Haskil (Clara)
Pianiste roumaine (Bucarest 1895 – Bruxelles 1960).
Enfant prodige, elle est menée par un oncle à Vienne (où elle travaille avec le professeur R. Robert et donne son premier concert public à sept ans) puis à Paris, où Fauré la confie à J. Morpain. Elle obtient le premier prix au Conservatoire en 1910 dans la classe de Cortot. Elle fait un brillant début de carrière, arrêté par une scoliose soignée à Berck de 1914 à 1918. Jusqu'en 1940, elle vit surtout à Paris : reconnue comme l'un des premiers pianistes de son temps, mais ignorée du public, elle ne subsiste que grâce à l'aide constante de mécènes, dont la princesse de Polignac, chez qui elle se lie avec D. Lipatti. En 1942, après une grave opération au cerveau miraculeusement réussie à Marseille, où elle est réfugiée, elle échappe de justesse aux Allemands et fuit en Suisse. De ce pays, où elle se fixe et dont elle acquiert la nationalité en 1949, démarre enfin une triomphale carrière internationale, accidentellement interrompue en 1960. Partenaire des plus grands chefs et solistes (Enesco, Ysaye, Casals, Klemperer, etc.), elle a formé avec le violoniste belge A. Grumiaux un duo célèbre. La géniale simplicité de son jeu, au toucher inimitable, s'appuie sur une technique exceptionnelle ; mais la pureté même de son style, très en avance sur son temps, est peut-être l'une des raisons de son inexplicable méconnaissance par le public pendant trente ans. Sa discographie, malheureusement limitée par cette renommée tardive, en a fait l'interprète privilégiée de compositeurs comme Mozart et Schumann.
Hasquenoph (Pierre)
Compositeur français (Pantin 1922 – Paris 1982).
Il étudia la médecine, puis la musique à l'école César-Franck, et de 1950 à 1955 au Conservatoire de Paris avec D. Milhaud et J. Rivier. Sa carrière à la radio l'a mené du poste de musicien-metteur en ondes (1956) à ceux de directeur du Service symphonique (1958), du Service lyrique (1960) et enfin du Service de la musique de chambre (1973). Comme compositeur, il écrit dans un style « ni tonal, ni sériel », se voulant indépendant de toute école. On lui doit notamment 4 symphonies, l'opéra bouffe Lucrèce de Padoue (1963, créé en 1967), l'opéra en 2 actes Comme il vous plaira, féerie lyrique d'après Shakespeare (1975, créé à l'Opéra du Rhin à Strasbourg en 1982), les ballets Le papillon qui tapait du pied (1951), le Blouson (1966) et Et tu auras nom Tristan (1967-1969, d'après Joseph Bédier) ainsi que de nombreuses œuvres symphoniques et de chambre. Il a reçu le grand prix musical de la Ville de Paris en 1959.
Hasse (Johann Adolf)
Compositeur allemand (Bergedorf, près de Hambourg, 1699 – Venise 1783).
Fils d'organiste, il débuta comme ténor à Hambourg et à Brunswick, où son premier opéra (Antioco) fut représenté en 1721, puis travailla à Naples avec Porpora et Alessandro Scarlatti. Nommé en 1727 maître de chapelle à l'hospice des Incurables à Venise, Hasse épousa en 1730 dans cette ville la célèbre chanteuse Faustina Bordoni : tous deux devaient dorénavant mener leurs carrières de front. Le couple arriva en 1731 à Dresde, où Cleofide fut joué en présence notamment de J.-S. Bach, et Hasse fut nommé maître de chapelle royal de la cour de Pologne et de Saxe. Il revint à Dresde en 1734, ce qui marqua le début de trente années d'activités inlassables dans cette capitale, entrecoupées, il est vrai, par des voyages à Londres, à Munich (1746), à Paris (1750), à Varsovie, à Berlin. Au cours du siège de Dresde (1760), la bibliothèque de Hasse et le matériel qui devait servir à une édition complète de ses œuvres furent détruits. Tombé en disgrâce à la mort de Frédéric Auguste II (1763), le compositeur partit pour Vienne (1764), puis Venise (1773). Son dernier opéra, Ruggiero, fut représenté en 1771 à Milan en concurrence avec Ascanio in Alba du jeune Mozart (les deux œuvres avaient été écrites pour le mariage de l'archiduc d'Autriche Ferdinand avec une princesse d'Este) : « Cet enfant nous fera tous oublier », aurait-il dit alors. Le nom de Hasse symbolise, à lui seul, la conquête des pays germaniques par l'opéra et le style italiens au milieu du XVIIIe siècle. Il connut une carrière des plus heureuses, mais ses succès n'eurent d'égal que l'obscurité dans laquelle il tomba après sa mort, et qui à tort sans doute dure encore aujourd'hui. Représentant typique (avec son librettiste principal Métastase) de l'opera seria tel qu'il se répandit alors à travers toute l'Europe, mais en particulier en Allemagne, Hasse n'écrivit pas moins de 56 opéras et de 13 intermezzos bouffes, de 11 oratorios, de 10 messes et de 7 fragments de messes, ainsi qu'un très grand nombre de partitions religieuses et instrumentales diverses. Sa musique vaut notamment par le dramatisme de son style déclamatoire, parfaitement adapté au sens et à la sonorité de chaque mot, et par la façon dont il sut, dans ses airs, caractériser musicalement une situation, un sentiment. Parmi ses opéras, on note Didone abbandonata (1742), Arminio (1745), Demofoonte (1748), Adriano in Siria (1752), Il Re pastore (1755), tous créés à Dresde, ou encore Partenope (Vienne, 1767). Dans Piramo e Tisbe (Vienne, 1768), il tenta de reprendre à son compte les réformes de Gluck. La musique de Hasse ne survécut pas à la vogue de l'opera seria, mais cela n'empêcha pas des compositeurs aussi différents les uns des autres que Jean-Sébastien Bach, Johann Adam Hiller, Johann Friedrich Reichardt, Joseph Haydn (qui soumit à son approbation son Stabat Mater de 1767 et se déclara ravi des éloges reçus) et même, plus tard, Hector Berlioz de faire de lui les plus grands éloges.
Hassler (Hans Leo)
Compositeur allemand (Nuremberg 1562 – Francfort 1612).
Il fut le premier grand musicien de son pays à aller se former en Italie. Après avoir grandi dans la tradition de Lassus, il fut, en 1584 à Venise, élève d'Andrea Gabrieli et se lia d'amitié avec son neveu Giovanni, futur maître de Heinrich Schütz. Organiste d'Octavian II Fugger à Augsbourg en 1586, anobli par son protecteur l'empereur Rodolphe II en 1595, H. L. Hassler dirigea la musique à Augsbourg, puis à Nuremberg (1601), résida ensuite à Ulm (1604-1608), entra au service de la cour de Dresde (1608) et mourut alors qu'il assistait dans la suite de l'Électeur de Saxe au couronnement de l'empereur Mathias. Il fut, avant Praetorius, le promoteur en Allemagne de l'écriture polychorale vénitienne, laissant à ce dernier le soin d'introduire en pays germaniques l'autre grande innovation transalpine, les « concerts vocaux » avec voix solistes, chœurs et instruments obligés. Ses madrigaux et canzonettes évoquent Andrea Gabrieli, ses ouvrages à deux chœurs Giovanni Gabrieli. Outre une nombreuse production religieuse, dont une centaine de motets, huit messes (parmi lesquelles la grandiose Missa octavi toni à huit voix), deux recueils de chorals et des pièces d'orgue, on lui doit notamment le Lustgarten Neuer Teutscher Gesäng (« Jardin d'agrément des nouveaux chants allemands », 1601), vaste recueil regroupant lieder polyphoniques, monodies accompagnées et pages instrumentales, et où Bach puisa la mélodie du célèbre choral O Haupt voll Blut de la Passion selon saint Matthieu.