round
1. Bref canon vocal à l'unisson (ou à l'octave) exécuté sans accompagnement. De caractère simple, parfois sérieux, pouvant être religieux ou profane, le round (mot anglais) offrait une possibilité aux personnes non initiées de faire de la musique ensemble. Il se pratiquait déjà au Moyen Âge. Pammelia, la première publication d'un recueil de Rounds and Catches, signée Thomas Ravenscroft, date de 1609 et contient une centaine d'exemples du genre dont le célèbre Three Blind Mice. Particulièrement adapté à l'enseignement du chant à plusieurs voix à l'école, le round se perpétue ainsi de nos jours.
2. Danse anglaise, populaire aux XVIIe et XVIIIe siècles. Comme son nom l'indique, les danseurs formaient un cercle.
Rousseau (Jean-Jacques)
Écrivain et compositeur genevois (Genève 1712 – Ermenonville 1778).
Après une formation essentiellement autodidacte, Rousseau manifesta rapidement son intérêt pour la musique par des fragments d'opéras, écrits à Chambéry, puis à Lyon, entre 1739 et 1742. Sa première publication d'ordre musical est un essai de réforme de la notation (Projet concernant de nouveaux signes pour la musique, 1742), défendu l'année suivante par une Dissertation sur la musique moderne. Cette tentative fut accueillie par un scepticisme général, et situa d'emblée Rousseau sur le plan d'une polémique agressive avec ses contemporains. Mais l'expérience déterminante dans la formation de son goût musical fut sans doute la familiarité avec l'opéra italien qu'il acquit en 1743-44 comme secrétaire de l'ambassadeur de France à Venise. De retour à Paris, Rousseau termina les Muses galantes, un opéra-ballet commencé en 1743 ; l'œuvre attira des commentaires peu amènes de Rameau et ne dépassa jamais le stade d'une représentation privée. C'est avec un « intermède », le Devin du village, représenté à Fontainebleau en 1752, que Rousseau connut enfin le succès comme librettiste-compositeur.
Il s'engagea ensuite vigoureusement dans la querelle des Bouffons, parmi les tenants de la musique italienne ; sa Lettre sur la musique française en constitua le pôle extrême, avec la thèse selon laquelle « notre langue (est) peu propre à la poésie, et point du tout à la musique ». Rousseau tira les conséquences de cette assertion dans une « scène lyrique », Pygmalion (1770), où « les paroles et la musique, au lieu de marcher ensemble, se font entendre successivement ». On peut y voir le point de départ du « mélodrame », genre dramatique hybride qui fleurit en Allemagne dans les années 1770. Il ne reste que des esquisses et des fragments d'une dernière pastorale, Daphnis et Chloé.
Rousseau représente le cas extrême d'un compositeur dont l'influence fut sans commune mesure avec la qualité propre de sa musique. Le Devin du village est d'une écriture fruste, mais concrétise de manière achevée l'aspiration de ses contemporains à un art dépouillé, prêchant les vertus de la morale naturelle. Musicalement, le Devin du village se situe à l'origine de la « comédie mêlée d'ariettes », bien que son principe d'une musique continue soit resté quasi sans descendance.
Quant aux écrits de Rousseau, ils restent l'un des plus précieux témoignages sur la conception que le XVIIIe siècle se faisait de la musique. Les articles qu'il rédigea pour l'Encyclopédie, réunis en un Dictionnaire de musique (1768), sont une mine de renseignements, où se rejoignent les diverses expériences de leur auteur, comme écrivain, comme compositeur et même, plus modestement, comme copiste.
Roussel (Albert)
Compositeur français (Tourcoing 1869 – Royan 1937).
Issu d'une famille d'industriels du Nord, Albert Roussel perd ses parents lorsqu'il n'est encore qu'un enfant. Il est élevé par son grand-père paternel, puis, après la mort de celui-ci, en 1880, par un de ses oncles. Il reçoit, à onze ans, ses premières leçons de piano. En 1884, il entre comme interne au collège Stanislas à Paris, obtient son baccalauréat et prépare le concours de l'École navale. Il consacre à la musique ses jours de congé. Une exécution de la 7e Symphonie de Beethoven le bouleverse. Admis à l'École navale en 1887, Albert Roussel embarque sur le Borda, le navire-école ancré à Brest. En 1889, il découvre le Proche-Orient. Embarqué à Toulon, puis à Brest, enfin à Cherbourg sur le cuirassé Victorieuse, le jeune officier de marine s'essaie à la composition. Le jour de la Noël 1892, il fait entendre à l'église de la Trinité de Cherbourg un Andante pour violon, alto, violoncelle et orgue (détruit).
En 1893, Albert Roussel effectue sur une canonnière, le Styx, une croisière en Extrême-Orient. À son retour en France, il obtient un congé de plusieurs mois et s'installe à Roubaix pour étudier l'harmonie sous la direction de Julien Koszul, directeur du conservatoire de cette ville. Ce dernier ne tarde pas à reconnaître les dons exceptionnels de son élève et lui conseille de poursuivre ses études musicales à Paris, sous la direction d'Eugène Gigout.
Albert Roussel suit ce conseil, démissionne de la marine et arrive à Paris en octobre 1894. Gigout lui enseigne le piano, l'orgue, l'harmonie, le contrepoint et la fugue. En 1897, Albert Roussel adresse, en deux envois séparés et sous deux pseudonymes différents, deux Madrigaux à quatre voix au concours de la S. A. C. E. M. Tous deux sont primés. L'année suivante, il entre à la Schola cantorum pour étudier, sous la direction de Vincent d'Indy, la composition et l'orchestration.
En 1904, sa première œuvre pour orchestre, Résurrection, est dirigée à la Société nationale par Alfred Cortot. Cette année-là, il compose sa première symphonie, le Poème de la forêt. Entre 1902 et 1912, Albert Roussel écrit de nombreuses mélodies pour chant et piano (Poèmes d'Henri de Régnier, Poèmes chinois) et des œuvres de musique de chambre, parmi lesquelles le Divertissement pour flûte, hautbois, clarinette, basson, cor et piano (1906) offre déjà, par l'importance accordée à la rythmique, un caractère très personnel.
En 1908, Albert Roussel se marie avec Blanche Preisach. L'année suivante, les jeunes époux font un voyage aux Indes, à Ceylan et au Cambodge. Les cavernes d'Ellora, les ruines de Jaipur, Bénarès et le Gange inspirent au musicien le triptyque des Évocations. Albert Roussel et sa femme visitent aussi Tchitor, la ville où régnait Padmâvatî. En 1912, pour le théâtre des Arts que dirige Jacques Rouché, Albert Roussel compose un ballet, le Festin de l'araignée, qui obtient à sa création, le 3 avril 1913, un succès très vif. En 1914, il entreprend la composition de Padmâvatî, opéra-ballet en 2 actes, sur un livret de Louis Laloy.
À la déclaration de guerre, il demande sa réintégration dans la marine ; elle lui est refusée. Mobilisé dans l'armée de terre en 1915, il commande une section de transports à Verdun, en 1916. Réformé en 1918, il se remet au travail et achève Padmâvatî, créé à l'Opéra en 1923.
En 1920, son poème symphonique Pour une fête de printemps, lumineuse fête des rythmes et du contrepoint, amorce la série des chefs-d'œuvre qui vont désormais jalonner sa carrière : en 1924, les Joueurs de flûte et la Deuxième Sonate pour piano et violon, en 1926, la Suite en « fa », en 1927 le Concert pour petit orchestre, etc. En 1922, il a acheté une maison au bord de la mer, à Varengeville, et c'est là qu'il compose presque toutes ses œuvres.
En 1930, Albert Roussel se rend aux États-Unis pour assister, à Boston, à la création de sa Symphonie en sol mineur dirigée par Serge Koussevitski. L'année suivante, son ballet Bacchus et Ariane est créé à l'Opéra de Paris. Bruxelles accueille Aeneas en 1935. En 1937, Albert Roussel achève sa dernière œuvre importante, un Trio à cordes. Sa santé, déjà précaire depuis 1935, décline rapidement. Le musicien quitte Varengeville dont le climat ne lui convient plus et s'installe à Royan où il meurt d'une crise d'angine de poitrine le 23 août 1937. Le 27 août, il est inhumé dans le petit cimetière marin de Varengeville.
Chez Albert Roussel, il faut d'abord considérer le musicien, car il lui importe plus de construire son œuvre et de découvrir des combinaisons sonores nouvelles que de se confesser. L'homme maîtrise ses sentiments, discipline acquise dès l'enfance (une enfance privée de l'affection des parents disparus très tôt), et cultivée par le jeune officier de marine. Non pas froideur, mais une extrême pudeur, une certaine réserve, une constante fierté. Parfois féminine par la grâce et l'agilité de son écriture, la musique d'Albert Roussel est toujours mâle par la pensée. Une force l'habite, la soutient, l'entraîne en des élans dionysiaques dont Bacchus et Ariane offre le plus bel exemple, mais aussi le préserve des excès romantiques. Ajoutons à cela l'expérience du marin, du voyageur, l'ouverture sur l'Extrême-Orient, la contemplation de la mer, et le rêve, caressé un jour, de traduire par la musique ce qu'elle recèle de puissance et d'infini, de charme, de colère, de douceur, et force est de constater que le cas d'Albert Roussel est des plus complexes.
Une telle personnalité ne se classe pas facilement dans les écoles musicales ou les courants esthétiques. Son art transparent et délié, art de contrapuntiste formé à la Schola cantorum, a trouvé du côté de l'impressionnisme l'allégement de la pensée, le sens de l'ellipse. Albert Roussel a fait siennes les leçons de fluidité incluses dans l'œuvre de Debussy. Quant à la mobilité, car il n'est pas de musique plus mobile, plus nerveuse, plus agile que la sienne, comment n'y pas déceler également l'influence des Images pour orchestre de Claude Debussy ?
L'évolution d'Albert Roussel l'a conduit vers un classicisme où logique et sensualité s'équilibrent, où musique pure et évocation sont de la même essence. Ses plus grands chefs-d'œuvre, Bacchus et Ariane, la Troisième et la Quatrième Symphonie, marquent précisément le triomphe de ce classicisme.