Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
H

Händel (Georg Friedrich)
ou Georg Friedrich Haendel

Compositeur allemand, naturalisé anglais en 1726 (Halle 1685 – Londres 1759).

Fils de Georg Händel (1622-1697), chirurgien-barbier, et de Dorothéa Taust (1651-1730), épousée en secondes noces en 1683, Georg Friedrich Haendel montra très tôt, pour la musique, des dons exceptionnels que seules sa mère et sa tante devinèrent. Ayant décidé de faire de lui un juriste, son père, homme tenace et sévère, refusa que le duc de Saxe, vers 1694, puis le roi Frédéric Ier de Prusse, rencontré à Berlin en 1696, prissent soin de son éducation musicale. Il accepta toutefois de confier l'enfant à Zachow, remarquable musicien de Halle, qui lui enseigna fugue, contrepoint, composition, ainsi que la pratique de plusieurs instruments (clavecin, orgue, violon, hautbois, peut-être violoncelle). Zachow lui fit surtout découvrir les maîtres contemporains, allemands et italiens (Froberger, Kerll, Ebner, Alberti, Strungk, Krieger).

Au contact des milieux musicaux de l'époque

Fidèle à la promesse faite à son père et pour complaire à sa mère (deux traits de caractère majeurs du musicien), Haendel poursuivit ses études au lycée, devint organiste de la cathédrale de Halle en mars 1702 ; mais, avide de plus larges horizons, il résilia dès 1703 son contrat et se rendit à Hambourg. Mattheson l'introduisit alors dans les milieux musicaux et cultivés de la ville, notamment chez le consul d'Angleterre, à Sainte-Marie-Magdeleine, où il tint l'orgue, et surtout à l'orchestre de l'Opéra, où, après avoir joué comme violoniste et claveciniste, il produisit une Passion selon saint Jean (carême 1704), puis son premier opéra, Almira, créé avec succès le 8 janvier 1705, et bientôt suivi de Nero (25 février 1705). Devant l'échec de cette pièce et mécontent de la situation musicale à Hambourg (notamment faillite frauduleuse de Krieger, directeur de l'Opéra), il se rendit, sur l'invitation de Gian-Gastone de Medici, à Florence (octobre 1706), puis à Rome (début janvier 1707), où il se lia avec l'élite intellectuelle : à l'Accademia d'Arcadia que fréquentaient mécènes (cardinaux Pamfili, Ottoboni) et musiciens (Corelli, A. et D. Scarlatti, Pasquini, Marcello). De cette époque datent de nombreuses compositions religieuses (l'extraordinaire Dixit Dominus, 1707) ou profanes (une centaine d'admirables cantates italiennes), où Haendel déploie tout son talent de mélodiste et qui sont autant d'essais pour maîtriser mieux une forme qui le requiert. L'opéra Rodrigo fut précisément créé à Florence en 1708, avant que le compositeur ne se rendît à Naples, où il écrivit la cantate Aci, Galatea e Polifemo et surtout un nouvel opéra, Agrippina, créé à Venise (26 décembre 1709). Triomphe difficile à renouveler, qui rendit Haendel prudent et lui fit accepter de devenir Kapellmeister de l'Électeur de Hanovre (juin 1710-automne 1712), mais qui le vit faire aussi un voyage à Londres (décembre 1710-juillet 1711), où Rinaldo obtint un large triomphe. Déçu de ne pouvoir monter son œuvre à Hanovre, et ayant continué d'entretenir des relations en Angleterre (avec le poète Hughes, par exemple), Haendel retourna à Londres, en novembre 1712.

L'Angleterre, une nouvelle patrie

D'abord logé chez le comte Burlington, où il fréquenta Pope, Gay, Swift, Arbuthnot ou Pepusch, Haendel écrivit là quelques œuvres profanes (Il Pastor fido, Teseo, etc.), qui le feront devenir compositeur officiel de la couronne. Après l'Ode pour l'anniversaire de la reine Anne (février 1713), il allait écrire, en effet, l'Utrecht Te Deum and Jubilate (mars 1713), qui devint partition officielle, puis un autre Te Deum en ré, lorsque l'Électeur de Hanovre devint roi d'Angleterre en juin 1714, et enfin un nouvel opéra, Amadigi, d'après Houdar de la Motte. Suivant son souverain à Hanovre, Haendel retourna en Allemagne au cours de l'été 1716 et y composa une Passion sur un texte de Brockes (que devaient également utiliser Keiser, Telemann, Mattheson et J.-S. Bach), donnée à Hambourg lors des carêmes de 1717 et 1719. Il n'entendit pas son œuvre : depuis fin décembre 1716, il était de nouveau à Londres où l'accueillit, cette fois, le duc de Chandos (été 1717). Après avoir écrit pour le roi la célèbre Water Music (créée en juillet 1717), il composa pour la chapelle du duc les admirables Chandos Anthems, psaumes sur paroles anglaises qui allaient être aux oratorios futurs ce qu'avaient été les cantates italiennes par rapport à ses opéras, à savoir des « galops d'essai ». Mais, pour l'heure, Haendel ne chercha pas à créer des oratorios, même après le succès d'Haman and Mordecai (Esther I, 1720).

La création d'une académie : joies et vicissitudes

Tourné vers la scène, attiré uniquement par l'opéra, il se jeta à fond dans une entreprise éprouvante : la création d'une académie, sorte de société par actions, placée sous patronage du roi (d'où le nom de Royal Academy) et chargée de monter des opéras. Dès lors, la vie de Haendel devint l'histoire de ses succès, de ses revers, de ses luttes pour imposer, moderniser, harmoniser l'opéra, en faire, parfois contre l'avis même du public, une œuvre totale où la musique exprime, dans un langage d'une exceptionnelle force évocatrice, le drame vécu par des personnages d'exception, placés dans des situations d'exception. La première académie (1720-1727) se déroula comme une tragi-comédie en cinq actes. Acte premier (1720-1722) : après une entrée triomphale (Radamisto, avril 1720), Haendel se vit opposer Bononcini par ses protecteurs mêmes (Burlington et le conseil d'administration de la Royal Academy). Acte II (1722) : le parti de Bononcini l'emporta avec la Griselda de ce dernier. Acte III (1723) : Haendel donna un coup d'arrêt avec Ottone et la publication de ses Sonates pour flûte et violon op. 1 et 2, renouvelant ainsi le succès de ses huit Pièces de clavecin (Recueil I, 1720). Acte IV (1724-25) : reprise du terrain perdu avec un brelan de chefs-d'œuvre (Giulio Cesare et Tamerlano, 1724 ; Rodelinda, 1725), défaite de Bononcini. Acte V (1726-1728) : consécration de Haendel avec Scipione, Alessandro, Admeto, mais débâcle de la Royal Academy, due à la cabale, aux difficultés financières, aux nombreuses jalousies et, en particulier, aux querelles entre les sopranos vedettes, la Bordoni et la Cuzzoni, qui, en juin 1727 et en présence du prince de Galles, en vinrent aux mains sur scène. Scandale que ne pouvaient effacer les créations ­ et succès ­ de Riccardo Io (novembre 1727) ou de Siroe (février 1728).

   Affranchie de l'ancien conseil d'administration où dominaient officiels et gens de cour, sous la seule conduite de Haendel et de son associé Heidegger, la Nouvelle Académie (1729-1733) connut les mêmes vicissitudes que la précédente, malgré le recrutement de nouveaux chanteurs, ce qui amena Haendel à se rendre en Italie (mars-mai 1728) et en Allemagne (juin-juillet), où il vit pour la dernière fois sa mère devenue aveugle, mais où il ne put se rendre à l'invitation de J.-S. Bach à Leipzig. De décembre 1729 à février 1732, il assura la création de Lotario, Partenope (un chef-d'œuvre), Poro (1731), Ezio et Sosarme (janvier et février 1732). Malgré l'appui et la subvention du roi (1 000 livres), malgré les reprises de pièces à succès (Giulio Cesare, notamment), Haendel lutta pour assurer la survie de son entreprise. En 1732, le succès d'Esther, l'invitation de Haron Hill à écrire sur des textes anglais eussent pu l'amener à délaisser l'opéra. C'eût été, à ses yeux, abdiquer. Le succès d'Orlando en janvier 1733 l'ancra d'ailleurs dans cette idée. Pourtant, le public accourut et fit fête à Deborah, oratorio sur texte vernaculaire, ainsi qu'à Athalie créé à Oxford. Par goût, orgueil ou volonté de vaincre, Haendel continua donc à écrire des opéras, ne fût-ce que pour faire face au Nobility Opera, entreprise concurrente suscitée par le prince de Galles et soutenue par la gentry qui patronnait Hasse et Porpora. Combat incessant, semé d'embûches (rupture du contrat de Heidegger, ce qui obligea Haendel à transporter sa troupe chez John Rich à Covent Garden), semé d'échecs ou de victoires (Arianna, janvier 1734) ; Il Parnasso in festa, mars 1734 ; Ariodante, janvier 1735 ; Alcina, avril 1735).