Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
C

clarino

Nom donné, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, à une sorte de trompette qui permettait d'exécuter les passages suraigus que comporte fréquemment la musique baroque, et dont l'exemple le plus célèbre est fourni par le Deuxième Concert brandebourgeois de J. S. Bach. Si l'existence de cet instrument ne fait aucun doute, les musicologues en sont encore réduits aux hypothèses sur sa nature exacte et sa construction, car aucun exemplaire n'est parvenu jusqu'à nous. La trompette naturelle ­ c'est-à-dire démunie des pistons qui ne furent mis au point que vers 1830 ­ n'émet en effet que les harmoniques du son fondamental, harmoniques qui ne se suivent par degrés conjoints que dans une tessiture très élevée, purement théorique en ce qui concerne les instruments de perce et de dimensions normales. On a évoqué la possibilité d'une trompette à anche, ou à trous, ou comportant à la fois une anche et des trous. Mais de récentes tentatives de reconstitution donnent à penser que le clarino était plutôt une véritable trompette munie d'une très petite embouchure, dont le très long tube était plusieurs fois enroulé sur lui-même, en forme de cercle, à la manière du cor de poste (posthorn). Encore l'instrument de ce type exige-t-il une prodigieuse virtuosité, mal récompensée par la fausseté de la plupart des notes. Le clarino est aujourd'hui avantageusement remplacé par la petite trompette en si bémol aigu à quatre pistons, le quatrième ayant pour effet de transposer l'instrument dans le ton de fa.

Clarke (Jeremiah)

Organiste et compositeur anglais ( ? 1673/74 – Londres 1707).

Organiste à l'université de Winchester de 1692 à 1695, puis, à partir de 1695, à la cathédrale Saint-Paul de Londres, il y succéda à John Blow en 1703 à la tête du chœur. L'année suivante, il fut nommé, avec W. Croft, organiste de la chapelle royale dont il était membre depuis 1700. Il ne conserva ce poste que trois ans, puisqu'il mit fin à ses jours en 1707.

   Clarke composa essentiellement de la musique religieuse (une vingtaine d'anthems, deux services et des psaumes), de la musique de scène (il était compositeur du Théâtre royal), des œuvres de circonstance (odes et anthems à l'occasion d'un couronnement ou d'une bataille) et des pièces pour clavecin. Compositeur très apprécié en son temps, il est en grande partie oublié à l'heure actuelle, car son style s'est vite démodé. Il est surtout intéressant comme figure intermédiaire entre la vieille musique Tudor et le style galant. Il est également le premier à avoir mis en musique sous forme d'ode à sainte Cécile l'Alexander's Feast de John Dryden (connu dans la version de Haendel). Son œuvre la plus célèbre est sans aucun doute The Prince of Denmark's March, qui fut longtemps attribuée à Purcell dans une version remaniée (Trumpet Voluntary).

Clarke (John)
ou John Clarke-Whitfield

Organiste et compositeur anglais (Gloucester 1770 – Holmer 1836).

Après des études à Oxford, il partit en 1789 en Irlande, où il occupa différentes positions d'organiste et de chef de chœur (à Ludlow, Dublin et Armagh). À la suite de la révolte de 1799, il rentra en Angleterre pour y exercer, jusqu'en 1820, les mêmes fonctions au Trinity College et au Saint John's College de Cambridge, où il fut nommé professeur de musique en 1821. En 1820, il devint organiste et chef de chœur à la cathédrale d'Hereford, poste qu'il abandonna en 1832.

   Musicien infatigable, Clarke est l'auteur de mélodies, de glees, d'un oratorio (The Crucifixion and the Resurrection), et surtout d'une anthologie en quatre volumes de services religieux et d'anthems (Cathedral Music). Il a publié, en outre, un recueil de trente anthems de maîtres contemporains, et a effectué de nombreux arrangements, en particulier des œuvres de Haendel.

classicisme

Terme tendant parfois à se confondre avec l'expression « musique classique ».

Très employé, quoique souvent de façon ni claire ni précise, il recouvre, selon les périodes ou les pays, des réalités fort diverses. La musique « classique » peut s'opposer à celle dite « populaire » ou « légère », et comprend alors toute la musique savante (ou « sérieuse ») européenne, de Pérotin aux successeurs de Boulez. Dans ce contexte « savant », on peut distinguer musique classique et musique contemporaine, et faire débuter celle-ci avec Debussy, par exemple, ou avec la génération Boulez-Stockhausen. Mais on appelle « classique » contemporain une personnalité ou une œuvre dont la situation et le rang ne sont plus contestés par les spécialistes, ni même parfois par le grand public, ce qui est le cas de nombreuses partitions de Boulez ou de Stockhausen. Dans le même ordre d'idée, on considère Schubert comme le représentant « classique » du lied allemand et Liszt comme celui du poème symphonique, car ils furent les premiers à donner, de ces genres respectifs et dans un contexte historique et esthétique précis, des spécimens convaincants, exemplaires et durables. Mais Schubert et Liszt relèvent de ce qu'on appelle traditionnellement le romantisme musical.

   Et de fait, on oppose aussi musique classique à musique romantique, musique baroque, musique de la Renaissance, musique médiévale. En ce sens, le classicisme versaillais de Lully (1632-1687) à Rameau (1683-1764) et le classicisme viennois de Haydn (1732-1809), Mozart (1756-1791) et Beethoven (1770-1827) correspondirent bien à deux âges d'or, mais ne se confondirent ni dans le temps ni surtout esthétiquement. Le premier fut essentiellement d'Ancien Régime, le second annonciateur et contemporain de la Révolution française. Et le passage de l'un à l'autre fut symbolisé par un événement culturel d'importance, la Querelle des bouffons (1752). Ils n'ont pas toujours cultivé les mêmes formes, et leurs architectures, leurs dynamiques musicales sont inconciliables, y compris dans les genres pratiqués par l'un et par l'autre, comme le concerto et surtout l'opéra (le quatuor à cordes et la symphonie ne reçurent leurs lettres de noblesse qu'avec le classicisme viennois, historiquement la première « école » qui n'eut jamais besoin d'être redécouverte).

   À noter qu'en musique, comme en littérature, le terme « classique » est d'invention assez récente (v. 1800), et chronologiquement plutôt postérieur à celui de musique « romantique », celui-ci ayant largement suscité celui-là. Il reste que, à partir de Goethe, l'opposition classicisme-romantisme en musique agita beaucoup les esprits, notamment chez les écrivains. Beaucoup se préoccupèrent surtout de défendre un programme : d'où les premières accusations de sécheresse, de pédantisme et de formalisme lancées contre le « classicisme », ce qui est aussi absurde que de le définir uniquement, même en prônant ces vertus, par rigueur formelle, raison, logique et bon goût. Alors que E. T. A. Hoffmann venait de qualifier Haydn et Mozart (et a fortiori Beethoven) de romantiques en raison de leur rôle dans l'émancipation de la musique instrumentale, seule capable selon lui, par son abandon des paroles, du programme, d'exprimer l'inexprimable, et que la génération de 1830 s'apprêtait à redécouvrir Bach (1685-1750), contemporain de Rameau, Goethe lui-même alla sans doute au cœur du problème : « Technique et mécanisme poussés à l'extrême conduisent les compositeurs à un point où leurs œuvres cessent d'être de la musique, et n'ont plus rien à voir avec les sentiments humains ; confronté à elles, on ne peut rien apporter qui vienne de son propre esprit ou de son propre cœur » (lettre à Eckermann, 12 janvier 1827). Cette phrase méconnue, selon laquelle n'est plus musique celle qui par sa puissance despotique paralyse l'auditeur et le prive de son pouvoir d'imagination, en dit long sur Goethe et sur ses goûts, mais n'en touche pas moins un point essentiel en affirmant que « c'est précisément l'équilibre des fonctions de l'artiste et de l'auditeur qui caractérise l'attitude classique » (Friedrich Blume).