Dictionnaire de la Musique 2005Éd. 2005
C

Cowell (Henry Dixon)

Compositeur américain (Menlo Park, Californie, 1897 – Shady Hill, New York, 1965).

Violoniste, puis pianiste, il s'imposa dans les années 20 comme l'un des principaux représentants, avec Edgar Varèse, Charles Ives et Carl Ruggles, des tendances avant-gardistes de la musique de son pays. Dès sa première apparition en public (1912), il fit scandale avec des pièces comme The Tides of Manaunaun, où sont juxtaposés un matériau thématique néoromantique et des notes agglomérées (tone-clusters), obtenues en frappant le clavier de la paume de la main ou de tout l'avant-bras. Il poussa plus loin cette technique dans Advertisement (1914).

   Mais son élargissement des possibilités du piano ne se limita pas aux clusters : Aeolian Harp (1923), The Banshee (1925) et Sinister Resonance (1925) en utilisent les cordes selon une technique plus ou moins violonistique, et annoncent par là les pièces pour instrument préparé de John Cage. Précurseur original et audacieux, il écrivit un morceau pour piano, Fabric, qui témoigne de l'intérêt que, dès 1914, il porta aux problèmes de rythme : convaincu que les factures polyrythmiques qu'il envisageait dépassaient les capacités humaines, il conçut et construisit, en collaboration avec Léon Theremine, un instrument à clavier-percussion pouvant produire les combinaisons rythmiques les plus complexes, le rythmicon, et l'utilisa en combinaison avec l'orchestre, en particulier dans Rhytmicana (1931). Il fut également, avec ce qu'il appela la « forme élastique », un pionnier de l'aléatoire : ainsi dans Mosaic (1934), troisième de ses cinq quatuors à cordes. Ses origines californiennes furent une des raisons de son goût pour les cultures et les musiques de l'Asie, dont il utilisa avec bonheur les rythmes, les échelles, les tournures mélodiques. Il ne négligea pas pour autant le passé musical américain, les vieilles ballades et les anciens airs fugués de la Nouvelle-Angleterre ; dans Tales of our Countryside (1939), ou dans le cycle Hymns and Fuguing Tunes (1944-1964), au style coloré et direct, il chercha à étendre à une forme plus moderne certains éléments de base de cette musique. Cowell fut tantôt un musicien d'avant-garde, tantôt un musicien traditionnel, mais il sut soigneusement séparer ces deux traits de sa personnalité.

   Ami de Berg et de Bartók, conférencier et pédagogue, Cowell enseigna à la Stanford University, à la New School for Social Research et aux universités de Californie et Columbia : parmi ses élèves, George Gershwin et John Cage. On lui doit quelques écrits, à la tête desquels New Musical Resources (1930, rééd. 1969). Défenseur de la musique d'autrui, il fonda en 1927 New Music Quarterly, société pour la publication d'œuvres contemporaines ­ Ives, Ruggles, Thomson, mais aussi Webern et Schönberg ­, dont le catalogue fut repris dans les années 60 par Theodor Presser.

   Sa production relativement abondante comprend notamment vingt symphonies (1918-1965), des pages pour orchestre comme Vestiges (1924), Synchrony (1930) ou Old American Country Set (1937), des concertos (piano, harpe, percussion, harmonica, koto japonais, etc.), de la musique de chambre et vocale, et l'opéra inachevé O'Higgins of Chile (1947).

Craft (Robert)

Chef d'orchestre américain (New York 1923).

Élève de Pierre Monteux (direction d'orchestre) et de Stravinski (composition), tenu en haute estime par Schönberg, il se fit aux États-Unis le propagandiste le plus efficace de l'école de Vienne et révéla l'œuvre de Webern à Stravinski, ce qui fut à l'origine de la conversion tardive de l'auteur du Sacre au sérialisme. Comme chef, il fut le premier à enregistrer l'intégrale de la musique de Webern et a gravé également la plus grande partie de celle de Schönberg. Devenu le familier de Stravinski, il a publié avec lui et/ou sur lui Conversations with Igor Stravinsky (1959), Memories and Commentaries (1960), Expositions and Developments (1962), Dialogues and A Diary (1963 et 1968), Themes and Episodes (1967), Retrospectives and Conclusions (1969) et Stravinsky : the Chronicle of a Friendship, 1948-1971 (1972).

Cramer

Famille de musiciens allemands établis en Angleterre.

 
Wilhelm (Mannheim 1745 – Londres 1799). Élève de J. Stamitz et de Ch. Cannabich, il fit partie de l'orchestre de Mannheim et s'installa à Londres en 1773, y menant une double carrière de violoniste et de chef d'orchestre. Dans les années 1780, alors qu'il dirigeait le Professional Concert (en activité de 1783 à 1793), il tenta sans succès de faire venir J. Haydn dans la capitale britannique.

 
Franz, fils du précédent (Schwetzingen 1772 – Londres 1848). Violoniste, il devint en 1837 Master of the King's Music (« Maître de la musique du roi »).

 
Johann Baptist, frère du précédent (Mannheim 1771 – Kensington, Londres, 1858). Pianiste et compositeur, élève de Samuel Schröter et de Muzio Clementi pour le piano, et de Carl Friedrich Abel pour la théorie, il entreprit dès 1788 une carrière de pianiste international, mais sans cesser de considérer Londres comme son port d'attache. Il fit, à Vienne, la connaissance de Beethoven, qui annota ses Études de sa propre main, et, en 1824, fonda à Londres une maison d'édition. On lui doit 105 sonates, 7 concertos et des pièces diverses pour piano, de la musique de chambre et surtout un ensemble d'études (Grosse praktische Pianoforteschule [1815], « Grande École pratique du piano »), dont beaucoup, en particulier celles sélectionnées par Hans de Bülow, sont toujours utilisées actuellement.

Cramer (Carl Friedrich)

Écrivain et éditeur allemand (Quedlinburg 1752 – Paris 1807).

Professeur de philosophie à Kiel de 1775 à 1794, il dut quitter son poste à cause de ses sympathies pour la Révolution française, et s'établit à Paris. Son Magazin der Musik, une des plus importantes revues musicales de l'époque, parut à Hambourg de 1783 à 1787, puis à Copenhague en 1789.

Cras (Jean)

Compositeur et marin français (Brest 1879 – id. 1932).

Il n'abandonna jamais sa carrière d'officier de marine, atteignant le grade de contre-amiral, major général du port de Brest, mais après des études de composition avec Henri Duparc (1901) et d'orgue avec Alexandre Guilmant, il composa aussi souvent que possible : opéra Polyphème (1912-1918), suite symphonique Journal de bord (1927), Concerto pour piano (1931), musique de chambre et pour piano, mélodies.