l'âge de vingt-cinq ans, c'est-à-dire avant son départ pour Rome, lié au fait qu'il n'avait pas obtenu le poste de maître de chapelle qu'il convoitait à Salamanque. Il fit plusieurs séjours à Rome entre 1500 et 1516. Au cours du dernier (1514-1516), il publia sa Farsa de Placida y Victoriano. Lors d'un voyage en Terre sainte, il fut ordonné prêtre, et sa première messe (1519) lui inspira une description poétique (Tribagia, 1521). De 1523 à sa mort, il occupa les charges de chanoine de León et Málaga.
Encina fut surtout un compositeur de villancicos ou chansons d'amour. Une centaine environ, constituant la majeure partie de son œuvre, ont été conservées, notamment dans deux chansonniers, essentiellement le Cancionero del Palacio (1496, rééd. par H. Anglés : Monumentos de la música española, vol. V, 1947 ; X, 1951 ; XIV, 1953), mais aussi le Cancionero de Upsala, paru à Venise en 1556 (rééd. par J. Bal y Gay, El Colegio de México, 1944). Dans ces pièces bien équilibrées, le plus souvent à 4 voix, l'expression du lyrisme et de l'émotion se fait à travers une technique de plus en plus maîtrisée, donnant une impression de simplicité ; on y remarque la qualité de l'invention mélodique, en particulier celle du superius, et la correspondance exacte de la musique avec les textes. Certaines pièces laissent même prévoir de manière surprenante, dans l'importance accordée au texte, la réforme que devait connaître l'Italie à la fin du XVIe siècle.
Encinar (José Ramón)
Compositeur espagnol (Madrid 1954).
Il a travaillé la guitare et étudié au conservatoire de sa ville natale, puis à l'Accademia Chigiana de Sienne avec Franco Donatoni en 1971 et (après une année à Milan) en 1972. Depuis 1973, il dirige à Madrid le groupe Koan, spécialisé dans l'exécution des œuvres contemporaines, et, depuis 1976, enseigne comme assistant la composition à l'Accademia Chigiana. Il a écrit notamment un quintette pour piano et cordes (1969) et un autre pour harpe, clavecin, guitare, alto et violoncelle (1971), Homenaje aJ. Cortazar pour voix et 4 instruments (1971), Intolerancia pour 19 cordes (1972), Abhava pour guitare et bande (1972). Tukuna pour 4 clarinettes (1973), Cum plenus forem enthusiasmo pour vihuela et 10 instruments (1973), El aire de saber cerrar los ojos pour guitare à 10 cordes (1975), Ballade pour soprano et harpe sur des textes de Charles d'Orléans (1978), Concert Movement pour clarinette et orchestre de chambre (1979), Canción pour voix et instruments sur un texte de Luis Cernuda (1981).
enclume
Instrument à percussion de la famille des « métaux ».
Il consiste en une série de blocs d'acier de différentes longueurs posés sur socle qui fait caisse de résonance. Ces blocs sont frappés avec un marteau. Un emploi de cet instrument à des fins descriptives se rencontre, par exemple, dans le chœur des gitans du Trouvère, de Verdi, ou dans l'Or du Rhin, de Wagner.
Endrèze (Arthur Kraekmer, dit)
Baryton américain (Chicago, États-Unis, 1893 – id. 1975).
Venu en France en 1918, il entra au conservatoire américain de Fontainebleau, où il fut l'élève de Charles Panzéra, puis travailla avec Jean de Reszké. Il débuta à Nice en 1925 dans le rôle de Don Juan, et fut engagé à l'Opéra de Paris en 1929 (débuts dans Valentin de Faust). Quoique invité à se produire à l'étranger, il fit ensuite l'essentiel de sa carrière à l'Opéra-Comique et surtout à l'Opéra, où il chanta une grande variété de rôles du répertoire français, allemand et italien et créa de nombreux ouvrages, dont Guercœur de Magnard (1931), et Maximilien (rôle de Herzfeld, 1932) de Milhaud. Il fut aussi le créateur du rôle de Metternich dans l'Aiglon d'Ibert et Honegger à l'Opéra de Monte-Carlo en 1937. Endrèze fut un chanteur modèle par son phrasé et sa diction, et un artiste complet, musicien et acteur exceptionnel. Iago dans Otello de Verdi et Hamlet dans l'opéra d'Ambroise Thomas comptent parmi les rôles qu'il marqua de son empreinte.
Enesco (George)
ou George Enescu
Compositeur, violoniste, pianiste et chef d'orchestre roumain (Liveni-Vîrnav, près de Dorohoi, 1881 – Paris 1955).
Il fit de 1888 à 1894 des études au conservatoire de la Société des amis de la musique de Vienne, notamment avec J. Hellmesberger (musique de chambre) et J. Hellmesberger Jr (violon) ; ce dernier lui fit rencontrer Brahms. En 1894, Enesco composa ses premières œuvres : une Introduction et une Ballade pour piano. Il se rendit à Paris et y fut au Conservatoire, de 1895 à 1899, l'élève de Marsick et White (violon), Ambroise Thomas et Théodore Dubois (harmonie), Gédalge (contrepoint), Massenet et Fauré (composition). Il trouva dans la capitale française un milieu artistique et intellectuel qui stimula ses facultés. La princesse Bibesco l'introduisit dans les cercles musicaux, le présenta à Saint-Saëns, ainsi qu'à Édouard Colonne qui dirigea en 1898 la première audition du Poème roumain. La même année, Enesco créa aux côtés de Cortot sa 1re Sonate pour violon et piano. En 1900, il se produisit pour la première fois comme violoniste aux concerts Colonne : ce fut le début d'une grande carrière de soliste, comprenant notamment des tournées aux États-Unis à partir de 1923, carrière qui n'interrompit pas son activité de compositeur, dont une des dates essentielles est 1931 ; cette année vit l'achèvement de l'opéra Œdipe, œuvre qui avait préoccupé Enesco pendant trente ans et devait être créée à l'Opéra en 1936. En 1937, il épousa la princesse Cantacuzène. Après la Seconde Guerre mondiale, il participa à Bucarest à une exécution de l'intégrale des Quatuors de Beethoven et travailla à ses dernières œuvres : le 2e Quatuor à cordes (1950-1953), la Symphonie de chambre pour 12 instruments solistes (1954) et le poème symphonique Vox maris (1950).
Enesco fut un musicien complet, aux dons riches et multiples, et un éminent professeur de violon, qui eut notamment pour élève Yehudi Menuhin. Son auréole d'interprète a trop souvent fait oublier la profonde originalité de ses compositions. Dans celles-ci, il s'inspira du folklore de son pays, mais son évolution tendit vers une utilisation de plus en plus sublimée de celui-ci. Le folklore assume encore un rôle pittoresque dans les deux Rhapsodies roumaines (1901). Mais déjà vers la même époque, il est mieux maîtrisé dans la 1re Symphonie (1905), qui utilise le langage polyphonique de la fin du XIXe siècle, notamment celui de Brahms, avec une parfaite domination mais sans académisme, dans la 2e Sonate pour violon et piano (1899), l'Octuor (1900), le Dixtuor (1906), qui font une synthèse originale entre une inspiration nourrie des grandes traditions classiques et romantiques et un chant puisant aux sources populaires. Mais c'est dans la 3e Sonate pour violon et piano « dans le caractère populaire roumain » (1926) que le génie d'Enesco éclate vraiment : ici le folklore est transcendé, le chant du violon jaillit, entièrement inventé et comme improvisé librement, plus brûlant encore que chez ces « lăutari » qui ont bercé l'enfance du compositeur.
Dans cette assimilation « organique » du folklore, Enesco, tout en retrouvant le chant profond de sa race, utilise une écriture audacieuse, avec des recherches de timbres qui évoquent Schönberg et Webern et des quarts de ton que l'on retrouve dans Œdipe. Dans cet opéra puissant et généreux, un riche matériau musical traduit la grandeur du mythe grec et sa force tragique. La noble figure d'Œdipe acquiert ici une dimension universelle et une profonde signification humaine, symbolisant le pathétique combat de l'homme contre le Destin. C'est la clef de voûte de l'œuvre d'Enesco. Les dernières œuvres comme le 2e Quatuor à cordes et la Symphonie de chambre utilisent une construction chère au compositeur : une forme cyclique où les idées musicales se perpétuent d'un mouvement à l'autre, se métamorphosent progressivement, et ne se développent complètement qu'à la fin de l'œuvre tout entière, réalisant ainsi l'intégration des mouvements dans une unité morphologique supérieure.