Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
M

menuet

Danse d'origine française de rythme ternaire et de tempo plutôt lent.

Ses origines restent discutées. La théorie la plus courante, selon laquelle il descendrait du branel de Poitou et son nom du vocable menu ou mener (« branel à mener »), est actuellement remise en question, sans pour autant qu'on puisse la rejeter entièrement.

   Le menuet apparut officiellement à la cour de Louis XIV, avec Lully, qui l'introduisit dans Cadmus et Hermione (1673), puis à partir d'Atys (1676) dans tous ses opéras. Il s'intégra aussi dans le genre de la suite, et, de France, se répandit dans toute l'Europe, prenant en Italie une allure plus rapide.

   On a trop coutume d'associer l'Ancien Régime au menuet, alors que celui-ci n'en fut que la dernière danse caractéristique, celle qui se maintint le plus longtemps. Comme danse de société, le menuet conserva un rôle de premier plan durant tout le XVIIIe siècle. Ce fut également la seule danse du genre suite qui fut reprise par les genres nouveaux (quatuor, sonate, symphonie) illustrés dans la seconde moitié du même siècle par Haydn et Mozart. Le pas du menuet, danse aristocratique, comprenait en 2 mesures à 3 temps 4 mouvements de pied : souvent sur la première, la troisième, la quatrième et la cinquième des 6 pulsations ainsi définies :

parfois sur la première, la troisième, la quatrième et la sixième :
ou encore sur la première, la deuxième, la quatrième et la sixième (menuet du Bourgeois gentilhomme de Lully) :

   D'où, sur le plan rythmique, une sorte de « 3 contre 2 », n'ayant rien à voir avec la banalité de tant de sous-produits des XIXe et XXe siècles (une exception de taille est le remarquable menuet d'Orphée aux enfers d'Offenbach). À noter qu'au congrès de Vienne (1814-15), il ne se trouvait, paraît-il, aucun maître à danser capable de se rappeler et d'enseigner le menuet, danse bien vivante un quart de siècle auparavant. Rien n'illustre mieux les bouleversements qui allèrent de pair avec la Révolution française.

   Le menuet était, en principe, en 2 parties, dont chacune répétée (A-A-B-B). En principe aussi, il était suivi d'un double (plus tard appelé trio) adoptant la même coupe (C-C-D-D), puis d'une reprise du menuet proprement dit, chaque partie n'étant alors jouée qu'une fois (A-B), ce qui donnait globalement A-A-B-B-C-C-D-D-A-B. Cette structure globale est à peu près « de règle » dans les symphonies, quatuors ou sonates de Haydn et Mozart. Dans les suites baroques (Bach), le menuet se trouvait en général vers la fin, parmi les « galanteries ». Dans les œuvres de Mozart et de ses contemporains relevant de l'esprit du divertissement, on en trouve d'ordinaire plusieurs (2 ou même 3). Dans les symphonies ou quatuors de la seconde moitié du XVIIIe siècle, où il ne s'imposa pas sans résistance, et jamais complètement (la symphonie Prague de Mozart n'a, par exemple, pas de menuet), il tient lieu en général de troisième mouvement (vif-lent-menuet-vif), parfois, comme dans la symphonie Funèbre de Haydn ou dans la plupart de ses quatuors op. 9, 17 et 20, de deuxième mouvement (vif-menuet-lent-vif). Le type menuet de cour assez lent subsista jusque dans les dernières œuvres de Haydn et de Mozart, et même chez Beethoven, mais on assista parallèlement chez eux à un allongement et à une accélération du menuet, ainsi qu'à sa pénétration d'une part par l'esprit symphonique, ce qui par-delà la préservation du schéma de base A-A-B-B-C-C-D-D-A-B défini plus haut rendit sa structure interne beaucoup plus complexe, d'autre part par l'esprit populaire (phénomène en réalité plus ancien). Outre ceux de leurs symphonies ou de leurs quatuors, Haydn et Mozart écrivirent des menuets expressément destinés à être dansés : les 2 catégories ne sont pas toujours interchangeables. Au moment où Mozart, dans le finale du premier acte de Don Giovanni (1787), faisait briller le menuet en tant que danse aristocratique d'une ultime splendeur, lui-même et surtout Haydn écrivaient des pages intitulées menuet, mais qui n'en avaient que le nom, la structure et la mesure à 3 temps, et pratiquement rien d'autre. Le « menuet » du quatuor op. 71 no 1 (1793) de Haydn est une robuste danse paysanne, celui en mineur tiré de ses 24 menuets à danser Hob. IX.16 a des accents de carmagnole, celui de son quatuor op. 76 no 1 (1797) est un scherzo beethovénien avant la lettre. Le scherzo tel qu'il devait être développé par Beethoven fut l'aboutissement naturel de l'accélération et de la « popularisation » du menuet. À cet aboutissement correspondit une rupture illustrée par un fait significatif : la disparition du menuet rapide. Chez Beethoven et ses successeurs, les pages intitulées menuet (troisième mouvement du Septuor op. 20 de Beethoven) relèvent toutes du type lent, au point que, parfois (Sonate op. 31 no 3 de Beethoven), elles vont jusqu'à tenir lieu de mouvement lent.

Menuhin (Yehudi)

Violoniste et chef d'orchestre américain, suisse et anglais (New York 1916 – Berlin 1999).

Ses parents, d'origine russe, s'étaient d'abord rencontrés en Palestine, où ils avaient émigré à quelques années d'intervalle ; puis ils s'étaient retrouvés à New York, où fut célébré leur mariage. L'aîné de leurs enfants, Yehudi, manifesta très tôt d'étonnantes dispositions pour la musique et le violon en particulier. La famille s'étant transportée de New York à San Francisco, où Moshe Menuhin a été appelé à enseigner l'hébreu, le bambin écoute avec passion le violoniste Louis Persinger et, à cinq ans, devient son élève. À sept ans, il débute en soliste avec l'orchestre de San Francisco dans la Symphonie espagnole de Lalo, mais son père n'ignore pas les périls qui guettent un enfant prodige. Sacrifiant sa propre carrière, il s'embarque avec les siens pour l'Europe où Yehudi aura les plus éminents professeurs : George Enesco à Paris, Adolf Busch à Bâle. Au cours de cette période d'apprentissage, le jeune garçon ne fait que de rares apparitions en public, mais elles sont retentissantes ; citons notamment son premier concert à Carnegie Hall en novembre 1927, où il joue le Concerto de Beethoven sous la direction de Fritz Busch, et celui du 12 avril 1929 consacré à Bach, Beethoven et Brahms, avec l'Orchestre philharmonique de Berlin, sous la direction de Bruno Walter. À douze ans, il commence à entreprendre des tournées. De 1930 à 1935, la famille trouve son port d'attache à Ville-d'Avray, et Yehudi travaille volontiers avec sa sœur Hephzibah, de quatre ans sa cadette, qui restera sa partenaire au piano jusqu'à sa mort, en 1980. Entré dans la légende à peine adolescent, Yehudi Menuhin restera, grâce à d'innombrables concerts et enregistrements, le plus illustre violoniste du monde contemporain. Si sa virtuosité a été égalée, sinon dépassée, il n'a guère de rivaux quant à l'interprétation en profondeur d'un immense répertoire, tant classique que moderne.

   Un film lui a été consacré par François Reichenbach en 1971.

   La musique est pour Menuhin une sorte de religion universelle, un message de paix entre les hommes et les peuples. Lui-même se veut missionnaire de cette religion et citoyen du monde. Aussi a-t-il prodigué son talent, pendant et après la guerre, devant tous les publics et dans les pires conditions, au risque d'un surmenage qui a failli compromettre sa maîtrise de l'instrument. Bravant au besoin l'opinion de ses coreligionnaires et de ses compatriotes, il a courageusement tendu la main à Wilhelm Furtwängler, accusé de sympathies pronazies, joué en Allemagne avant d'affronter le public israélien, et donné des concerts à Moscou en pleine guerre froide. En revanche, il s'est accordé une « année sabbatique » à l'occasion de son soixantième anniversaire et l'a mise à profit pour rédiger un important ouvrage autobiographique ­ le Voyage inachevé ­ qui révèle l'étendue de son ouverture d'esprit et explique, par exemple, son attirance pour la musique et la philosophie de l'Inde.

   Un certain nombre d'œuvres contemporaines, telles que la Sonate pour violon seul de Bartók, un Duo pour deux violons de Darius Milhaud, un Trio pour violon, violoncelle et piano d'Alexander Goehr, ont été écrites pour lui. Également virtuose de l'alto, il a abordé la direction d'orchestre dans les années 50 au festival de Bath, dont il venait d'être nommé directeur artistique, et a poursuivi cette activité au festival de Gstaad qu'il a lui-même fondé en 1956. Enfin, il a créé en 1962, dans une petite ville du Surrey, Stoke d'Abernon, une école où sont enseignés le piano et les instruments du quatuor parallèlement aux disciplines classiques. La pédagogie tient en effet une grande place dans ses préoccupations : il dirige à Londres une collection de Musical Guides, où il s'est réservé le violon et l'alto, attachant une importance primordiale à la décontraction, obtenue en ce qui le concerne par la pratique du yoga. Devenu citoyen anglais en 1985, il a été fait baron de Stoke d'Abernon en 1993.