Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
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Schwanberger (Johann Gottfried)

Pianiste, organiste, théoricien et compositeur allemand (Wolfenbüttel 1740 – Brunswick 1804).

Fils d'un élève de Jean-Sébastien Bach à Leipzig, il occupa le poste, de 1762 à 1802, de maître de chapelle à Brunswick, où il se montra très actif à l'Opéra jusqu'à sa fermeture en 1768. Lorsqu'en 1771 Wilhelm Friedemann Bach brigua (en vain) un poste d'organiste dans cette ville, Schwanberger vanta chaleureusement ses mérites. Appelé parfois Schwanenberg, il est sans doute le véritable auteur d'une sonate jadis attribuée à Haydn (Hob. XVI.17 en si bémol) et qui lui est maintenant réattribuée.

Schwarz (Jean)

Compositeur français (Lille 1939).

Après des études musicales à Paris et à Versailles, il partage son activité entre la pratique du jazz (comme batteur) et l'étude de la musique non-européenne, comme chargé de recherches du C. N. R. S., attaché au département d'ethnologie du musée de l'Homme, à Paris. Il rejoint plus tard le Groupe de recherches musicales, dont il reste jusqu'en 1981 membre permanent. Dans le domaine électroacoustique, il a composé, au G. R. M. ou avec ses moyens privés, un certain nombre de pièces pour bande magnétique seule : Erda (1972), la suite Il était une fois (1973), Symphonie (1974), Don Quichotte (1975-76), Gamma (1978), etc., et des œuvres « mixtes » comme Anticycle (1972), pour bande et percussionniste (œuvre utilisant des enregistrements d'instruments à percussion non-européens), Klavierband (1978), pour piano et bande, Gamma Plus (1979), pour synthétiseurs joués en direct et bande, ainsi que des musiques pour la scène et le ballet, notamment pour la danseuse-chorégraphe Carolyn Carlson (Year of the Horse, 1978).

   On lui doit aussi des séquences musicales électroacoustiques et des effets spéciaux sonores pour des films de long métrage : Comment ça va, de Jean-Luc Godard, Histoire d'A, de Charles Belmont, Providence, d'Alain Resnais, etc. Il a tenté des expériences de confrontation de musiciens improvisateurs de jazz avec des éléments musicaux préenregistrés sur bande : Surroundings (1978-79) et And Around (1981). Il aime travailler avec un son électronique carré et rythmique, un peu dur, et ses œuvres font souvent référence à la musique extra-européenne et au jazz.

Schwarzkopf (Elisabeth)

Soprano allemande (Jarotschin 1915 – Schruns, Autriche, 2006).

Élève de Lula Mysz-Gmeiner au conservatoire de Berlin (1934), elle fait ses débuts en 1938 à l'Opéra municipal de cette ville, en fille-fleur de Parsifal, puis en Musette de la Bohème et en Zerbinette de Ariane à Naxos, son premier grand rôle straussien. Maria Ivogün, qui devient son professeur, l'aide à trouver sa véritable voix et l'initie, avec son mari, l'accompagnateur Michael Raucheisen, aux trésors du lied, dont elle va devenir la plus illustre interprète de l'après-guerre. Elle débute dans ce répertoire à Berlin en 1942. Elle entre en 1943, à l'invite de Karl Böhm, dans la troupe de l'Opéra de Vienne, avec laquelle elle fait ses débuts au Covent Garden en 1947, avant de faire partie de la troupe londonienne pendant cinq ans. Elle y chante aussi bien le répertoire italien (Violetta, Gilda, Mimi, Madame Butterfly) que les rôles mozartiens qu'elle approfondit, notamment, au fil de ses apparitions au Festival de Salzbourg (de 1949 à 1964), après y avoir débuté dans le rôle de la Comtesse des Noces de Figaro. C'est également le premier personnage qu'elle incarne à la Scala de Milan (1949) où elle est régulièrement invitée jusqu'en 1963 (parmi ses autres rôles, Mélisande, Marguerite et Iole du Hercule de Haendel), tandis que son second rôle fétiche, la Maréchale du Chevalier à la rose, est celui de ses débuts à l'Opéra de San Francisco (1955) et au Metropolitan de New York (1963), ainsi que de ses adieux à la scène, en 1971, au théâtre de la Monnaie de Bruxelles.

   Son répertoire, d'un grand éclectisme, comprend encore Manon de Massenet, Marcelline et Leonore de Fidelio, Marenka de la Fiancée vendue, Alice Ford de Falstaff, Éva des Maîtres chanteurs (pour son unique apparition à Bayreuth en 1951) et la création du rôle d'Anne Trulove dans The Rake's Progress de Stravinski (Venise, 1951). En concert, elle interprète les grands oratorios de Bach, Haendel, Haydn, les requiem de Brahms (sous la direction de Karajan, avec qui elle aime à travailler) et de Verdi (qu'elle chante à Venise en 1951, sous la direction de Sabata, pour la commémoration du cinquantième anniversaire de la mort de Verdi), ainsi que de Tippett A Child of our Time. Pour son premier récital à Salzbourg en 1953, elle interprète, accompagnée par Furtwängler, des lieder de Wolf, qu'elle contribue à faire redécouvrir.

   La gloire de Schwarzkopf reste liée aux innombrables enregistrements que son mari Walter Legge, directeur artistique, réalise, immortalisant ses meilleures interprétations (entre autres, les quatre derniers lieder de Richard Strauss, qu'elle est la première à enregistrer en 1953). Quand Walter Legge meurt en 1979, elle se retire définitivement, n'accordant plus que quelques cours d'interprétation, en 1981, dans le cadre des Fêtes musicales de Touraine (après ceux donnés à la Juilliard School de New York en 1976). La même année, elle fait, à Bruxelles, des débuts remarqués de metteur en scène dans le Chevalier à la rose. Partie des rôles de colorature, elle s'est transformée, grâce aux leçons de Maria Ivogün, en une soprano lyrique accomplie, à la voix éclatante et chaude, qu'elle a modelée et disciplinée dans le sens d'une plénitude artistique sans failles.

Schweitzer (Albert)

Organiste et musicologue français (Kaysersberg, Alsace alors allemande, 1875 – Lambaréné, Gabon, 1965).

Il fut aussi pasteur, philosophe, théologien et médecin ; son œuvre humanitaire lui valut en 1952 le prix Nobel de la paix. En tant qu'organiste, on le connaît par de médiocres enregistrements réalisés dans sa vieillesse, alors qu'il avait abandonné tout professionnalisme pour se consacrer à son hôpital de Lambaréné ; mais, élève de Widor, il eut son heure de célébrité dans les premières années du siècle, mettant tout son talent à défendre ses idées musicologiques. Celles-ci s'expriment en deux domaines : la connaissance de J.-S. Bach et le renouveau de l'orgue baroque.

   S'ils ont pu être controversés, et surtout si les données de la musicologie ont progressé depuis, il n'en demeure pas moins que les travaux de Schweitzer ont grandement contribué à l'essor des domaines auxquels il s'est attaqué. Pour ce qui est de Bach, son apport réside en deux ouvrages : J.-S. Bach, le musicien poète (en français, Leipzig, 1905), et la version allemande qu'il donna lui-même de ce livre, considérablement augmentée (J. S. Bach, Leipzig, 1908). Schweitzer y envisage l'œuvre de Bach sous l'angle de la symbolique musicale, si importante chez les musiciens de l'âge baroque. Une grande partie de l'œuvre de Bach se référant à des textes sacrés, Schweitzer souligne leur caractère descriptif dans le langage musical du compositeur ; cela vaut notamment pour les chorals pour orgue, dont, en France tout du moins, on ignorait totalement qu'ils fussent des commentaires sur des textes de cantiques chantés dont la signification était primordiale. Cet aspect poétique, symbolique et baroque de la musique de Bach, par opposition au maître d'une architecture abstraite et d'une perfection formelle que l'on se figurait jusqu'alors, fit progresser considérablement la perception de l'esthétique de Bach et ouvrit la voie à bien des recherches.

   Les progrès de la musicologie ont amené à revoir certaines des conceptions de Schweitzer, mais son ouvrage reste fondamental et n'a guère été critiqué en France que par des ignorants. Dans le domaine de la facture d'orgues, Schweitzer a prôné un retour à l'orgue polyphonique baroque, avec des jeux de détail et des mixtures, contre l'engouement excessif pour l'orgue symphonique. De même, il recommandait la traction mécanique à l'ancienne. Certaines de ses idées n'ont heureusement pas été suivies, comme celle d'une console normalisée, ni ses compositions de jeux qui demandaient à être revues à la lumière de recherches plus poussées sur l'orgue baroque. Mais l'influence de Schweitzer a là aussi été décisive sur l'évolution des travaux ultérieurs.