Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
V

Vidal (Pierre)

Organiste, écrivain et compositeur français (Clichy 1927).

Élève de Marcel Dupré, de seize à vingt ans (piano et orgue), il a suivi les cours d'harmonie de Henri Challan au Conservatoire de Paris, mais se dit essentiellement autodidacte. Il a particulièrement analysé l'œuvre pour orgue de Jean-Sébastien Bach, ainsi que des textes (Schweitzer, B. de Schloezer) et des interprétations le concernant (Furtwängler, Mengelberg, Landowska, Münchinger, Walcha). Titulaire de l'orgue de l'église Saint-Jean-Baptiste de Belleville (1956-1970), il est, depuis 1967, à la tête d'une classe d'orgue au conservatoire de Strasbourg. Il est l'auteur de deux ouvrages : Bach et la Machine-Orgue (1973), et Bach, les psaumes : passions, images et structures dans l'œuvre d'orgue (1977). On lui doit aussi quelques compositions : Magnificat, Pièces pour orgue.

vièle

Nom donné au Moyen Âge à de nombreux instruments à cordes frottées dérivés du crouth, mais, à la différence de celui-ci, comportant un manche nettement distinct de la caisse. La forme de la vièle et le nombre de ses cordes ne se sont stabilisés que pour donner naissance à la viole.

vielle à roue

Instrument ancien à cordes frottées.

Ses cordes de boyau en nombre variable, dont plusieurs « bourdons » et une ou deux cordes mélodiques ou « chanterelles », vibrent simultanément par contact avec une roue colophanée que l'exécutant fait tourner au moyen d'une petite manivelle, tout en enfonçant les touches d'une « boîte à clavier » qui agit sur les chanterelles. La mélodie jouée au clavier est donc accompagnée par la basse continue des bourdons, ce qui fait de la vielle à roue l'équivalent, dans le domaine des cordes, de la cornemuse dans le domaine des vents. L'instrument, dont l'importante caisse de résonance englobe la roue, se tient horizontalement sur les genoux, ou suspendu par une courroie si le « vielleux » est debout. Sa sonorité aigre n'a pas empêché la vielle de faire fureur dans les salons jusqu'au XVIIIe siècle. Elle est maintenant cantonnée dans la musique folklorique (Bretagne et Massif central principalement).

Vienne

Capitale de l'Autriche ­ que ce pays ait été duché, empire ou république ­ depuis le XIIe siècle, siège du gouvernement des Habsbourg de 1278 à 1918, Vienne jouit sur le plan musical d'un prestige qu'elle doit essentiellement, pour ce qui est de la création, à la période allant de la fin du XVIIIe au début du XXe siècle, c'est-à-dire de Haydn à Webern. Durant cette période, la ville abrita ou vit naître beaucoup des plus grands compositeurs européens, et développa une tradition d'interprétation qui ne s'est pas perdue.

   Son histoire musicale, qui est celle d'une cité-carrefour faisant la jonction à la fois entre le Nord et le Sud et entre l'Est et l'Ouest, ne s'en étend pas moins sur huit siècles. La cour des quatre derniers ducs Babenberg (1177-1246) fut un important foyer du Minnesang, et la maîtrise de la cathédrale Saint-Étienne, dont devait faire partie Haydn, est mentionnée pour la première fois dans un document de 1237. L'université fut fondée en 1365, et la musique, selon les usages du temps, y faisait partie du Quadrivium. Mais les périodes fastes ne débutèrent qu'avec le règne de Maximilien Ier (1459-1519), qui, en 1496, installa officiellement à Vienne la chapelle qu'il possédait en Allemagne du Sud (sans doute à Augsbourg), jetant ainsi les bases de la chapelle impériale. Le chef de cette chapelle s'appelait alors Hans Kerner, et elle comptait parmi ses membres Heinrich Isaac. Elle fut réorganisée en 1498, avec à sa tête Georg Slatkonia. Mais ses membres, parmi lesquels Ludwig Senfl, Heinrich Finck ou encore l'organiste Paul Hofhaimer, étaient loin de passer tout leur temps à Vienne. Pendant le XVIe siècle et les toutes premières années du XVIIe, les maîtres de chapelle impériaux furent essentiellement des Franco-Flamands : Arnold von Bruck (1527-1545), Petrus Massenus ou Pieter Maessens (1546-1562), natif de Gand, Jean Guyot, appelé aussi Castileti, Jakob Vaet, Philippe de Monte (de 1568 à sa mort en 1603). Œuvrèrent également à la chapelle le ténor Alard du Gaucquier, originaire de Lille et jusqu'en 1576 adjoint de Philippe de Monte, Jakob Regnart ou Charles Luyton, originaire d'Anvers.

   Avec Ferdinand II, empereur de 1619 à 1637, commencèrent à Vienne l'époque baroque et le règne de la musique et des musiciens italiens. Les maîtres de chapelle impériaux eurent comme noms Giovanni Priolo (1619-1629) et Giovanni Valentini (1629-1649) : élèves de Giovanni Gabrieli, ils furent les premiers d'une longue lignée d'Italiens, dont le dernier devait être Antonio Salieri (1788-1824). Vienne entendit alors ses premiers opéras et ses premiers oratorios italiens. Sous les trois empereurs-compositeurs Ferdinand III (1637-1657), Léopold Ier (1657-1705) et Joseph Ier (1705-1711), l'opéra italien fut un élément déterminant de la vie musicale, ce que symbolisèrent les noms d'Antonio Draghi (1635-1700), pendant trente ans maître absolu de la musique à la Cour, puis de Francesco Conti (1682-1732). Une école instrumentale se développa cependant, représentée par des compositeurs d'abord italiens (Valentini, Bertali, Buonamente), puis allemands ou autrichiens (Ebner, Schmelzer, Pachelbel, Kerll, auxquels on peut ajouter Muffat). Le baroque atteignit son apogée avec le règne de Charles VI (1711-1740), non seulement en musique, mais aussi en architecture : reconstruction des abbayes de Saint-Florian, Melk ou Kremsmünster sous la direction de Jakob Prandtauer, achèvement à Vienne de la Karlskirche, œuvre de Johann Bernhard Fischer von Erlach poursuivie par son fils Joseph Emanuel, en 1737. Johann Joseph Fux (1660-1741), la plus grande personnalité du baroque autrichien en musique, fut maître de chapelle impérial de 1715 à sa mort, avec comme vice-maître de chapelle l'Italien Antonio Caldara (1670-1736).

   La mort de Charles VI (auquel succéda sa fille Marie-Thérèse) et celle de Fux, survenue un an plus tard, furent suivies de profonds changements. Occupèrent le devant de la scène, comme compositeurs, les prédécesseurs de Haydn, puis (à partir de 1760 environ) Haydn lui-même. Parallèlement, la Cour perdit de son importance dans la vie musicale viennoise (les maîtres de chapelle impériaux furent Antonio Predieri jusqu'en 1769, puis Georg Reutter jusqu'en 1772, Florian Gassmann de 1772 à 1774, Giuseppe Bonno de 1774 à 1788, et Antonio Salieri de 1788 à 1824). Jouèrent un rôle de plus en plus important, d'une part, les grandes familles nobles ou princières (les Lichnowsky, Lobkowitz, Schwarzenberg, Esterházy, etc.) et, d'autre part, les théâtres (Burgtheater, théâtre de la Porte-de-Carinthie, théâtre du château de Schönbrunn, Theater auf der Wieden, Theater an der Wien) et lieux de concerts (Augarten, Grande Salle de la Redoute, Mehlgrube) ouverts au public, ainsi que de nouvelles institutions musicales (Tonkünstler Sozietät fondée en 1772 par Gassmann et où fut créé, en 1775, le Retour de Tobie de Haydn ; Société des associés de Gottfried Van Swieten ; Liebhaberkonzerte de 1807-08, qui prirent fin le 27 mars 1808 avec une célèbre exécution de la Création de Haydn). À noter également le développement à Vienne, durant cette période, de l'édition musicale, avec pour commencer la maison Artaria. Ces nouveautés intervinrent tandis que la ville devenait, aux yeux de l'Europe, celle de Haydn et de Mozart, puis aussi de Beethoven.

   Après 1815, alors que débutait la vie créatrice de Schubert et la dernière partie de celle de Beethoven, les familles nobles et princières, ruinées par les guerres napoléoniennes, cessèrent de jouer leurs rôles de mécènes. Ce fut une des raisons de la fondation de la Gesellschaft der Musikfreunde (« Société des amis de la musique ») en 1812, puis, surtout, de la Philharmonie par Otto Nicolai en 1842. La Philharmonie de Vienne ne donna des saisons régulières qu'à partir de 1860 : depuis 1870, elles ont lieu dans la Grosser Musikvereinsaal. Ses chefs permanents ont été jusqu'en 1945 Otto Dessoff (1860-1875), Hans Richter (1875-1898), Gustav Mahler (1898-1901), Joseph Hellmesberger (1901-1908), Felix Weingartner (1908-1927), Wilhelm Furtwängler (1927-28), Clemens Krauss (1928-1933), Wilhelm Furtwängler et Bruno Walter (1933-1938) et, enfin, Wilhelm Furtwängler (1938-1945). L'Orchestre symphonique de Vienne, fondé en 1900 comme Wiener Concert-Vereinorchester, porte son nom actuel depuis 1933. Outre la Grosser Musikvereinsaal (1 654 places assises et 300 debout), construite en 1870 avec comme salle adjacente la Brahmssaal (679 places assises et 95 debout), Vienne possède depuis 1913, comme autre lieu important de concerts, les trois auditoriums du Konzerthaus : la Grosser Konzerthaussaal, la Mozartsaal et la Schubertsaal (1 840, 700 et 340 places respectivement).

   À la fin du XVIIIe siècle, l'opéra se donnait notamment dans les deux théâtres de la Cour, c'est-à-dire au Burgtheater (ouvert jusqu'en 1888) et de plus en plus au théâtre de la Porte-de-Carinthie, et également au Theater auf der Wieden (ensuite au Theater an der Wien). En 1857, l'Opéra impérial (Hofoper) eut pour la première fois comme directeur, en la personne de Karl Eckert, un musicien de profession. Il eut comme successeurs d'abord un Italien, Matteo Salvi (1861-1867), puis Franz von Dingelstedt (1867-1870). De 1861 à 1869, dans le cadre du percement du Ring consécutif à la destruction des anciennes fortifications, un nouvel Opéra fut édifié, tout près de l'ancien théâtre de la Porte-de-Carinthie (qui n'existe plus). Inauguré le 25 mai 1869 avec Don Giovanni de Mozart chanté en allemand, il eut, après Dingelstedt, comme directeurs, jusqu'en 1945, Johann Herbeck (1870-1875), Franz Jauner (1875-1880),Wilhelm Jahn (1881-1897), Gustav Mahler (1897-1907), Felix Weingartner (1908-1911), Hans Gregor (1911-1918), Franz Schalk et Richard Strauss (1919-1924), Franz Schalk (1924-1929), Clemens Krauss (1929-1934), Felix Weingartner (1935-36), Erwin Kerber (1936-1940), H. K. Strohm (1940-41), E. A. Schneider (1941-1943) et, enfin, Karl Böhm (1943-1945). Le 12 mars 1945, un bombardement détruisit l'édifice à l'exception de la façade, de la loggia et du grand escalier. Le Volksoper, inauguré en 1898, est propriété municipale (Städtische Volksoper) depuis 1938.

   De 1945 à 1955, l'Opéra sur le Ring étant hors d'usage, les représentations eurent lieu au Volksoper et au Theater an der Wien sous la direction artistique de Egon Hilbert : ces dix années, sur le plan artistique, furent une période faste, avec notamment des chanteurs et chanteuses comme Anton Dermota, Erich Kunz, Paul Schöffler, Elisabeth Schwarzkopf, Irmgard Seefried, Wilma Lipp. L'Opéra reconstruit fut inauguré le 5 novembre 1955 avec Fidelio sous la direction de Karl Böhm. Ce dernier, nommé directeur, démissionna l'année suivante. Il eut comme successeur Herbert von Karajan, seul jusqu'en 1962, avec des directeurs associés jusqu'en 1964. Les directeurs furent ensuite des administratifs : Egon Hilbert (jusqu'en 1967), Heinrich Reiff-Gintl, Rudolf Gamsjäger, Egon Seefehlner. La nomination de Lorin Maazel comme chef d'orchestre, annoncée en 1979, a pris effet de 1982 à 1984. Ses successeurs ont été notamment Claudio Abbado, directeur général de la musique de 1986 à 1991, Eberhard Waechter, intendant en 1991-1992, et Joan Holender, intendant depuis 1992.

   L'orchestre de l'Opéra n'est autre que la Philharmonie. Les concerts de cette dernière ont donc lieu non pas en soirée, mais le samedi après-midi et le dimanche matin. L'Orchestre symphonique, qui ne se consacre qu'au concert, est le véritable orchestre de la ville. Citons encore le Niederösterreichisches Tonkünstlerorchester (fondé en 1947, il couvre la province de Basse-Autriche, dont Vienne est la capitale) et l'Orchestre de la radio, fondé en 1945 et qui, beaucoup plus que les autres, se consacre à la musique contemporaine. Sur ce dernier plan, l'ensemble Die Reihe, fondé en 1958 par Friedrich Cerha, a joué à Vienne à peu près le même rôle que le Domaine musical à Paris. Existe aussi pour la musique contemporaine l'ensemble Kontrapunkte fondé en 1967 par Peter Keuschnig. Les Petits Chanteurs de Vienne (Wiener Sängerknaben) font partie de la Hofmusikkapelle, cette dernière étant le principal ensemble de musique sacrée de la ville. Les quatuors Schneiderhan, du Wiener Konzerthaus, Barylli, Weller, de la Philharmonie, Alban-Berg, ont poursuivi depuis la dernière guerre la tradition établie par les quatuors Schuppanzigh, Hellmesberger, Rosé ou Kolisch, et, depuis 1950 environ, Vienne a été un centre de recherches important pour la musique ancienne, grâce, notamment, à la fondation du Concentus musicus par Nikolaus Harnoncourt en 1952, de la Capella academica par Eduard Melkus en 1965 et du Clemencic Consort par René Clemencic en 1968. Des maisons d'édition actives à Vienne, les plus importantes sont Universal et Doblinger. Le Festival de Vienne (Wiener Festwochen) a lieu tous les ans en mai et juin depuis 1951 (AUTRICHE, VALSE).