Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
C

cantatrice (en ital. cantatrice)

Soliste du chant plus particulièrement classique et de haute qualité. Le terme « chanteuse », plus général, est plutôt réservé à la chanson populaire, de variétés ou de jazz, qui peut, elle aussi, atteindre un haut niveau artistique.

cante jondo (esp. ; « chant profond »)
ou cante hondo (esp. ; « chant profond »)

Chant andalou ancestral portant la marque des Arabes, qui se maintinrent en Andalousie jusqu'à la capitulation de Boabdil en 1492.

Il se fonde sur la richesse modale des gammes antiques, sur les mélismes liturgiques byzantins et sur un ambitus mélodique étroit, ne dépassant pas la sixte. Là où le texte suggère la passion, sa mélopée laisse place à une riche ornementation improvisée. Se souvenant des vocalises du muezzin, le cante jondo privilégie l'usage réitéré et obsédant d'une même note accompagnée d'appoggiatures inférieures ou supérieures. Sans perdre son caractère hiératique et tragique, il a été influencé dans son évolution par le chant des gitans, qui s'établirent dans la région de Grenade au XVe siècle, et s'est dès lors exprimé à travers des formes toutes liées à l'idée de tristesse poignante, d'accablante fatalité : la seguiriya gitana, au rythme et à l'intonation très libres ; la soleá, chant de l'absence, de l'abandon ; le martinete, que les forgerons gitans rythmaient de leurs coups de marteau.

   Confondu à tort avec le flamenco, contaminé par des formes plus extérieures et plus spectaculaires, ce genre s'était édulcoré et se mourait lorsque le Centre artistique de Grenade organisa en 1922 un concours de cante jondo. Federico García Lorca et Manuel de Falla furent étroitement associés à l'organisation de ce concours, et l'étude publiée par Falla à cette occasion joua un rôle décisif dans la restauration du cante jondo authentique.

Cantelli (Guido)

Chef d'orchestre italien (Novare 1920 – aéroport d'Orly 1956).

À quatorze ans, il donna son premier récital de piano, puis étudia le piano et la direction d'orchestre au conservatoire de Milan avec Pedrollo, Ghedini et Antonnio Votto. En 1943, il fut nommé chef d'orchestre et directeur artistique du théâtre Coccia de Novare. Presque immédiatement interrompue par la guerre, sa carrière reprit en 1945 et sa renommée s'étendit rapidement. Toscanini, qui l'appréciait particulièrement, l'invita à diriger l'orchestre symphonique de la NBC à New York (1949). À partir de 1951, il remporta de grands succès en dirigeant le Philharmonia Orchestra de Londres. Quelques jours avant sa mort dans une catastrophe aérienne fut annoncée sa nomination comme directeur de l'orchestre de la Scala de Milan. Ses interprétations, claires, vives, fouillées, incisives, intenses mais maîtrisées, le firent considérer comme l'héritier du style de Toscanini.

Canteloube (Marie-Joseph)

Compositeur français (Malaret, près d'Annonay, Ardèche, 1879 – Paris 1957).

Élève de Vincent d'Indy à la Schola cantorum, il s'imposa comme un musicien régionaliste par excellence, tirant de l'inspiration terrienne la substance même de ses compositions. Non seulement ses nombreux recueils de chants folkloriques, qu'il harmonisa avec délicatesse et esprit (5 vol. de Chants d'Auvergne, 1923-1955 ; Chants populaires de haute Auvergne et du haut Quercy ; Chants d'Angoumois, du Languedoc, de Touraine, des Pays basques, etc. ; 400 chœurs à voix égales ou mixtes : Chants paysans, Chants des terroirs, etc.), mais aussi ses opéras, le Mas (1910-1913, première représentation à l'Opéra de Paris, 1929) et Vercingétorix (1930-1932, première représentation 1933), sont imprégnés de sa tendresse pour le terroir du Massif central.

   Il écrivit aussi des pages instrumentales et orchestrales, édita une Anthologie des chants populaires français (4 vol., Paris, 1939-1944) et publia des études, dont les Chants des provinces françaises (Paris, 1946).

cantiga (esp. ; « chanson »)

Ce terme général désigne toutes les chansons écrites en Espagne et au Portugal au XIIIe siècle. Les plus célèbres sont sans doute les chants religieux en l'honneur de la Vierge Marie contenus dans l'anthologie Las Cantigas de Santa María, quelque 428 pièces en langue galicienne, attribuées à Alphonse X de Castille (dit le Sage). D'autres recueils sont également conservés (Lisbonne, Rome), dans lesquels les sujets traités sont, cette fois, profanes et témoignent de l'influence de l'art des troubadours. Trois manuscrits des Cantigas de Santa María existent aujourd'hui, et ceux de l'Escorial comportent des illustrations à la fois fort belles et importantes pour notre connaissance des instruments employés à l'époque.

cantilène (en lat. cantilena)

Le terme est souvent employé aujourd'hui pour désigner une ligne mélodique particulièrement chantante, qui doit se dégager en relief au-dessus de son accompagnement. C'est aussi une manière d'interpréter où l'instrumentiste doit jouer sa partie comme une mélodie vocale ; sens très proche de cantabile. Jusqu'au IXe siècle, toute pièce chantée profane à une voix, de genre épique et lyrique, ou religieuse, mais seulement de forme monodique, reçoit le nom de cantilena. Plus tard, le terme désigne le chant polyphonique et, vers la fin du Moyen Âge, également la musique instrumentale.

cantillation (en lat. pop. cantillare)

Style d'exécution d'une pièce vocale comme une psalmodie, situé à mi-chemin entre le vrai chant et la déclamation, et adopté dans la liturgie hébraïque et la liturgie chrétienne.

cantique

1. Au sens liturgique strict, le nom de cantique est réservé aux chants d'action de grâces de certains personnages transcrits dans l'Ancien ou le Nouveau Testament sous une forme lyrique. On a recensé 17 cantiques, dont 14 proviennent de l'Ancien Testament, les 3 autres étant de saint Luc : cantique de la Vierge ou Magnificat, de Zacharie ou Benedictus (ne pas confondre avec celui du Sanctus), de Siméon ou Nunc dimittis. Les principaux cantiques de l'Ancien Testament sont ceux de Moïse, des enfants dans la fournaise, d'Ézéchias et d'Habacuc. Les cantiques se chantent à l'office de la même manière que les psaumes, mais parfois avec un timbre spécial plus solennel. On donne quelquefois le nom de « cantique christologique » au Gloria in excelsis de la messe.

2. Au XVIe siècle, la Réforme française a donné le nom de cantiques spirituels à des pièces versifiées d'inspiration religieuse ou moralisatrice, toujours en langue vulgaire, et destinées à être chantées dans les assemblées pieuses ou les réunions familiales. Une grande partie du répertoire a été élaborée en dotant de nouvelles paroles des mélodies déjà connues. Le fait de « travestir » en cantique spirituel une chanson grivoise, par exemple, était considéré comme une action pieuse. De cette manière, Un jeune moine est sorti du couvent, chanson polyphonique assez leste de R. de Lassus, devient Quitte le monde et son train décevant. Les airs de cour du siècle suivant sont également transformés en « airs de cour servant de timbre à des cantiques » (M. Lambert). Mais il existe aussi des cantiques spirituels originaux, monodiques ou polyphoniques, comme les Octonaires de la vanité et inconstance du monde, du poète huguenot A. de La Roche-Chandieu, mis en musique par L'Estocart et surtout Cl. Le Jeune. Le cantique spirituel est avec le psaume français la principale manifestation musicale du calvinisme, aspect dominant de la Réforme en France et en Suisse.

3. À partir du sens précédent, l'Église catholique a ensuite donné le nom de cantique spirituel à un répertoire spécial de chants en langue vulgaire. Il existait de tels chants depuis longtemps, puisqu'au XIe siècle, déjà, on trouve dans un manuscrit de saint Martial de Limoges un cantique en français (dialecte limousin), mais c'est surtout à partir du XVIIe siècle que la confection des cantiques prit une grande extension.

   Si l'on excepte certains secteurs privilégiés comme le noël, ou certaines enclaves ethniques comme la Bretagne ayant fait du cantique une des expressions de leur art populaire, il faut bien reconnaître que le cantique, d'une poésie souvent fruste ou fade, et d'une mélodie qui vaut ce que vaut sa source, présente assez rarement une valeur littéraire ou musicale appréciable.

   Aujourd'hui, le cantique tend à supplanter toute autre forme de musique à l'église, et l'épiscopat en organise lui-même la diffusion sous forme de fiches et dispose à cet effet des services du Centre national de pastorale liturgique.