Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
R

Ruffo (Titta)

Baryton italien (Pise 1877 – Florence 1953).

Après des débuts à Rome en 1898 dans le rôle du Héraut de Lohengrin, il devint le plus grand interprète des ouvrages de la dernière période de Verdi, ainsi que des opéras véristes des compositeurs qui lui étaient contemporains (Puccini, Mascagni, Leoncavallo). Cette similitude dans le répertoire fit de lui le partenaire d'élection de Caruso, dont il partageait également le style de chant, fondé sur une accentuation expressive du mot. À cet égard, il s'opposait à la manière de son rival Battistini, partisan de la pure tradition du bel canto où l'expression est obtenue par des moyens vocaux et musicaux. La voix de Titta Ruffo était une des plus belles de son époque, et sa puissance était considérable. Sa carrière internationale dura plus de trente ans.

Ruggles (Carl)

Compositeur américain (Marion, Massachusetts, 1876 – Bennington, Vermont, 1971).

Violoniste amateur, il se fixa de bonne heure à Boston où il fut musicien d'orchestre et prit ses premières leçons avec Paine. À l'université de Harvard, il étudia ensuite la composition avec W. Spalding et Timner. Professeur dans une école locale à Winona (Minnesota), il y fonda un orchestre (1907) et commença à composer (1912). Ses œuvres les plus importantes datent de 1920 à 1940. Professeur à l'université de Miami de 1938 à 1943, il devint membre de l'Institut des arts et lettres (1954), mais vécut de longues années dans un petit village du Vermont, Arlington, avant de se retirer, après 1966, dans une maison de repos.

   Il a peu écrit, mais ses tentatives témoignent d'une remise en question de la matière sonore. D'où chez lui la fréquence des combinaisons instrumentales originales : Portals pour 13 instruments à cordes (1925, plusieurs fois remanié) ; Men and Mountains pour 31 instruments (1924, plusieurs fois remanié).

   Parti de l'utilisation très libre du contrepoint dissonant, puis venu en toute indépendance à la syntaxe de Schönberg et de Berg, il fit partie, à ce titre, de la première avant-garde américaine. Mais son expression, parfois austère, a conservé toute sa puissance, son authenticité et son originalité.

rumba

Danse d'origine afro-cubaine, de rythme toujours binaire, mais fortement syncopée.

Introduite aux États-Unis au début du siècle, elle a subi l'influence du jazz et s'est répandue entre les deux guerres dans tout le monde occidental, non sans perdre beaucoup de son originalité primitive.

Russie

Il exista en Russie de la musique avant Glinka (1804-1857), mais on peut affirmer que c'est avec ce compositeur que la musique russe rejoignit sur un pied d'égalité la musique européenne dite savante. Pendant des siècles, la Russie demeura à l'écart de l'évolution de la musique européenne, qu'elle ignora tout d'abord, pour ensuite, à partir du XVIIIe siècle et des réformes de Pierre le Grand, se borner à l'imiter tant bien que mal. Cela malgré l'importance en Russie, durant toute cette période, de la liturgie orthodoxe et des chants d'église, et l'existence dans ce pays d'un folklore et de chants populaires d'une richesse et d'une originalité sans égales d'une part, étroitement reliés aux manifestations de la vie sociale (comme le mariage) d'autre part.

La musique en Russie avant Glinka

À cette situation, des raisons d'ordre essentiellement religieux, politique et social. Alors qu'en Occident, à partir du XIIe siècle, la polyphonie prenait son essor tout en se confondant pour commencer avec le domaine religieux, la Russie, évangélisée depuis la fin du Xe siècle avec comme premier berceau culturel et religieux la ville de Kiev, héritait en matière de musique d'église de la tradition byzantine, avec entre autres conséquences importantes l'interdiction à l'office de tous les instruments de musique, y compris l'orgue, et le refus de la polyphonie, qui ne devait apparaître que vers le milieu du XVIe siècle.

   Jusqu'au XVIIe siècle également, l'influence du facteur religieux réduisit pratiquement à néant toute musique « savante », profane ou non, ce qui n'était pas le cas dans la Pologne voisine par exemple.

   La situation commença à évoluer dans le dernier quart du XVIIe siècle. On vit alors apparaître une musique religieuse savante : chants strophiques plus ou moins calqués sur des modèles polonais ou ukrainiens, et intitulés kantys. En 1675, l'Ukrainien Nicolai Dilezki fit paraître une Grammaire musicale. En 1672 fut fondé le théâtre de la Cour de Moscou (il devait fermer provisoirement ses portes dès 1676), et monté le premier spectacle théâtral réalisé en Russie.

   On peut distinguer durant le siècle et demi qui suivit, c'est-à-dire jusqu'au début du XIXe, quatre grandes périodes. Avant Pierre le Grand, la musique savante ne se développa en Russie que de façon désordonnée et embryonnaire. Avec Pierre le Grand, qui régna de 1682 à 1725, on assista pour la première fois, en musique comme en d'autres domaines, à une tentative délibérée pour copier l'Occident, mais, en musique, la structure sociale du pays n'était pas apte à répondre à la volonté du pouvoir politique : il manquait le public. Au XVIIIe siècle, jusqu'à la fin du règne de Catherine II (1796), la Russie vécut musicalement à l'heure italienne : on y joua de la musique italienne ou d'inspiration italienne, on importa des compositeurs italiens, les rares compositeurs russes écrivirent de la musique italienne. Avec l'époque révolutionnaire et napoléonienne enfin, la vie musicale à Saint-Pétersbourg et Moscou commença à ne plus rien avoir à envier à celles de Berlin, Vienne, Londres ou Paris, et on assista à un début de prise de conscience nationale : le terrain était prêt pour Glinka et ses successeurs.

   En 1731, une troupe d'opéra italienne se produisit pour la première fois à Moscou, et, en 1733, ce fut le tour de Saint-Pétersbourg. La tsarine Anne, enthousiasmée, fit recruter en Italie une chapelle. Dans ces premiers temps, le genre dominant fut celui de l'opera seria. En janvier 1737 fut représenté La Forza dell'amore e dell'odio du compositeur italien Francesco Araja, ouvrage dont la création avait eu lieu à Milan deux ans plus tôt : sur quoi Araja fut nommé maître de chapelle de la cour. En 1742, la tsarine Élisabeth entendit La Clemenza di Tito du célèbre Johann Adolf Hasse (1699-1783), sur un livret de Métastase que Mozart, après bien d'autres, devait mettre en musique en 1791. En 1755, avec Céphale et Procris, Francesco Araja donna le premier opéra en langue russe.

   Sous Catherine II furent reçus à la cour de Russie, et y occupèrent divers postes officiels, des compositeurs italiens comme Baldassare Galuppi (1706-1785), Vincenzo Manfredini (1737-1799), Tommaso Traetta (1727-1779), Giuseppe Sarti (1729-1802). Arrivé à Saint-Pétersbourg en 1776, Giovanni Paisiello (1740-1816) y séjourna huit ans, et c'est là qu'eut lieu la création de son œuvre la plus célèbre : Il Barbiere di Siviglia, d'après Beaumarchais (1782). Quant à Domenico Cimarosa (1749-1801), il vécut à Saint-Pétersbourg de 1787 à 1791, et y composa notamment, pour les funérailles de l'épouse de l'ambassadeur de Naples, son Requiem. Cette invasion de célébrités italiennes explique que les compositeurs russes du moment aient été relégués à l'arrière-plan. Dès 1756, un certain Volkov se risqua néanmoins à présenter un « opéra de style russe », Tanioucha ou l'Heureuse Rencontre. Et l'on vit naître, comme reflets de l'esprit bourgeois, les premiers ouvrages russes relevant du singspiel (ou de l'opéra bouffe). Le principal, les Cochers au relais, fut composé en 1787 par Evstigueny Fomine (1761-1800) : dans cet ouvrage remarquable par ses chœurs polyphoniques apparaît déjà le problème du servage. Fomine, qui avait étudié à Bologne, est également l'auteur du mélodrame Orphée (1792), où l'on trouve une très belle ouverture « à programme », et de l'opéra bouffe les Américains (1800), inspiré de Cimarosa. Dans le même temps, la musique sacrée se trouvait illustrée par Maxime Berezovski (1745-1777) et par Dimitri Bortnianski (1751-1825).

   Durant ces années, la musique instrumentale resta secondaire en Russie. On y composa des variations sur des thèmes populaires, de 1780 datent les Variations pour clavecin de Vassili Trutovski (v. 1740-v. 1810). Mais à partir du règne de Paul Ier (1796-1801) la situation se modifia. À l'influence italienne succéda l'influence française, illustrée notamment par le séjour à Saint-Pétersbourg (1804-1812) d'Adrien Boieldieu comme maître de chapelle du tsar Alexandre Ier. Parallèlement s'établirent en Russie de grands virtuoses du piano, comme John Field en 1803 ou Daniel Steibelt en 1808. En 1802 était fondée la Société philharmonique de Saint-Pétersbourg, et, vers 1792, également à Saint-Pétersbourg, la maison d'édition de Johann Daniel Gerstenberg. Tout cela fit beaucoup pour diffuser en Russie les œuvres du classicisme viennois, en particulier de Mozart et Haydn. Dans la seule année 1801, la Création de Haydn (Vienne, 1798) fut entendue six fois en Russie. Depuis plusieurs années déjà, ses symphonies (parfois dans des arrangements douteux il est vrai) figuraient aux programmes des concerts publics et privés.

   Les dernières décennies du XVIIIe siècle et les premières du XIXe virent non seulement la vie musicale prendre définitivement en Russie les mêmes dimensions qu'ailleurs, mais l'opéra russe adopter les côtés patriotiques et légendaires qui devaient ultérieurement le caractériser si fortement. Paradoxalement, c'est une fois de plus un compositeur italien, Catterino Cavos (1775-1840), qui joua à cet égard le rôle de catalyseur. Arrivé en Russie en 1799, il y donna en 1815 un Ivan Soussanine, sujet repris plus tard par Glinka. Mais c'est surtout Alexis Vertovski (1799-1862), élève de Field et de Steibelt, et qui devait terminer sa carrière comme inspecteur des théâtres, que l'on peut considérer comme le véritable précurseur de Glinka, dont pourtant il n'était l'aîné que de cinq ans, et auquel il devait survivre cinq ans. On lui doit notamment Pane Tverdovski (1828), sorte de réplique russe du Freischütz de Weber (1821), et le Tombeau d'Askold (1835), sur un sujet inspiré de l'Antiquité slave. Quant à la musique symphonique, elle fut alors représentée par Alexandre Aliabiev (1787-1851), officier dans l'armée jusqu'en 1823, impliqué en décembre 1825 dans la conjuration des décabristes contre Nicolas Ier.