Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
A

Angleterre (suite)

La grande période élisabéthaine

Sous le règne d'Élisabeth Ire, la musique connaît un essor considérable qui la mène de l'austérité de Merbecke à l'éclat des artistes de l'atelier de Tallis, William Byrd (1543-1623) et les « madrigalistes anglais » (Thomas Weelkes, Orlando Gibbons, John Wilbye). Les madrigals de William Byrd restent un exemple parfait de la polyphonie vocale anglaise, fondée sur une alliance étroite entre la musique et le texte poétique. Byrd illustre aussi l'école des « virginalistes anglais », car la musique de clavier progresse tout aussi vite. Ces derniers mettent l'accent sur la musique profane, privilégiant des formes de danses et de variations ; ils atteignent les plus hauts sommets de la musique de la Renaissance. Pour la musique d'orgue, il faut citer les noms de John Redford († 1547), Thomas Preston († 1594) et William Blitheman (v. 1500-1591). John Dowland, compositeur d'immense talent, excelle dans tous les genres qu'il aborde, et, particulièrement, dans la musique vocale, les ayres pour voix et luth et les pièces pour luth. Sa sensibilité raffinée et sa maîtrise de l'écriture en font une des figures dominantes de la musique européenne. Il convient de mentionner aussi le poète, théoricien et compositeur Thomas Campian.

   Cette époque brillante, aussi riche en interprètes qu'en créateurs, connaissant une littérature musicale variée, voit apparaître des formes nouvelles, comme le masque, équivalent du ballet de cour français, sous l'impulsion de John Coperario (v. 1575-1626) et d'Alfonso Ferrabosco II (v. 1575-1628). La musique pour violes évolue aussi avec Tobias Hume (v. 1580-1645), Robert Jones (fin du XVIe s.), Thomas Morley et son First Book of Consort Lessons (1599), Adson et ses Courtly Masquing Ayres (1611). Après 1625, avec la disparition de presque tous les grands noms élisabéthains, la musique vocale et la musique pour clavier se développent moins rapidement. En revanche, la musique de chambre continue de prospérer avec John Jenkins (1592-1678), William Lawes (1602-1645), Henry Lawes (1596-1662), William Young († 1671) et Matthew Locke (v. 1630-1677). Avec H. et W. Lawes, Nicholas Lanier (1588-1666) expérimente le nouveau style de récitatif prôné par Monteverdi. Peut-être réussiraient-ils à l'introduire et à l'adapter à la langue anglaise, si l'évolution politique ne freinait toute progression. La musique instrumentale évolue aussi sous l'impulsion de Jenkins et de Lawes, ainsi que la musique de clavier avec Thomas Tomkins. Tandis que la plupart des contemporains subissent l'influence du mouvement baroque, notamment en musique d'église, John Wilson (1595-1674) et John Hilton cadet (1599-1657) recherchent de nouvelles possibilités de développement plus personnalisé. Tout ce foisonnement est arrêté par la révolution et l'établissement du Commonwealth en 1649.

Les lendemains de la révolution et la Restauration

La révolution a pour effet de bouleverser complètement les structures musicales qui commencent à devenir des institutions et à fructifier. La mise hors la loi des théâtres, la disparition des chapelles royales redistribuent les moyens d'expression musicale. La musique n'est pas négligée, mais les nouvelles structures élaborées par le gouvernement puritain ne favorisent pas le développement des mêmes formes. La musique de chambre vocale et instrumentale continue de prospérer au détriment de la musique d'église. Apparaissent aussi les premiers concerts publics. La culture musicale, en devenant plus populaire et plus largement répandue, perd son aspect hautement professionnel et spécialisé. Cette tendance est irréversible jusqu'à la fin du siècle, même après la Restauration. Quand Charles II monte sur le trône en 1660, de retour d'un exil qui lui a permis de côtoyer la culture continentale, en particulier la culture française, il est au courant des nouvelles formes musicales, des nouveaux moyens d'expression : il a notamment entendu des œuvres de Lully à la cour de Louis XIV. Aussi reconstitue-t-il la chapelle royale, les chœurs de la cathédrale et fonde-t-il même son propre ensemble à l'image de celui du roi de France. Le roi envoie ses musiciens, tel Pelham Humphrey, étudier en France. Il donne des responsabilités musicales à des hommes qui connaissent les pays étrangers, comme Henry Cooke (1615-1672) à la chapelle royale.

   Vers 1670, une nouvelle génération de compositeurs s'affirme pourtant : John Blow (1649-1708), élève de Cooke, et Michael Wise (v. 1648-1687). Venus and Adonis (1685), de Blow, est peut-être le premier opéra anglais digne de ce nom. Toujours est-il que Blow ouvre la route à Henry Purcell (1659-1695). Ce dernier va exercer une suprématie absolue dans tous les genres, tant dans ceux qui viennent d'être importés (opéra, cantate, oratorio, sonate) que dans les genres traditionnels nationaux (fancy, anthem, catch, masque). Dido and Aeneas (1689) est l'un des chefs-d'œuvre du théâtre lyrique. La forte personnalité de Purcell lui permet également de faire évoluer le théâtre lyrique en pratiquant des genres nouveaux comme le semi-opéra, combinaison d'opéra, de drame, de masque, de ballet. Il laisse une œuvre considérable et très variée, d'une exceptionnelle richesse d'invention. Son talent est d'être parvenu, avec un rare succès, à mettre la langue anglaise en musique.

   La période qui suit la disparition de Purcell marque un temps d'arrêt dans la vie musicale. On continue à exploiter les formes existantes avec moins de génie. La musique survit plus qu'elle n'évolue. Seul apparaît à cette époque le voluntary (pièce destinée à l'office religieux). Daniel Purcell (1660-1717), Jeremiah Clarke (1673-1707), John Eccles (v. 1650-1735), John Weldon (1676-1736) sont loin d'avoir l'envergure d'un Purcell.

Le Siècle des lumières

La figure dominante du XVIIIe siècle est Haendel (1685-1759). Né en Allemagne, il arrive en Angleterre en 1711 et, avec Rinaldo, il se fait vite un nom dans le domaine de l'opéra qu'il a expérimenté en Italie. Toutefois, malgré quelques beaux succès, ses tentatives pour introduire l'opéra italien échouent finalement. En revanche, il parvient à créer le genre de l'oratorio anglais. Non seulement le Messie, mais toute sa musique vocale, ses concertos pour orgue et ses concertos grossos le placent au premier plan. Par son volume comme par sa qualité, son œuvre est la seule à pouvoir, à l'époque, soutenir la comparaison avec celle de J.-S. Bach. L'influence de Haendel dominera, en Angleterre, plusieurs générations, jusqu'au cœur du XIXe siècle. Aucun de ses contemporains, pas même Clayton, ne peut être considéré comme un créateur de talent.

   Après sa mort, la musique anglaise traverse une période moins riche. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, l'apparition de quelques genres nouveaux, comme le ballad opera, le glee, n'apporte aucun changement en profondeur. Les compositeurs les plus importants de cette époque sont Thomas Arne (1710-1778), auteur du célèbre Rule, Britannia, William Boyce (1710-1779), Benjamin Cooke (1734-1793), auteur de belles odes, de glees et de catches, Samuel Webbe (1740-1816), Samuel Wesley (1766-1837). Grand organiste, ce dernier compose beaucoup de musique religieuse et de musique d'orgue, et contribue à faire connaître Bach. Son fils, Samuel Sebastian Wesley (1810-1876), laisse aussi d'importants ouvrages d'église.

Le XIXe siècle

Il est particulièrement pauvre en musiciens anglais. Tout au long de la période romantique, on donne nombre de concerts en Grande-Bretagne ­ peut-être plus qu'ailleurs ­, mais très peu de créateurs s'avèrent capables de rivaliser avec ceux du continent. Le grand répertoire est entretenu grâce à la création de multiples sociétés philharmoniques. Citons néanmoins John Field (1782-1837) et William Sterndale Bennett (1816-1875), auteur d'intéressantes œuvres instrumentales et, en particulier, pianistiques. Arthur Sullivan (1842-1900) connaît la célébrité grâce à ses opérettes, plus réussies que ses oratorios, d'un style trop solennel et académique.